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défensives au milieu des dangers de toute espèce, vole plus hardiment et plus long-temps que l'oiseau de Jupiter; trace mille courbes en l'air, s'y élève et s'y abaisse ; elle y plane et elle s'y fixe comme un point immobile. Elle se joue, par la légèreté de son vol, des animaux les plus féroces, qu'elle met quelquefois en fureur; enfin elle voltige impunément autour de leur maître, dont elle se fait la commensale malgré lui.

Il est sans doute plus intéressant d'étudier les jeux de ces enfans de l'air au sein de l'atmosphère, que les convulsions de leurs poumons dans la machine pneumatique. N'inspirez jamais aux enfans le goût des expériences cruelles. Lorsqu'ils sont barbares envers les bêtes innocentes, ils ne tardent pas à le devenir envers les hommes. Caligula, avant de tuer des citoyens, s'étoit exercé à percer des mouches. La morale de l'homme avec l'homme commence par celle de l'enfant avec les insectes. Ne faites donc jamais acheter aux enfans une vérité par un vice, et ne perfectionnez pas leur esprit aux dépens de leur cœur. Ne leur faites pas étudier les lois de la nature dans le malheur des êtres sensibles, mais bien plutôt en suivant sa douce chaîne dans leurs plaisirs. Qu'ils interrogent, non leurs douleurs, mais leurs jouissances.

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Voulez-vous leur donner une preuve du besoin que les insectes même ont de l'air? menez-les, en été, sur le bord des ruisseaux; montrez-leur l'araignée aquatique se promenant au fond de l'eau, au milieu d'un globule d'air qu'elle a eu l'art d'enfermer dans des fils. Notre aérostat s'élève dans l'atmosphère; le sien, plus merveilleux, descend au fond de l'eau, et nous seroit sans doute plus utile le nôtre monte au moyen d'un gaz plus léger que l'air atmosphérique; le sien plonge peut-être à l'aide d'un gaz plus pesant que l'eau. Faites observer aux enfans, dans les prairies, cette multitude de souterrains qui servent de retraite aux insectes, et les tertres de la taupe qui se couvrent ensuite de vigoureuses graminées. Tous ces soupiraux, nécessaires à la respiration des insectes laboureurs, fécondent la terre en y introduisant l'air, et ont peut-être enseigné aux cultivateurs la première théorie des labours. Les êtres en apparence les plus méprisables ont donné à l'homme les plus importantes leçons de son industrie.

On feroit une infinité de volumes sur le simple vol des oiseaux, surtout sur celui des insectes. Toutes leurs espèces offriroient des observations curieuses et utiles par la configuration de leurs ailes, leurs divers mouvemens, et les saisons de leurs émigrations. Nous verrons, aux harmo

nies animales, qu'on peut reporter les genres primitifs des animaux, comme ceux des vents, des mers, des montagnes et des plantes, aux harmonies générales de la nature; mais on pourroit rapporter le genre volatile à ces mêmes harmonies générales, puis les multipliant par les harmonies aériennes, en tirer un grand nombre de genres secondaires, qui auroient tous des caractères distinctifs, et classeroient les diverses espèces des oiseaux et des insectes.

Nous jetterons ici un simple coup d'œil sur les moyens que la nature leur a donnés de traverser avec des corps pesans un fluide aussi léger que l'air. Ces moyens sont des ailes. Celles des oiseaux sont divisées en trois parties, comme les bras de l'homme elles sont formées d'os poreux, très-légers, et de nerfs très-forts. Elles sont garnies de plumes, dont les plus grandes et les plus fortes s'appellent pennes. Chaque penne est composée, à sa partie inférieure, d'un tuyau cylindrique très-léger, très-dur et trèsélastique. On trouve dans son intérieur une pellicule membraneuse, sèche, qui provient du suc nourricier qui l'a développée. La partie supérieure de la penne est formée d'une tige remplie d'une substance spongieuse comme la moelle d'un végétal. Cette tige est arquée, courbée et pyramidale. Elle est sillonnée à sa

surface intérieure, et garnie des deux côtés de barbes composées de filets très-légers, et qui s'engrènent parallèlement sur leurs longueurs les unes avec les autres, de sorte que l'air ne

peut les traverser. Ces barbes sont courtes d'un côté de la tige, et elles sont allongées de l'autre, de manière que ce côté se met en recouvrement sous la penne suivante, comme l'extrémité d'une tuile sous celle qui est audessus. Les pennes entrent profondément dans l'aile jusqu'au périoste. Elles sont recouvertes à leur insertion de plumes plus petites, posées en recouvrement pour les fortifier et arrêter le passage de l'air. Enfin, l'aile entière est attachée par des muscles pectoraux très-robustes, au centre de gravité de l'oiseau. Ce sont là les rames sur lesquelles il se tient en équilibre dans l'air; mais pour qu'il puisse y avancer, ses ailes sont, par leurs articulations, suscep→ tibles d'un mouvement oblique la nature lui a donné de plus, pour se gouverner, une queue formée pour l'ordinaire de plumes longues, droites et dont les barbes sont égales. La queue de l'oiseau est son gouvernail, car il ne la dirige pas plutôt d'un côté que sa tête se porte de l'autre, et il change à son gré la direction de son vol. Les oiseaux qui ont la queue courte et les jambes fort longues, comme les grues,

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les cigognes et les hérons, allongent en arrière leurs pieds, qui leur servent alors de gouvernail, en se combinant avec les mouvemens en sens contraire de leur long cou.

C'est avec leurs ailes que les oiseaux, en frappant l'air, se soutiennent comme sur un corps solide, et nagent dans ce fluide beaucoup plus léger qu'eux. Les uns y rament, comme le pigeon pesant; d'autres y volent par longs jets, comme la perdrix ; d'autres par ondulations, comme le moineau; d'autres y glissent, comme l'hirondelle, et y décrivent de grands cercles à la surface des moissons. L'alouette y tourne en spirale; elle semble tracer la vis d'un escalier pour s'élever vers les cieux; mais ce sont ses petits qu'elle se plaît à contempler du haut des airs, et dès qu'elle les a réjouis de son chant elle se laisse tomber tout à coup auprès de leur nid.

De tous les volatiles, ceux dont le vol est le plus curieux et le plus à notre portée, sont les insectes. Les uns ont des ailes de la plus fine gaze, comme la mouche: elle exécute toutes sortes de vols, et, quand il lui plaît, elle s'arrête en l'air et y devient stationnaire; d'autres, tels que les papillons, ont des ailes couvertes. d'écailles fines comme la poussière, et brillantes des plus vives couleurs. Bien différentes

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