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la paralysie, et même les maladies humorales, telles que la plupart des fièvres qui viennent d'un air corrompu que nous respirons. Il est certain que l'air intérieur de notre corps provient en partie de celui de nos poumons, et en partie de celui de nos alimens. Nous ne pouvons douter que cet air ne joue un grand rôle dans l'économie animale; c'est lui qui, après la mort, échauffé par la putréfaction, dilate les chairs, en décompose toutes les fibres, et en emporte les miasmes au loin. Nous observerons ici que les animaux morts se détruisent à l'air bien plus promptement que les végétaux morts. On voit par là que le temps de la dissolution des êtres organisés n'est pas réglé sur celui de leur accroissement, comme on seroit tenté de le croire d'après le temps de la décomposition de la plupart des plantes. Ce temps, dans les animaux, paroît en rapport avec celui du renouvellement de leur nourriture : il en résulte que les animaux qui jeûnent sont déjà disposés à la putréfaction; en effet, toutes les famines traînent à leur suite des épidémies. Mais il y a une raison morale de la rapidité de cette dissolution dans les animaux, et de sa lenteur dans les végétaux; car c'est toujours à des convenances morales que la nature assujettit les causes physiques : la plante a été faite pour l'animal; il étoit donc

nécessaire qu'elle subsistât assez long-temps pour lui être utile, lors même qu'elle ne végète plus, surtout dans l'hiver. C'est par ces mêmes convenances que beaucoup de fruits se conservent long-temps dans un état de vie sans prendre aucune nourriture. Mais l'animal diffère beaucoup de la plante, puisqu'il est doué de sentiment: c'est un être sensible qui, pendant sa vie, est sans cesse agité par le désir de l'entretenir et la crainte de la perdre. Il convenoit donc qu'un animal qui craint la mort n'en offrit pas le spectacle effrayant à ses semblables par son cadavre. Aussi il entre bientôt en putréfaction; l'air qu'il renfermoit se dilate, ses émanations attirent des nuées d'insectes et d'oiseaux qui n'en laissent que le squelette, et des quadupèdes carnassiers qui en brisent et en digèrent les os.

Le développement de cet air intérieur qui s'élève des cadavres avoit fait croire aux anciens que les âmes des animaux, et même celles des hommes, étoient aériennes. Lorsque le bon Virgile parle de la mort de ses personnages, il emploie souvent, au sujet de leur âme, l'expression effugit in auras, elle s'enfuit dans les airs. Si les âmes, même celles des bêtes, n'étoient qu'un air animé, rien ne seroit si facile que de les recevoir, à leur départ, dans des fioles:

on en feroit sans doute des collections fort cu→ rieuses. Mais nous ne saurions y renfermer un rayon du soleil, qui nous fait tout voir, ni un filet de son attraction qui fait tout mouvoir: comment donc captiverions-nous des êtres immatériels, des âmes qui sentent, pressentent, désirent, raisonnent? Sans doute elles appartiennent à d'autres mondes que celui que nous habitons passagèrement, et leur connoissance à d'autres intelligences que les nôtres. Avec nos sciences et nos machines, et tous nos échafau→ dages, nous ne connoissons que quelques dehors de l'édifice de la nature; nous n'en voyons ni les fondemens ni les combles, encore bien moins les dedans; nous n'en pouvons saisir les élémens les plus communs.

Les animaux sont en harmonie avec l'air extérieur par l'aspiration et l'expiration. La nature leur a donné pour cet effet un organe et un viscère qu'elle a refusés aux plantes : ce sont des narines et un poumon. Les trachées des plantes ne ressemblent qu'aux vésicules aériennes des muscles des animaux et à leurs pores cutanés. Chaque animal a deux narines, et nous remarquerons ici que tous ses organes sont doubles, afin que si l'un étoit empêché par quelque obstacle, l'autre pût lui être utile. Nous observerons aussi que les deux canaux des na

rines ne sont point parallèles, mais qu'ils sont un peu divergens, afin de donner plus d'étendue à leur action. C'est ainsi que les rayons visuels des deux yeux partent aussi de deux nerfs optiques et divergens, qui se réunissent au même centre; cependant ces rayons se croisent audehors, divergent, et embrassent une plus grande partie de l'horizon que s'ils étoient parallèles, ou que s'il n'y en avoit qu'un seul. Il en est de même des deux conduits du nez. Leur respiration ne se croise pas; mais elle est divergente, afin de donner plus de latitude à leur action coordonnée au nerf olfactoire. Mais nous nous occuperons du sens de l'odorat aux harmonies végétales des animaux ; nous ne parlerons ici que de celui de la respiration, qui n'a pas été compté jusqu'ici au nombre des sens, quoiqu'il soit le plus nécessaire de tous à la vie, et le premier et le dernier en exercice. Il en est de même de quelques autres qui ont été également oubliés par les naturalistes, qui n'en comptent que cinq, la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher.

Tous les animaux n'odorent pas, mais tous respirent; l'air est nécessaire à leur existence, ils périssent lorsqu'ils en sont privés. A la vérité, quelques insectes vivent long-temps sous la machine pneumatique; mais c'est que la pompe

par

ne tire pas de son récipient tout l'air qui y est renfermé, et qu'il n'en faut qu'une foible portion pour faire vivre beaucoup d'insectes, comme il ne faut qu'un bien foible rayon de lumière pour les éclairer, ainsi qu'on le voit le travail des abeilles dans leurs ruches obscures, et par celui des fourmis dans leurs souterrains. La nature a créé des êtres qui mettent à profit jusqu'aux débris de ses élémens. Une preuve que les insectes respirent, c'est qu'on les fait périr sur-le-champ, si l'on frotte leurs trachées d'huile qui en bouche les ouvertures: aussi un des moyens les plus propres de se préserver des insectes de toute espèce, est de s'oindre soi-même de quelque corps gras. Cet usage est non-seulement pratiqué par les sauvages de l'Amérique, qui se peignent de roucou broyé avec l'huile de palma-christi, mais par des peuples policés de l'Europe qui, pour chasser la vermine de leurs cheveux, les enduisent d'essences huileuses et de pommade.

La nature a employé une grande variété de moyens pour faire respirer les animaux jusque dans le sein de la terre et des eaux ; les principaux sont les trachées dans les insectes, et les ouïes dans les poissons. Les trachées ou stigmates, découverts par Bazin et de Géer, sont des espèces d'ouvertures pratiquées à l'exté

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