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supposant qu'une zone sèche s'élevât au-dessus d'elle par la force centrifuge, les végétaux n'y trouveroient ni ados ni abri. Si, d'un autre côté, notre terre n'étoit pas ronde; si, par exemple, elle étoit carrée, elle auroit beaucoup d'endroits que le soleil n'éclaireroit jamais; si, étant ronde, elle ne tournoit pas sur elle-même chaque jour, un de ses hémisphères seroit toujours plongé dans la lumière et l'autre dans les ténèbres; si elle ne circuloit pas obliquement autour du soleil, chaque année, les végétaux auroient toujours la même saison dans chaque hémisphère; enfin, si ses poles ne varioient pas avec les siècles, l'Océan, obstrué à la longue par les débris des végétaux, se trouveroit de niveau avec les continens. Il est à présumer que les terres planétaires que nous apercevons dans les cieux sont soumises à des harmonies semblables. La puissance végétale doit s'étendre dans tous ces mondes comme la puissance solaire. Elle doit, de siècle en siècle, en accroître les sphères et en varier les poles. Elle est un arbre de vie, dont les racines sont dans le soleil, les tiges dans les planètes, les branches dans leurs satellites, et dont les plus petits rameaux s'étendent jusqu'aux comètes invisibles qui parcourent les extrémités du système de l'astre du jour.

HARMONIES VÉGÉTALES

DES VÉGÉTAUX.

Nous avons vu que chacune des puissances

élémentaires s'harmonioit avec elle-même et avec les autres: l'air est en équilibre de température et de niveau avec l'air, l'eau avec l'eau. Toutes les parties de la terre se supportent comme celles d'une voûte, en pesant toutes ensemble vers un centre commun. Chacun des trois élémens parcourt la sphère des douze harmonies physiques et morales par des contrastes et des consonnances d'où résultent les genres et les espèces diverses des vents, des mers et des montagnes. Il en est de même de la puissance végétale.

La plus importante de ses harmonies est, sans contredit, la conjugale. Elle ne divise pas les végétaux, comme les animaux, en deux grandes moitiés de mâles et de femelles ; mais elle réunit, dans la plupart des végétaux, la faculté reproductive, de manière qu'elle est inhérente à leur tronc même. Nous avons considéré ail

leurs les fibres de la tige d'un végétal comme autant de plantes particulières réunies sous la même écorce. Nous sommes portés à croire que ces fibres sont mâles et femelles dans les végétaux qui ont les deux sexes, et que de leur union résulte la faculté qu'ils ont de se reproduire par des boutures. Ce qui nous porte à adopter cette opinion, c'est que cette faculté n'existe pas toujours dans les végétaux dont les sexes sont séparés, comme les palmiers-dattiers; car, si on en coupe la tête, le tronc périt, sans pousser même de rejeton. Notre idée paroîtra tout-à-fait vraisemblable, si l'on considère que les animaux dont les sexes sont séparés ne peuvent se régénérer par boutures; leurs parties divisées perdent la vie sur-le-champ, tandis que les hermaphrodites la conservent, tels que les vers de terre ou lumbis, dont les tronçons, comme les végétaux bisexes, deviennent des êtres parfaits, et se reproduisent, suivant les expériences de Deleuze et de Bonnet. Il semble donc que la flamme de la vie et de l'amour soit attachée à la réunion de la fibre mâle et femelle, comme la flamme d'une lampe à sa mèche, composée de fil et de coton. Les végétaux et les animaux hermaphrodites nous en montrent la preuve. Cette harmonie existe momentanément dans la réunion de ceux dont les sexes sont

séparés, non-seulement pendant leur vie, mais même après leur mort.

L'ancien Testament dit que David, devenu vieux, couchoit avec une jeune fille, uniquement pour se ranimer; et Plutarque rapporte qu'à Rome les brûleurs de corps dans les funérailles, mettoient un corps de femme sur dix ou douze d'homme pour les mieux faire flamber.

Il y a électricité entre la fibre mâle et la fibre femelle dans toutes les puissances de la nature. C'est sans doute parce que l'une et l'autre sont réunies dans la plupart des végétaux, qu'ils se reproduisent non-seulement par leur semence, mais par leurs tiges, leurs branches et même leurs feuilles. Par cette fécondité conjugale, active dans toutes ses parties, ils forment entre eux un immense réseau, qui enveloppe le globe, et s'étend des espèces aux espèces et des genres aux genres. Qui n'a pas senti, à la vue d'une forêt on d'une simple prairie, qu'il existoit d'autres lois que celles de la végétation? Ici, le chèvrefeuille rampant embrasse de ses guirlandes de fleurs le tronc rond et raboteux du chêne, et là une vigne a reçu des mains pour se joindre aussi d'une union sororale à l'ormeau rameux. Les herbes même des prairies offrent entre elles des accords ravissans; leurs fleurs,

variées de tant de couleurs, sont des couches conjugales. Leurs semences aigrettées, qui volent dans les airs, résultent de l'harmonie maternelle. Leurs familles s'emparent des sites les plus âpres, et se réunissent en tribus et en légions, pour se supporter mutuellement contre les vents. Les espèces des végétaux consonnent avec leurs espèces, et leurs genres contrastent avec leurs genres. La nature nous montre les plantes par vastes amphithéâtres, et la botanique dans des pots. Mais une graminée n'a pas les harmonies d'une prairie, ni un arbre isolé celles d'une forêt. C'est dans l'ensemble des végétaux que sont répandus les sentimens de grâce, de majesté, d'immensité que nous font naître les paysages. Qui n'a étudié les plantes que brin à brin ne connoît pas plus la puissance végétale, que celui qui n'auroit observé qu'un homme isolé ne connoîtroit les rapports des familles, des tribus, des nations, du genre humain.

L'homme seul, sans aucun besoin physique, est touché des harmonies mutuelles des végétaux. L'insecte aux yeux microscopiques cherche sa pâture sur cette feuille, qui lui semble une vaste prairie; le boeuf aux grands yeux mugit de plaisir à la vue du pâturage ondoyant, qui ne lui apparoît que comme une seule feuille :

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