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pins pyramidaux et les bouleaux à la large cime; sur les rochers de la Finlande, les champignons ét les mousses; enfin sur ceux même du stérile Spitzberg, le cochlearia vert et l'oseille rouge; et une infinité d'autres, forment, jusqu'au fond des mers, par la fraternité de leurs genres, la plus agréable et sans doute la plus utile des harmonies végétales. Linnæus l'avoit entrevue forsqu'il a donné le nom d'adelphie ou de fraternité à l'assemblage des anthères dans les fleurs; mais il auroit dû l'étendre à celui des fleurs même, des familles, des espèces et des genres, puisqu'elle y est encore plus apparente. Il n'a fait qu'une application particulière d'une loi générale. Ce que j'en dis n'est pas pour diminuer son mérite. La gloire d'une découverte appartient plus à celui qui aperçoit en mer la première pointe d'une île inconnue, qu'à celui qui en achève le tour. Pour moi, j'en côtoie seulement çà et là quelques rivages.

L'harmonie conjugale des genres est encore plus caractérisée que l'harmonie fraternelle dans la puissance végétale, et n'en a pas moins été long-temps méconnue. On sait aujourd'hui qu'elle divise les végétaux, ainsi que les animaux, en deux grands genres, masculin et féminin, réunis à la vérité pour la plupart dans. le même individu, et souvent dans la même

fleur. Les pommiers, les pêchers, les pruniers, les vignes, les légumineuses, les graminées, et beaucoup d'autres, offrent dans leurs fleurs la réunion parfaite des deux sexes. Les cucurbitées, les noisetiers, les châtaigniers, etc., en présentent la division sur les rameaux du même individu; enfin les palmiers-dattiers, les lataniers, les papayers, et dans nos climats les pistachiers, les ormes, les chanvres, les lychnis, en montrent la séparation totale sur des tiges isolées et souvent fort éloignées les unes des autres. Il est aisé de sentir pourquoi la nature a réuni les deux sexes d'un végétal dans sa fleur. On voit que, n'étant pas susceptibles de déplacement, et privés d'ailleurs d'intelligence, ils ne pouvoient ni se chercher ni se rapprocher. Quant aux sexes qui sont séparés sur les branches du même végétal, ou qui sont même tout-à-fait isolés, j'avoue que j'en ignore la raison. Elle existe sans doute, et elle doit être très-curieuse à découvrir. L'exception d'une loi générale est souvent, dans la nature, le fondement d'une loi nouvelle. Quoi qu'il en soit, la fécondation des plantes qui se conjuguent de loin, n'est pas moins assurée que celle des sexes qui se conjuguent au sein des mêmes pétales. Ce sont les courans de l'air qui en sont

les intermédiaires, comme ceux des eaux le sont du frai des poissons; ils portent le pollen des mâles aux stigmates des femelles, et en fécondent les ovaires. Au défaut des zéphyrs, plus inconstans que les ondes, les insectes ailés, et surtout les mouches garnies de poils, se chargent de cette poussière fécondante, en picorant les glandes nectarées des fleurs mâles, et vont les déposer au loin, au sein des fleurs femelles. Souvent l'abeille sans sexe est involontairement la médiatrice de leurs amours. Au reste, malgré tant d'intrigues, les caractères conjugaux des genres sont inaltérables. On voit quelquefois des espèces métisses résulter d'espèces différentes. On cultive dans nos jardins l'abricot-pêche et la prune - abricotée; mais jamais on n'a vu dans nos forêts le chêne, voisin du châtaignier, porter des marrons; ni l'orme, le soutien de la vigne, des raisins. Linnæus a senti toute l'étendue de l'harmonie conjugale des végétaux, et il en a tiré les caractères principaux de son système botanique, divisé en vingt-quatre classes. Il détermine les treize premières par le nombre des étamines, ou parties mâles, qu'il appelle andrie, du mot grec andros, qui signifie mari. Telle est la classe de la monandrie, ou des fleurs qui n'ont qu'un mari; celle de la diandrie, ou de deux

maris; de la triandrie, ou de trois maris, etc., ainsi jusqu'à la treizième, qu'il appelle polyandrie, parce que ses fleurs renferment un grand nombre d'étamines. Il rapporte ensuite sa quatorzième et quinzième classes à la dynamie ou puissance génératrice, qui appartient aussi à l'harmonie conjugale, à moins qu'on ne veuille l'attribuer à l'harmonie maternelle, qui en est le résultat. La seizième, dix-septième et dix-huitième sont comprises dans l'adelphie, ou fraternité; mais comme il n'applique cette harmonie qu'à l'agrégation des étamines, ou des maris, on sent qu'elle est encore du ressort de la conjugale. Il en est de même de la dix-neuvième classe, qu'il nomme syngénésie, qui veut dire cum gigno, j'engendre avec, parce que les parties mâles sont jointes ensemble; ainsi que de la vingtième, qu'il appelle ginandrie, de gin, femme, et d'andros, mari, de la réunion des parties mâles aux femelles. Il donne à la vingt et unième et à la vingt-deuxième le nom commun d'œcie, maison; et il les divise en monocie et en dioecie, parce que les mâles y sont sur un seul et même pied dans la première, et sur des pieds différens dans la seconde. Il fait de la vingt-troisième une polygamie, de poly, plusieurs, et de gamos, noces, parce que les mâles et les femelles y sont réunis

dans les mêmes fleurs. Enfin la vingt-quatrième classe est la cryptogamie, de crypto, je cache, gamos, les noces, parce que la génération s'y fait d'une manière cachée. On voit donc que Linnæus a rapporté toutes ses classes, sans exception, à l'harmonie conjugale et à ses diverses modifications.

gra

L'harmonie maternelle des genres se retrouve dans les fruits ou les semences. Elle caractérise la prévoyance de la nature pour leur conservation, leur transport et leur développement. Ils sont revêtus de balles, comme les grains des minées ; de capsules, comme ceux des légumineuses; de cuir, comme les pepins; de coques pierreuses, comme les noyaux; d'étoupes solides ou cuirs, comme les cocos; de brou et de coques ligneuses, comme les noix; de cuirs et d'enveloppes épineuses, comme les châtaignes, etc. Les uns sont armés d'aigrettes, ou de volans, pour traverser les airs, et se ressemer sur toutes les hauteurs, depuis celle d'une tau-pinière jusqu'à celle du mont Liban. Telles sont les semences du pissenlit et du cèdre. D'autres sont renfermées dans des espèces de bateaux, pour voguer et se replanter le long des ruisseaux, des rivières, et des rivages de la mer, tels que la noisette, la noix et le coco. Quelques fruits, au lieu d'avoir leurs formes carénées,

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