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freres les bons prestres Filippe et Gervais, partirent ung baston à la main et piés nuds, prindrent leur chemin vers le midy et arriverent, ayant ung longtems cheminé, ez landes de Bourdeaulx. Doù entrerent les saincts pellerins en ung bourg quon appelle Bahoneyre, et convertirent le seigneur Argar et toute sa famille quand et luy, et les baptizerent. Semblablement receurent le baptesme tous les aultres habitans; et ce faict, sainct Leon et ses freres reprindrent route et parvindrent en Baïonne.

Ils cuydoient bien entrer en ceste ville. Ains ne purent aulcunement, estant ycelle fermee au verrouil à toutes ysseües, pour la crainte quon avoit des Basques, lesquels tracassoient laditte cité sans avoir cesse. Adoncq monta le Bienheureux Leon avecques ses freres dessus une montine proche la porte du Midy, où se feist une cellule de pierres et bois sec, disant Yey est mon repos, et ycy habiterayje, pource que je l'ay choisy. Or ces brigants de Basques les surprindrent nuyctamment, et leur demanderent quy ils estoient et doù ce quils venoient. A quoy les saincts estrangers ne comprindrent goutte, estant le language des Basques, comme chasquung scet, du tout singulier et extravagant et moult eslongné de tout parler et ydiomme humain. Et voyant bien les Vasques quils avoient à faire à des estrangers, les laisserent coys et senallerent. Pourquoy les nostres poursuyvirent leurs dévotes oraisons, jusques à tant que le jour veint a poindre. Lors les apperceurent des infidelles Baïonnois qui par adventure passoient par là, quy sen vindrent annoncer le faict aux aultres, disant pour seur que cestoit hommes divins ayant en la face quelque signe celestiel et propheticque : dont sesbahirent merveilleusement les escoutans. Et incontinent sassemblerent les anciens et feurent deputez plusieurs des plus saiges puissants et venerez, lesquels sacheminerent, voulans scavoir

par interrogations modestes et courtoyses a quelles fins estoient veneus les estrangers. Adoncques, voyant sainct Leon une sy grosse trouppe, se signa avec fyance et leur marchant a lencontre parle avecques tant de grace force et douleeur quils lemmenent en la ville et le plantent en la plus belle place où tous les bourgeoys le viegnent escouter, sy devotement et fructüeusement que du premier coulp, sept cents et xviij. de tout eage et sexe requeirent le sainct baptesme.

Lendemain, les prestres de Mars se sousleverent contre sainct Leon, et dirent: Ores, que faysons? Vecy que cest estranger nous veult meetre en la cervelle nouvelles imaiginations et renverser les Dieux qui sont premiers possesseurs de nos temples, et de son Dieu unicque nous pretend il coëffer et engoüer? Et le paovre peuple ne sera cmpesché de l'escouter et soy laysser prendre en son filet? Voyre, ces hommes sont ils poinct sacrileges traictres et espies? Et sur ce beau discours, devallent tous ensemble les dicts prestres, et treuvent le benoist sainct Leon qui preschoit au peuple jouxte la riviere de Nive; et l'interloquent disans Ca, gentil estranger, sces tu que cette bonne ville est deffendeüe et protegee du Dieu Mars l'Invincible? Ores besoing est que viegnes tu au temple dudict Mars, luy offrir sacrifices et rendre hommaige et mercy. Et de faict le tirent au temple, devant lidolle de ce vilain Mars, lequel estoit de grandeur humaine tout en airain fiché en ung autel.

Lors ses crya le Sainct : Tous les dieux des païens sont des diables mais Dieu nostre Sire a faict les cieulx. Et ce dit, il souffla sur ce gros idole de metail, lequel de ce petit souffle, tout ainsi que d'ung gros coulp de belier ou de hacquebute feust renversé les piez parsus la teste et reduyet en pouldre. Ce voyant le populaire sescria, et les

prestres et prestresses creurent au vray Dieu et demanderent le baptesme; et y en eut cxxxx. et iij. baptizez. Et se meirent à qui mieulx ruyneroient ce temple dyabolicque, et trestost nen demoura vestige en la place duquel fut bastie et fundée une Eglise en lhoneur de la bonne Vierge Marie.

Estans les Baionnois baptisez et düement instruyers passa le sainct homme ez païs des Basques, Navarrois et Espaignols; et alloit emmy les forests et lieux sauvages cercher les paovres brebis perdeües et espaves et les remener au bercail de Jhesus-Christ doulx pasteur des aames. A tant vint quil voullut retorner à Baïonne. Ains durant son absence, lhomme ennemy avoit semé la zizanye entre le blé car les pirates baïonnois lesquels dez longtemps estoient en mer en queste de noyses et brigandaiges, treuvant le peuple converty et detestant toute larronerie et pillaige, ensemble les dieux destruycts et temples renversez eslevent maulvaises ligues, ourdissent traistreux embusches et dressent males adventures a lencontre de sainct Leon et de ses freres, et de la foy chrestienne. Ainsy redressent ces bandits leur cuer plein de ferocite diabolicque contre ceste aame redundante de debonnaireté, leurs vains pensers de discord et aveugle hayne contre son doulx et chrestien languaige, leur infidelité collee à Sathan contre sa foy solide, parfaicte chasteté, charité heroïcque et saincteté reluysante en toutes belles euvres. Et luy coururent sus tous armez de pied en cap en grand trouble et tumulte, comme il preschoit ez bords du Nive. Et soubs les yex du paovre sainct, occeirent son frere sainct Gervais. Ce voyant sainct Filippe sen alla du costé des rivaiges de Leodosie a x. м. pas de la ville, auquel lieu il est mort en confesseur, et est meshuy son corps gardé par les bons frercs de sainct Benoist. Daultres bandicts se tenoient

les espees aux poings proche de nostre sainct à fin de l'occire. Et voyant icelluy le moment de sa mort, sagenoilla et dist: Messyre Dieu Toutpuyssant, Pere de notre seigneur Jhesus-Christ lequel vous a revelé Dieu des vertuz et createur de toute creature et du genre humain je vous beny et glorifie, qui mavez daigné conduyre a ce jour de combat. Je prie à vous, syre, que vueillez en moy espandre et verser les largesses de vostre misericorde et emmy vos saincts me rendre participant du bonheur et gloyre eternelle. Je prie enquore à vous que toute femme grosse quy maura invoqué soit saulvee de tout encombre et peril. Je vous recommande ceste ville, à ce que luy octroyez indulgence et ayde, laquelle vous aoure et prie de bon cuer, o Dieu vray ez siecles des siecles.

Alors estendit le sainct evesque ses mains devers les cieulx où son aame senvola, quar un gendarme luy separa le chef du tronc. Et par un cas du tout célestiel et merveilleux, ayant ledict chef touché et rougy de sang la terre, en ce lieu sourdit une fontaine abundante. Or voyant ung aultre gendarme le corps droict ne point cheoir, lui donna ung coulp de pié; dont le saint corps, sans cheoir en terre, senclina tant seulement et print ez bras son beneist chef, et lespace dung stade le soubstint conduyet par ung ange et le porta où meshuy il repose en ung tumbeau. Et illec viennent les peuples honnorer ses relicques et sy faict foyson de miracles et garaisons. Pas grant joye de leur meffaict neurent les scelerats meurtrisseurs, ains sestant, pource qu'ils doubtoient sedition du populaire, mussez en ung lieu obscur où ils vouloient mectre leurs larronaiges, feurent pendant huyet jours en ung horrible fracas de pluye feu soufre esclairs et foudres durant le jour, noyre fumee en la nuyct, ensemble flammes flambantes comme en une forge de lenfer. Ainsi feurent

malmenez les malfaisans et eurent les maulvais male fin, ayent esté punys comme les Sodomois et Gomorrhois.

Au même jour où eut le sainct corps entumbé veint une bonne femme tellement paralitticque quelle ne pouvoit bonnement besogner daulcun membre, et requist au peuple quon la feist approcher et toucher au pretre; auquel ayant esté appliquée, furent ses nerfs guarys et redevint plus gaillarde que devant. Et feist le sainct cors nombre d'autres miracles et encores en faict toujours. Et la saincte aame sapparut aux vicaires de Rouen et leur dit le martyre et lieu de la sépulture; lors vindrent yceux en grant devotion et sen retournerent parapres à Rouen, où Monseigneur sainct Léon et ses frères feurent dung chasquung plourez et priez. Et convient il bien que nous les pryons de mesme, à ce qu'ils intercedent pour nous le Seigneur notre Dieu, à quy seul honneur et gloyre sont à tout jamays. Amen.

BONAVENTURE PALIMPSESTUS.

Note sur l'ancienne organisation de la Justice à Vic-Fezensac.

Vic fut toujours le siége de la justice comtale. Le juge ne prit jamais ses provisions que de nos comtes ou des rois de France. De sa judicature dépendaient six siéges : Jegun, St-Sauvi, Castéra, Verduzan, Ordan et Lannepax. Ces siéges étaient présidés par un lieutenant et un procureur du roi. Le juge de Vic conserva seulement le droit de tenir audience dans ces six dépendances et d'y rendre justice, lorsqu'en 4500 il fut soumis à la nomination royale. Ce juge suprême recevait 50 liv. de traitement annuel. Sous lui étaient immédiatement placés: un lieutenant du roi qui ne recevait rien, et un procureur du roi qui touchait la

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