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les plus indispensables chez le maître d'une grande écurie de courses, et les plus rares peut-être à rencontrer parmi les sportsmen de France.

Quelques-unes des qualités que nous venons d'indiquer, et qui sont d'infaillibles garants du succès dans les entreprises importantes, sont surtout inappréciables dans les habitudes des hommes du monde. M. de Lagrange les apporte dans la tenue de sa maison, dans ses relations intimes et dans l'art de bien recevoir; aussi est-ce à bon droit qu'il est cité comme un des meilleurs maîtres de maison dans la société élevée de notre temps. On voit à chaque détail que l'ordre dans ce qui charme, la symétrie élégante sont de sentiment chez lui.

C'est au château de Dangu qu'il faut être admis pour se faire une opinion complète de ce que l'hospitalité a tout à la fois de plus fastueux et de plus simple; elle est cordiale, affectueuse et met à l'aise.

Dangu est la résidence de prédilection du comte de Lagrange. Il est situé au milieu de cette riche contrée du Vexin français, où les terres labourables, dans plus d'un endroit, ont acquis une valeur de 4 à 5,000 fr. l'arpent. C'est un pays peuplé de belles demeures châtelaines, d'une topographie adorable en ce sens qu'il est jusqu'à présent à l'écart de toutes les grandes lignes de chemins de fer ou de routes impériales parcourues par le touriste banal ou le touriste affairé. En sorte que pour longtemps encore il conservera sa belle physionomie de grande culture, son imposant aspect de richesses agraires, sans que l'activité industrielle ou commerciale le morcelle, le noircisse, en modifie la grandeur. Le château de Dangu trouve au milieu de ces vastes paysages le vrai cadre qui s'harmonise avec son style architectural, l'étendue et la beauté de ses dépendances.

Le parc seul se compose de plus de 150 hectares. Il est planté de hauts arbres parmi lesquels sont à profusion les essences les plus rares. A l'époque du Chantilly des Condé, le parc de Sylvie n'avait pas d'allées aussi ombreuses, aussi belles, aussi calmes que celles du parc de Dangu. Les accidents actuels de ce parc délicieux manifestent le goût, le sentiment parfait des poésies agrestes chez celui qui l'a créé. Ce parc est un poème (1).

Chaque été, les fêtes de Dangu réunissent une assemblée d'élite; elles ont lieu en septembre et en octobre. Quelquefois elles commencent à la fin du mois d'août, mais pour s'interrompre et reprendre ensuite en automne. Le château prend alors tous ses enchantements; les routes du parc sont tenues avec un tel soin qu'on n'y laisse sur le tapis de sable fin et doux qui les mada camise que les feuilles de roses que le vent y sème en les enlevant aux arbrisseaux riverains. Quand il y a fête, le soir, des verres de couleur donnent un aspect fantastique à ces bois où se trouvent des enceintes pour le jeu de paume, pour le jeu de balle, le cricket anglais, des escarpolettes, des grottes, des cottages, des points de vue, des perspectives qu'on dirait ménagées par l'imagination d'un Claude Lorrain. Les fleurs à Dangu sont à profusion. M. de Lagrange a la passion des fleurs; pour lui, tout est prétexte de fleurs. Dans la saison où elles donnent en plein air, vous en trouverez partout, sous vos pas, sous votre main; elles brillent en bordures, en massifs, en corbeilles; elles enveloppent le pied des gros arbres, elles grimpent sur les murs, elles servent de bordure et accompagnent toutes les anfractuosités du périmètre du château; elles garantissent la rampe des escaliers, occupent

(1) Comme nous avons déjà rapporté, dans la Revue d'Aquitaine, les lignes consacrées par Mme de Girardin au château de Dangu, nous nous abstenons de les reproduire. Nous avions devancé M. Chappus dans cette citation.

des plates-bandes sur les paliers du premier étage, décorent chaque angle, chaque meuble dans l'intérieur des appartements, où elles sont groupées avec un art merveilleux.

Dangu est un ancien domaine de la famille de Breteuil. Les ailes du château ont été détruites pendant la révolution. Le corps de logis est resté seul; il est de structure circulaire et en forme de fer à cheval. Il porte deux tourelles de chaque côté. M. le comte de Lagrange ne se fait nulle préoccupation de rendre les dehors de ce bâtiment aux vastes proportions de sa primitive ordonnance. C'est au luxe, au comfort de l'intérieur qu'il s'attache, et à celui des nombreuses dépendances du château. Les écuries, le chenil, les serres, les remises, les bâtiments annexes pour loger les invités, le théâtre, qui contient plus de 400 spectateurs, la salle d'armes, la chapelle, et enfin le haras, voilà son souci.

Le château possède deux aspects: d'un côté est un vaste horizon coupé par des ondulations de terrain, dont la plus importante est appelée le mont Javoult. A vos pieds est le village de Dangu, avec ses vastes cheminées, le cours de l'Epte la poissonneuse qui méandre, une longue suite de prairies qui s'en vont bien loin au-delà du village pour se confondre, à une lieue de distance, avec les prairies du haras de Dangu..

L'autre aspect du château est celui de magnifiques pelouses, semées de bouquets d'arbres, qui limitent les massifs du parc. Ces vastes pelouses, qui rappellent l'Angleterre, sont subdivisées en carrés par des fences à l'anglaise, où sont parqués des chevaux, des cerfs, des daims. On se croirait en plein Devonshire.

Il nous serait impossible, dans les limites de ce travail, de décrire l'intérieur du château; nous parlerons seulement de l'escalier à double rampe, qui part du vestibule, et qui

est d'une grande beauté. Il a droit à cette exception à cause de la nature spéciale de sa décoration, qui se compose de ramures de cerfs et de tableaux de chasse de premier ordre exécutés par Montpezat. Ils reproduisent des épisodes de la vénerie de Dangu. Ces tableaux sont des pages où figurent les illustres hôtes du château, qui prenaient part aux chasses auxquelles assistait l'artiste pour mieux les reproduire sur la toile. M. de Lagrange a eu longtemps un équipage de chasse à courre qui était un modèle de tenuc et qui a placé son maître aux premiers rangs parmi nos ve

neurs.

Il n'est pas rare à Dangu que, le jour de l'ouverture de la chasse à tir, le nombre du gibier tué dépasse 600 pièces. Le comte de Lagrange, depuis plusieurs années, ne chasse plus; il ne sort, un fusil sous le bras, que pour faire honneur à ses visiteurs. Aujourd'hui, tous ses goûts semblent se concentrer sur le sport hippique.

Son haras de Dangu est placé dans une localité très propice à l'élevage; il est parfaitement abrité contre les vents du nord par un amphithéâtre de hautes collines en culture. Ses dépendances sont considérables, ses aménagements d'une intelligence pratique qui frappe. M. de Lagrange y tient actuellement quinze poulinières, parmi lesquelles se trouve Dame-d'Honneur. Cet établissement contient 43 boxes, dont 11 simples et 2 doubles. C'est là qu'est l'habitation de Monarque, l'illustre lauréat des écuries du comte de Lagrange. Retiré des luttes glorieuses de l'hippodrome, il est devenu Sultan.

Le comte de Lagrange, en outre de ses chevaux de courses et de ses poulinières, a toujours ses écuries de ville et de campagne bien garnies de chevaux d'attelage et de selle. A la campagne, il en a pour l'usage de ses visiteurs.

M. de Lagrange a 39 chevaux actuellement à l'entraîne

ment.

M. le comte de Lagrange est de haute taille, de forte corpulence; il est brun, coloré; ses yeux sont extrêmement doux, sa physionomie agréable et heureuse. Il est, nous l'avons dit, d'une politesse extrême; ses manières sont aisées, c'est le grand seigneur, dans l'acception vraie du mot. Il est impossible, en le voyant passer, que l'œil le moins exercé ne reconnaisse en lui un homme du monde d'une haute et bonne distinction.

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ARMES DE M. LE COMTE FRÉDÉRIC DE LAGRANGE : Ecartelé au fer d'azur, à l'épée haute en pal d'argent, montée d'or, qui est de comte militaire; au 2o de gueules, au lion d'argent, accompagné de neuf merlettes de même posées en orle; au 3 d'argent à trois têtes de levriers de sable.-Supports: deux lions. Couronne comtale.

CHAPPUS.
(Sport.)

BIBLIOGRAPHIE.

Les nouvelles bibliographiques qui nous touchent sont rares; les mentions le seront aussi. Parmi les livres qui viennent d'éclore en Aquitaine, nous pouvons ranger l'Histoire des Théâtres de Bordeaux, par M. Arnaud Detcheverry, directeur des archives du chef-lieu de la Gironde. L'auteur a remis en scène les artistes et les directeurs, de 1688 à 1855, révélé ou remémoré les historiettes de cet ancien monde dramatique, et, enfin, rendu honneur, ou plutôt justice, au célèbre et malheureux architecte Louis, à qui l'on doit la salle monumentale que nous admirons aujourd'hui.

Notons encore ici les intéressants et dramatiques souvenirs d'Afrique et de Crimée, publiés par M. le vicomte de Noé, dans la Revue des Deux Mondes, sous le titre de Cavalerie régulière en campagne. Nous revendiquons cet écrivain, parce qu'il appartient à une famille gasconne

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