Page images
PDF
EPUB

LE GÉNÉRAL DE TARTAS.

TARTAS (Emile de), fils de M. Guillaume de Tartas-Conques, ancien député au corps législatif et conseiller à la cour d'Agen, naquit à Mézin, le 1er août 1796.

Garde du corps du roi, compagnie de Noailles, avec le titre de lieutenant, le 15 juillet 1814; mis à la disposition du ministère de la guerre le 1er novembre 1815; sous-lieutenant dans les chasseurs de l'Allier, le 13 décembre 1815; promu au grade de lieutenant, le 11 octobre 1820; de capitaine, le 5 février 1823, toujours dans les chasseurs de l'Allier; de capitaine instructeur, le 3 mars 1825, à l'Ecole de cavalerie; de chef d'escadron, le 23 juillet 1836, dans le 13e régiment de chasseurs (devenu 7e de lanciers); de lieutenantcolonel, le 15 avril 1840, dans le 6o régiment de hussards, d'où il passa, le 21 juillet 1840, avec le même grade, dans le 1er régiment de chasseurs d'Afrique; colonel du 4e régiment de chasseurs d'Afrique, le 15 mai 1842, et maréchal de camp, le 22 avril 1846, M. Emile de Tartas fit les campagnes de 1839, 1841, 1842, 1843, 1844, 1845 et 1846, en Afrique, et il y conquit noblement ses grades de lieutenant-colonel, de colonel et de maréchal de camp, ainsi que la croix d'officier de la Légion-d'Honneur, qui lui fut accordée le 4 novembre 1840, et celle de commandeur qu'il obtint le 22 décembre 1843. (Il était chevalier de cette légion dès le 25 avril 1838).

Son début, en Afrique, fut des plus brillants. A l'affaire du camp de Kara-Mustapha, si heureusement terminée par le général Changarnier, le 20 septembre 1840, le lieutenant-colonel Emile de Tartas, chargeant à la tête du 1er escadron du 1er régiment de chasseurs d'Afrique, se trouva cerné entre le fameux Ben-Omar et un autre chef de Kabiles. Serré de près par ces deux ennemis, Tartas immole du premier choc Ben-Omar, et comme l'autre Kabile s'élançait sur l'officier français, pour venger la mort de son camarade, notre brave compatriote retire son sabre sanglant du sein de celui-ci pour en frapper l'autre chef ennemi, dont la tête vole au loin, sous cet heureux et terrible coup de revers. (Le Toulonnais du 20 octobre 1840).

Le lieutenant-colonel Emile de Tartas fut cité à l'ordre de l'armée, le 5 mai 1841, sous Milianah.

le

Dans un autre ordre du jour, du 8 novembre 1841, à Mostaganem, gouverneur général Bugeaud raconte :

<< Au brillant combat de Maoussa, le 8 octobre, où les chasseurs et les spahis battirent, après une lutte acharnée, une cavalerie très supérieure en nombre, M. le lieutenant colonel Tartas, commandant » la cavalerie réunie, mérite la premiere citation, par la rapidité et » l'énergie avec lesquelles il a su faire face aux événements multipliés » d'un engagement qui a duré deux heures. »

Cet officier supérieur ne se montra ni moins brave, ni moins brillant, le 10 décembre 1842, dans les montagnes de Beni-Ouragh, et, le 12 mai 1843, aux Héa, comme, le 10 juillet, même année, dans ne affaire où il commandait toute la cavalerie, au pays des Sendjess. Au combat du 11 novembre 1843, contre Sidi-Embareck, le général Tempoure, que nous sommes fiers aussi de compter parmi nos compatriotes, nous peint en ces termes le chef du 4e régiment des chasseurs d'Afrique :

<....... J'ordonnai la charge.... Le colonel Tartas, dont l'élan, le » sang-froid et le brillant courage ne sauraient être trop exaltés, dé>> passait seul son premier escadron et entrait le premier dans les >> bataillons ennemis, à travers une vive fusillade, pendant que les » deux colonnes tournantes, les enveloppaient et leur enlevaient tout » espoir de salut. En peu d'instans tout fut culbuté........... »

A la bataille d'Isly, le 14 août 1844, M. le colonel Tartas commandait toute la cavalerie forte de 19 escadrons, et M. le maréchal Bugeaud le cite, dans son rapport sur cette journée, parmi les chefs qui l'ont le mieux secondé.

Le 20 septembre 1845, M. Emile de Tartas, qui commandait toute la cavalerie depuis la mort du lieutenant-colonel Berthier, reçut ordre du général Bourjolly d'éclairer sa marche et de pousser une reconnaissance en avant de Sidi-Ben-Acel.

« Après quelques heures de route, le colonel apprit que Bou-Maza, » à la tête de 1,200 cavaliers environ et d'un grand nombre de fan>> tassins, venait de tomber à l'improviste sur les tribus du Chelif, » qui dépendent de notre khalifa Sidi-el-Aribi, qu'il avait incendié la >> maison de ce chef et que le chérif emportait un butin immense, » fruit de la razzia. Bien que le colonel Tartas n'eût avec lui que 250 > chevaux, il n'hésita pas un instant à se mettre à la poursuite de >> l'ennemi qu'il chargea vigoureusement. Stupéfait de tant d'audace

» et de valeur, le Goum de Bou-Maza s'enfuit dans toutes les direc» tions, abandonnant son infanterie aux coups des chasseurs qui les » passèrent tous au fil de l'épée.

» Le soir, le colonel Tartas rentrait à Sidi-Bel-Acel avec des fem> mes et des enfants enlevés à Bou-Maza, plus de cent chevaux et » de nombreux troupeaux....

[ocr errors]

Cet heureux coup de main du colonel Tartas (pour nous servir des expressions du général Bourjolly), eut un grand résultat moral. Il raffermit dans leur fidélité les tribus qui tenaient encore pour nous, en même temps qu'il jeta la terreur parmi celles qui venaient d'embrasser la cause du Chérif. Afin de maintenir cette heurense position, le général Bourjolly dut marcher contre Bou-Maza avec sa cavalerie, trois bataillons, sans leurs sacs, et deux pièces de montagne. Le 5 octobre, au point du jour, on était en face du camp ennemi, dans le pays de Guerboussa, à sept lieues ouest de Bel-Acel. Mais à la vue des troupes françaises, comme au souvenir de leur échec du 20 septembre, les Arabes disparurent, livrant à nos cavaliers un grand bu tin. Néanmoins, lorsque le général Bourjolly eut repris le chemin de son camp, Bou- Maza reparut avec un gros de cavaliers, sans compter une ligne de tirailleurs qui essayèrent d'inquiéter nos soldats dans leur retraite; mais le colonel de Tartas et le kalifa Sidi-el-Aribi, notre allié, les chargèrent avec tant de vigueur que la troupe ennemie fut culbutée en un instant, et laissa sur le champ de bataille un nouveau butin, des chevaux et trente cadavres.

Enfin, dans un rapport daté du bivouac, au confluent de Teguiguest du Riou, le 24 décembre 1845, et où M. le maréchal Bugeaud raconte l'affaire du Temda, qui eut lieu le 22, au nord de la montagne de Bou-Chattoute, nous lisons ce qui suit:

« Ce combat fait le plus grand honneur à notre cavalerie; elle y a >> obtenu un avantage sérieux contre une troupe d'élite deux fois >> plus nombreuse. Il est certain que nos braves soldats se sont » trouvés dans une circonstance critique, car, en outre de leur infé» riorité numérique, ils avaient à faire à une réunion. de cavaliers » de l'Algérie, animés par la présence et les actions d'un chef qu'ils, » vénèrent et en qui reposent toutes leurs espérances....... Pas un » mort, pas une arme, pas un équipement n'a été laissé sur le ter>> rain, et aucun des nombreux Arabes qui occupaient les montagnes, pendant le combat, n'a attaqué ma cavalerie dans le long défilé » qu'elle a dû traverser pour me rejoindre..... »

[ocr errors]

Et, parmi ceux qui se sont distingués, dans cette 'glorieuse journée, M. le maréchal Bugeaud cite spécialement le général Jusuf et le colonel Tartas.

Chargé, dès 1847, du commandement du département de Lot-etGaronne, M. Emile de Tartas fut élu, par ce même pays, représentant du peuple à l'assemblée nationale, après la révolution de février; et lors de la terrible journée du 15 mai 1848, il fit preuve sur son banc de député du même courage qu'il avait toujours montré sur le champ de bataille. Resté du petit nombre de ceux qui ne désertèrent point leur poste, en face de l'insurrection, voici ce qu'il écrivit, pendant que la mort planait sur sa tête, à M. de Vigier, son compatriote et son ami :

Paris, 15 mai, 3 heures du soir.

» Nous venons d'être envahis; nous sommes à nos places résolus » de mourir. Les plus timides sont pleins de courage et ceux de Lot>>et-Garonne n'auront pas à craindre le moindre blâme; au milieu du » danger, je pense au meilleur des amis.

» 4 heures 112.

» Je suis encore dans la salle des séances, parce que je veux mou» rir à mon poste; je l'ai juré; il en sera ce qu'il pourra. Nous ne som>> mes pas cent.

» Nous venons d'être délivrés par la garde mobile (1). 'Comme je » n'ai pas quitté ma place, j'ai vu, au péril de ma vie, cet affreux >> drame !...

» Mon nom était connu de quelques braves gens qui m'entouDraient de leurs sympathies. La délivrance m'a trouvé à mon poste..... >>

Promu au grade de lieutenant-général, M. de Tartas avait, depuis 1853, le gouvernement de la 14a division militaire, lorsqu'il est mort à Paris, le 29 février 1860, l'objet d'unanimes regrets. Lundi dernier, nous avons dit un éternel adieu à sa dépouille mortelle qui traversait Nérac, pour regagner son pays natal; mais à l'âme d'élite qui vient de la quitter, il est consolant de pouvoir dire: au revoir!

J.-F. SAMAZEUILH.

(1) C'est le général Tempoure, né à Nérac, le 8 février 1790, qui commandait cette garde. Nous rapporterons ailleurs le récit qu'il fit de la journée du 15 mai devant la haute-cour de Bourges.

LE MARQUIS DE PINS MONTBRUN.

Ce dernier mois, l'inventaire funèbre a été trop rempli et douloureuse va être notre tâche.

La mort est venue prendre à son chevet le meilleur des hommes. M. le marquis de Pins, qui avait su forcer la déférence et l'attachement de tous par ses vertus, sa douce bienveillance, et ses estimables qualités de savoir, a été emporté, dans sa cinquante-cinquième année, par la maladie qui l'éprouvait depuis longtemps.

Il avait le type austère et le sourire ascétique et lumineux de St-François d'Assise. Lui aussi était un fervent; lui aussi passait une partie de ses jours incliné sur les livres de Dieu.

Il menait, avec son frère le comte Rodolphe de Pins, du fond du passé vers l'avenir, un long cortége d'ascendants qui personnifient des illustrations de tout genre. Un grand-maître de l'ordre des templiers, des prélats éminents, des conseillers de Jeanne d'Albret, s'échelonnent dans cette famille, à travers les siècles. L'un d'eux reçut de la libéralité de Charles VIII, pour ses héroïques services, deux canons. La présence d'une de ces pièces au château d'Aulagnères atteste encore, de nos jours, l'estime des rois de France pour cette haute maison.

Celui que nous regrettons, jaloux d'entrelacer son nom à un beau nom, avait sollicité et obtenu la main d'une arrière-petite-fille du maréchal de Bassompierre, l'éclatant guerrier, l'habile ambassadeur.

M. le marquis de Pins avait signalé à la Société de l'histoire de France une tour qui dresse sa momie romaine sur les collines qui avoisinent Jegun. Cette étude monumentale lui valut son admission dans cette docte société.

« PreviousContinue »