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les a faits, mais ne cherchez à les imposer à aucune autre nation. Ne les expliquez pas par la morale, s'il vous plaît. Préserveznous de votre philanthropie, pour l'amour de Dieu. Nous aimons mieux accepter votre barbarie, au moins elle est grandiose et poétique. N'est-ce pas pitié que vous entendre raconter la gloire du cheval à qui l'on donne, rassurez-vous, l'occasion d'une mort héroïque ! On les enverrait à l'équarrisseur, dites-vous, on les fait mourir au champ d'honneur. La belle consolation pour cette malheureuse bête annihilée, dont on bande les yeux, sans doute pour ne pas la rendre trop fière de son rôle. L'équarrisseur la tuerait sous le coup, vous lui faites perdre son sang goutte à goutte; et vous riez des àmes sensibles qui ne peuvent supporter cette vue; laissez donc les âmes sensibles, elles ont peut-être raison: tenez, vos arguments sont pitoyables......... et ne prouvent rien........ Dites donc ce que vous pensez, ce que je pense, tout en me révoltant contre moi-même. Dites donc que le cheval est indispensable au combat. D'abord, il prépare le taureau, il le façonne aux luttes qui vont suivre; c'est lui qui, le premier, donne cette grande impression de mort qui vous étreint le cœur; c'est lui dont le sang aveugle ce peuple qui hurle de joie à tous les coups qui portent à fond; c'est lui qui, en tombant, laisse son cavalier à deux pouces des cornes de l'ennemi; c'est lui qui doit mourir lentement; c'est lui dont l'œil trahit si bien l'horreur des affres dernières; c'est lui enfin qui, mort, a un si beau cadavre. « Il n'y a que l'homme et le cheval qui aient un cadavre,» affirme M. Théophile Gauthier, et il a raison.

S'il nous fallait expliquer maintenant la raison d'être de ces jeux nationaux, nous trouverions deux causes d'abord la civilisation en retard chez ce peuple déchu, ensuite le respect des traditions. Il y a bien encore une troisième cause, le mode de gouvernement, le système politique. On traite la Pologne par les corps de ballets; on traite l'Espagne par les cuadrillas de toreros. Les moyens sont adaptés aux climats. Les gouvernements donnent raison à Montesquieu; cependant le respect des traditions entre pour beaucoup dans ces coutumes espagnoles; la tauromachie est vieille comme l'antique Ibérie. On se demande encore si c'est un dernier vestige de l'occupation romaine, ou une innovation apportée par les Maures. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'aux temps les plus reculés de l'histoire d'Espagne, les combats de taureaux existaient et étaient réservés à la noblesse. On combattait alors à cheval

avec une javeline appelée rejon. Le cid Campéador et Fernando Pizarro, le conquérant du Mexique, se distinguèrent dans l'art de rejoncar los toros. Tout chevalier, pour consacrer ses éperons, devait tuer devant le roi un taureau de sa javeline. Ce fut ainsi jusqu'à Philippe V qui fit tout au monde pour empêcher sa noblesse de descendre dans l'arène; les hauts seigneurs à regret la quittèrent pour complaire au roi français, qui avait ces luttes en aversion. Ce fut alors que le peuple fit son entrée dans le cirque, abandonné des grands; et, comme cela arrive toujours, ce fut toute une révolution: le peuple n'imite pas, il crée. Comme le peuple n'avait pas de chevaux à sa disposition, il combattit à pied, mais avec la lance toujours. Ce ne fut qu'au milieu du XVIIe siècle, qu'un jour, dans le cirque de Ronda, se présenta un jeune homme qui, seul, armé d'une épée et d'un petit drapeau rouge, offrit le duel au taureau, et d'un coup porté à fond, l'étendit mort à ses pieds. De ce jour, la science tauromachique était trouvée. Cet homme, saluez!.... c'était Francisco Romero. Le progrès ne s'arrêta pas là. Juan Romero, le frère du grand Romero, planta le premier deux banderilles à la fois sur le cou du taureau. Costillarès inventa le fameux coup d'épée aux taureaux qui ne veulent plus fondre l'estocada de vuel à pies (mot à mot, vole à pied), passe terrible dont l'inventeur fut la première victime. C'est cette même passe que redoutait Montès et que nous verrons exécuter tout à l'heure à Cucharès qui l'affectionne particulièrement. De nouveaux artistes créèrent bientôt de nouvelles manières de tuer le taureau et de poser les banderilles. En quelques années les corridas furent organisées comme elles le sont encore aujourd'hui. Les picadores rappellent seuls avec leur pique l'ancienne manière de combattre avec le rejon. Les picadores représentent la féodalité, les chulos représentent la révolution. Lesquels préférez-vous ? Monsieur Prosper Mérimée aime mieux les picadores, mais aussi monsieur Mérimée a dîné avec l'illustre Sévilla.

FAUGÈRE-DUBOURG.

(La fin au prochain numéro.)

TRAVAUX PUBLICS.

M. Bouchet nous écrit de Marmande : J'ai promis de vous fournir des renseignements sur le pont suspendu de

notre ville, et je viens, quoique un peu tardivement, acquitter ma promesse.

Ce pont fut construit, en deux travées, sur la courbe que décrit le fleuve de la Garonne devant Marmande, il y a environ vingt-cinq ans. La pile de ce pont est une pièce aussi remarquable que solidement construite et à laquelle aucune épreuve n'a fait encore subir la moindre altération, tandis que les culées ont été plus ou moins détériorées par les diverses épreuves qui ont eu lieu. La pile est élevée à l'endroit d'un courant rapide et profond et devait, par les difficultés mêmes des lieux, fixer le plus particulièrement l'attention de l'auteur, tandis que les culées placées en dehors du courant, quoique bâties dans de bonnes conditions, ne devaient pas donner les mêmes sollicitudes, n'ayant pas à lutter contre les mêmes inconvénients.

Toutes les maçonneries étaient solidement construites, mais la suspension des câbles présentait un danger que les hommes de l'art avaient depuis déjà longtemps reconnu et que l'épreuve de l'an dernier a malheureusement démontré. Le système d'amarres construites dans une espèce de voûte traversant les fondations des culées où étaient attachées fortement des barres de fer qui prenaient à la hauteur de deux mètres au-dessus de l'étiage les câbles de suspension et faisaient supporter toute la charge à une partie de la maçonnerie, qui devait tôt ou tard succomber à cette forte pression en un mot, la résultante des forces portait en dehors des points d'appui et tendait à jeter une partie de la maçonnerie des culées dans la rivière. Cependant la travée de rive droite supporta encore très bien l'avant-dernière épreuve, mais dès que la deuxième travée fut chargée, une lézarde qui était déjà ancienne, dans la maçonnerie de la culée gauche, s'entr'ouvrit, et un craquement violent se fit entendre sur les deux rives du fleuve : les plus grosses pierres

de taille no purent arrêter les progrès de cette lézarde qui eut bientôt 0 mètres dix centimètres d'ouverture sur cinq mètres de profondeur. Alors les pièces des gardes grèves et des parapets devinrent des étais utiles pour soutenir la culée, et toute la travée, ployant de toute part, allait infailliblement tomber si l'on n'avait immédiatement procédé au déchargement. L'épreuve ayant ébranlé toute la travée et principalement la culée, il a fallu réparer le tablier à neuf et reconstruire la culée. C'est ce qui a été fait.

L'auteur du projet de reconstruction, tout en maintenant en apparence le système qui devait servir à la construction du pont, ce qui était nécessaire pour faire coïncider avec la travée de rive droite qui a été maintenue, en a différé essentiellement par les fondations, par le volume de maçonnerie qui a été considérablement augmenté et par le point d'amarres. Ainsi, au lieu de maintenir la voûte profonde et transversale à la culée qui servait à l'amarrage des câbles, on a coulé une forte couche de béton à deux mètres environ en contre-haut de l'étiage, et l'on a élevé dessus un gros bloc de maçonnerie relié à la culée dont il fait partie intégrante; lequel bloc est ceint par une voûte desservie par un escalier, pour pouvoir visiter les câbles et les amarres à volonté. De sorte qu'aujourd'hui, les câbles de suspension ne font que ceindre le bloc de maçonnerie dont je viens de parler et qui est muni, à chaque angle, de grosses pièces en fonte qui fixent les câbles et en maintiennent l'écartement. Il est bien entendu que tous ces travaux sont couverts par la levée.

De cette manière, les câbles, ayant les points d'amarre plus éloignés que les anciens, portent d'une manière verticale sur l'élévation de la culée dont toute la maçonnerie se trouve solidifiée par ce fait.

D'un autre côté, la culée de rive droite, bien qu'elle eût

résisté à l'avant-dernière épreuve, a été renforcée au moyen de fortes pièces en fonte appliquées verticalement contre la façade principale et retenues par derrière au moyen de tirants en fer boulonnés sur la face opposée des maçonneries, ce qui retient ensemble tout le massif de la culée et a parfaitement suffi pour supporter l'épreuve nouvelle qui a eu lieu dans le mois de septembre dernier. Cette épreuve consistait en une charge de 200 kilogrammes par mètre carré, soit de 97,200 kilogrammes pour chaque travée.

Depuis cette dernière épreuve, le pont est livré à la circulation et les mesures qu'on a prises dans les réparations dont il vient d'être question font espérer qu'on n'aura de bien longtemps au moins à éprouver de nouveaux inconvénients pour la circulation.

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L'ENNEMI D'ABD-EL-KADER.

Oui, jeunes élèves, je vous le dis avec un noble orgueil, notre belle France a les yeux sur vous. Courage, > vous dit-elle, avec la sage antiquité, labor omnia vincit improbus. Les racines de la science sont amères, mais les » fruits en sont doux. C'est à l'ombre de nos institutions glorieuses......

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Le Sous-préfet s'arrêta court, comme s'il eût été mordu par un aspic. Le jet d'eau que le professeur de physique avait ingénieusement disposé en face de l'estrade, pour combattre la chaleur et rehausser l'éclat de la solennité académique, s'était détraqué tout à coup. La douche portait en plein sur le malheureux orateur qui fut arrosé de la tête aux pieds, avant qu'on pût y porter remède. L'assemblée se tordait dans un immense éclat de rire, pendant que le principal faisait de louables efforts pour réparer,

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