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me, coadjuteur de Reims, assisté d'Arnaut de Mouchy d'Hocquincourt, évêque de Verdun, de Gabriel de Roquette, évêque d'Autun. La cérémonie eut lieu le jour déjà fixé, le 21 septembre.

La charge de précepteur dont il venait d'être investi l'obligeait à résider à la cour; et cependant le diocèse ne pouvait sans danger demeurer plus longtemps sans chef. L'absence de l'évêque était regrettable sous le rapport administratif, et surtout au point de vue religieux, car le diocèse de Condom, qui comptait dans ses habitants de nombreux dissidents, avait été au temps de la réforme le foyer du calvinisme du sud-ouest de la France; une des principales villes, Nérac, longtemps habité par la cour de Navarre, avait vu dans ses murs toutes les célébrités de la nouvelle religion; tout le pays avait entendu la parole des plus grands orateurs calvinistes. La ville épiscopale même compta le tiers de ses habitants parmi les protestants (1). Il ne pouvait en être autrement. Aussi, les conversions avaient été relativement bien moins nombreuses dans ce diocèse qu'ailleurs; et il faut le dire, la conduite des prélats qui occupèrent le siége favorisait merveilleusement cet état de choses, car en 1668 encore le protestantisme était puissant dans le Condomois. Les prêches y étaient multipliés et les ministres choisis toujours entre les plus doctes. »

Ce furent ces circonstances qui déterminèrent Louis XIV à nommer Bossuet à cet évèché, Bossuet, qui déjà avait fait ses preuves dans plusieurs occasions. En faisant ce choix, le monarque avait en vue le succès que dans la contrée ne pouvait manquer de remporter contre la réforme un controversiste si aguerri et si redoutable. »>

(1) Mais à l'époque où Bossuet fut évêque, il n'y avait pas à Condom un seul religionnaire.

Cette situation se compliquait encore par l'affaiblissement de la discipline ecclésiastique, qui était très relâchée. Ajoutons encore « l'ignorance de beaucoup de prêtres, la conduite irrégulière de quelques-uns, la non-résidence de plusieurs, le défaut de vicaire dans quelques paroisses, par l'inexcusable avarice des curés, qui, leur devant donner un traitement de 150 livres, n'avaient tenu nul compte des ordonnances rendues. Ni catéchisme, ni instruction dans la plupart des églises, l'enseignement religieux chômait partout; les conférences ecclésiastiques établies autrefois par les évêques de Condom pour entretenir parmi leurs prêtres le goût de l'étude, accroître leurs lumières et les affermir dans leur piété, en même temps que dans leur science, étaient suspendues. Beaucoup d'églises étaient ou délabrées, ou tout à fait en ruines; dans quelques-unes, point d'ornements, et le peu qu'il y avait se trouvait dans un état déplorable; les bis in die (1) se renouvelaient honteusement en vue, et en vue uniquement de l'émolument; beaucoup de religieux s'étaient montrés insoumis à l'ordinaire, et leur insubordination avait plus d'une fois causé du scandale. Telle était en somme la situation du diocèse de Condom à cette époque.

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(La fin au prochain numéro.)

P. LAFFORGUE.

Discours prononcés au Concours agricole de Lombez.

La fête agricole de Lombez a dignement couronné la série de nos concours ambulants. Intempestive serait, aujourd'hui, une chronique de cette exposition. La seule chose qui nous soit permise, c'est de recueillir, dans un résumé, l'esprit des discours prononcés en cette occurrence. Dans le sien, M. le maire du chef-lieu d'arrondissement qui nous oc

(1) La coutume de dire deux messes dans un jour, ce qui ne se doit faire qu'au cas seulement d'une nécessité absolue et avec une autorisation très expresse de l'Ordinaire.

cupe, a mis avec goût et sobriété, de tout un peu des congratulations pour les membres du jury et pour les exposants, des encouragements pour les cultivateurs, des antithèses réussies, des sentiments patriotiques. Après M. Debent, M. le comte d'Abbadie de Barrau a fait entendre sa parole substantielle et philantrhopique. L'honorable président de la Société d'Agriculture a salué la contrée féconde dont le siége de l'exposition était le centre. Son urbanité lui a dicté des remerciments et des éloges pour tous ceux qui avaient coopéré à l'organisatien du concours. Passant ensuite à un autre ordre d'idées, il a parallélisé les avantages du manufacturier et les désavantages de l'agriculteur; il a dit que le temps était le seul capital accessible à ce dernier, et qu'une longue succession d'années était à peine suffisante pour extirper les parasites de la science, c'est-à-dire les préjugés. Après ces maximes excellentes, il a payé un tribut de justice et de reconnaissance aux initiateurs agronomiques qui ont consacré leur fortune en essais profitables à tous excepté à eux-mêmes, et il a rappelé à ce propos les noms de Dombasle, de Grisonny, de Mac-Mahon. Dans le but de retenir le fatal élan d'émigration des campagnes il a invité les propriétaires à ne pas seconder ce mouvement par l'exemple de déplacements fréquents ou périodiques. Nous osons espérer que ces sages conseils auront des résultats fructueux.

M. le préfet a indiqué le rôle vital, maternel et civilisateur de l'agriculture dans l'humanité. M. l'abbé Dupuy a jeté un coup d'œil rétrospectif sur les tentatives de la Société d'agriculture, et mesuré l'efficacité de son action annuellement progressive. Dans cet aperçu, il a annoncé que le livre généalogique de la race bovine gasconre, œuvre de M. le comte de La Roque d'Ordan, était à la veille de son apparition. Il a affirmé le zèle de cette même Société en la représentant soucieuse du perfectionnement des vins du Gers, de l'introduction de l'espèce chevaline dans les exhibitions rurales; enfin, de tout ce qui pouvait favoriser le développement de la production territoriale dans la limite de ses facultés et de sa circonscription.

M. de Rivière, qui n'avait pu assister à cette solennité, avait délégué son estimable collègue, M. Denjoy, pour la lecture de son rapport sur les primes d'honneur libéralement octroyées par le Conseil général aux Mentors de l'agriculture. L'honorable maire de Vic-Fezensac a enfermé de larges considérations dans un petit cadre, et débuté par un hommage à l'un de ses confrères de l'assemblée départementale qui, durant la dernière session, avait jeté le cri d'alarme en présence de la descente

des campagnes vers les villes. Il a signalé les efforts du gouvernement pour réhabiliter la profession utile entre toutes. Cette attraction funeste, exercée par les cités sur l'homme des champs, a inspiré à l'intelligent rapporteur de nobles et morales réflexions. Il nous a montré les fils de paysans dédaigneux du métier de leurs pères, et séduits par le mirage de l'industrie à laquelle ils apportent des bras et des cœurs qu'elle engrène et gangrene. Il a déployé les misères qui attendent les déserteurs du foyer champêtre, et les douces et pures joies de ceux qui lui sont fidèles. Ce discours a été le commentaire heureux et chaleureux de cette pensée de Cicéron Regagnez les campagnes, fuyez les villes comme des prisons; evolate ruS EX UBBE, TANQUAM EX VINCULIS.

BIOGRAPHIE AQUITAINE.

Notice sur la Vie et les Ouvrages de M. de Noé, évêque de Lescar et de Troyes, cardinal désigné, etc.

Marc-Antoine de Noé, évêque de Lescar et ensuite de Troyes, cardinal désigné, naquit au château de la Grimenaudière, près La Rochelle, de parents illustres qui habitaient ordinairement la terre de leur nom, aux environs de Mirande (1), et mourut à Troyes le 24 septembre 1802.

Dans cette Notice, nous considèrerons particulièrement M. de Noé sous les rapports littéraires, car ce prélat, digne émule des Bossuet, des Fléchier et des Massillon, fut l'un des dignitaires du clergé de France les plus recommandables et les plus éloquents du XVIe siècle.

Mgr l'évêque de Troyes commença ses études, sous les yeux de sa famille, au collège d'Auch, alors dirigé par les Jésuites. Ces habiles professeurs firent éclore chez lui le germe des grands talents qui le distinguèrent par la suite. Ces heureuses dispositions de leur élève acquirent un nouveau développement au collége des doctrinaires de Tou

(1) Au château de l'Isle-de-Noé (ou l'Isle-Arbéchan).

louse. Les parents de M. de Noć l'avaient envoyé dans cette métropole scientifique et littéraire du Midi pour y achever son éducation classique et religieuse. A cette époque, il fut nommé grand-vicaire d'Alby; appelé bientôt après à remplir les mêmes fonctions près de l'archevêque de Rouen, il profita du voisinage de Paris pour se livrer, dans cette grande cité, à son goût pour les lettres, et principalement pour l'étude de l'antiquité.

Le vœu de sa famille était de le voir évêque, dit M. Luce de Lancival, son éloquent panégyriste; le sien était d'être un nouveau Chrysostome: pour en avoir les vertus, il lui lui suffisait de se livrer à son heureux naturel; mais il voulait aussi en avoir les talents, et il sentait que pour y parvenir, il fallait du temps, du travail et d'autres études que celles qu'il avait faites jusqu'à ce jour en province. Il était surtout convaincu qu'il fallait connaître à fond les langues grecque et latine.

Le célèbre académicien Le Beau, continuateur de Rollin, comme historien des Empereurs romains, et professeur de rhétorique à l'Université de Paris, florissait alors. M. de Noé, recommençant cette partie de ses études, fut son élève le plus attentif et le plus exact. (Il avait alors près de 25 ans.) Notre grand-vicaire, quoiqu'appartenant à unc famille riche, l'était personnellement fort peu, comme tous les cadets légitimaires de Gascogne, à cette époque. Il était logé à Paris, plutôt en savant qu'en dignitaire ecclésiastique, avec un de ses amis, disciple, comme lui, de M. Le Beau. Au cœur de l'hiver, sans feu et enveloppés dans les couvertures de leurs lits, ils passaient leurs jours à étudier les beautés des Pères et des Docteurs de l'Eglise, et celles d'Homère, de Platon et de Démosthène. Le supérieur d'un séminaire trouvant un jour M. de Noé occupé à la lecture de Sénèque le philosophe, « M. le vicaire général,

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