Page images
PDF
EPUB

de Mezin, que nous reproduisons aujourd'hui. C'est une heureuse phothographie de la petite cité qui a le monopole de l'industrie bouchonnière. Cette coquette composition a éte accueillie avec un fiévreux enthousiasme. Au milieu de l'émotion générale, trois enfants de la salle d'asile se sont avancés vers Jasmin et lui ont offert une écritoire de liége et une truelle en argent sur laquelle on pouvait lire cette inscription: Truelle des bonnes OEuvres. Voici l'hommage du troubadour à la ville qui le fêtait :

LOU LAOURÉ DE L'ESPITAL DE MEZIN.

A Moussu de l'Artigo, mairo.

Graciouzo bilo de Mezin,

Reyno de la surredo, amigo de la Lando,
Dins la Franço, à-tengut, de frustin en frustin,
Toun noum a fèy de brut may qu'uno bilo grando :
Dambé tu, lous grans bis, las millounos licous,
Dins lou beyre enclabats, se gardon sanitous....
De toum leouge mouflet côfes cado boutéillo,
Et la licou s'endron, mais quan la côfo part,
Aquel esprit se dérrebéillo.....

Tout s'alûco... et l'engin n'en grandis à l'escar!

- N'és pas tout, biloto beziado,

Toun païs és lou brès d'un famus general

Qu'a marquat dins l'Africo, al cat de nôstro armado,
Coumo un casse pyramidal

Al mitan d'uno cassenâdo !!

N'es pas enquèro tout la graço aciou luzis;

Des quatre bors l'esprit flouris;

Et s'un poèto y cansounéjo,
Tout un puple s'escalouris,

Et coumo un prince lou festéjo....

Mezin, n'èri jamay bengul,

Mais souben à tu saounéjâbi,

Et de lèn, en passan, may d'un cot te guignâbi....
Anèy flôques ma muzo, et moun cò n'es pas mut:
Ey flous d'or, ramèls d'or que trôbon pas sus aoures;
Ebè, nou balon pas aquet laouére despaoures

Que me ben de tout sent-oustal.....

Courouno de moun cò... n'aourèy nâdo parèillo :
Me semblo que del cièl, al noum de l'Espital,
L'èl blu de moun gran-pay me rits dins câdo fèillo !!

MISCELLANÉES.

M. Victor Meunier a publié dans le Siècle un article sur le renouvellement du déluge. Il assigne par bonheur à ce cataclisme le terme consolant de 6300 ans. Le savant rédacteur du Moniteur des Sciences ne croit pas que les grands reliefs terrestres aient jailli du sol soudainement et tout d'une pièce, contrairement à M. Elie de Beaumont qui pense que la cause de la perturbation de l'élément liquide qui se produisit, lors de la catastrophe diluvienne, est le soulèvement instantané. M. Victor Meunier admet trois mouvements ascensionnels pour la formation des Alpes et des Pyrénées. Les premières comme les secondes montagnes ne sont parvenues que par des exhaussements successifs à leur altitude actuelle. On y voit trois degrés des eaux à 4,800, à 7,500 et à 9,000 pieds anglais au-dessus du niveau des mers. Il étaie son opinion des recherches d'Alcide d'Orbigny, de Layell de celles plus récentes de MM. Roulin, de Rouville, Delbos, et enfin, des travaux géologiques de notre honorable collaborateur, M. Noulet.

On nous écrit de Tarbes. A la sortie de l'église de la Sède, lat voiture de Leurs Majestés a été circonvenue par une masse tellement compacte que les chevaux n'ont pu faire un pas en avant. Les ondulations du flot populaire étreignaient de plus en plus l'équipage impérial. Le vainqueur de Solferino, heureux d'être ainsi enveloppé, aurait dit avec un à-propos charmant Enfin, me voilà prisonnier!

L'Empereur et l'Impératrice ont traversé, pour se rendre à St-Sauveur, une partie de l'ancien comté de Bigorre dont la pauvreté était telle, il y a un siècle, qu'on ne comptait dans toute la vallée que trois

chapeaux et deux paires de souliers. Leurs Majestés se sont arrêtées avec émotion sur le pont de la reine Hortense, devant la colonne élevée en 1808 à cette douce et généreuse femme qui eut le malheur d'être reine, et qui expia un peu de gloire par beaucoup de larmes et un long exil. Après ce pieux hommage rendu au monument maternel, Leurs Majestés sont entrées à Luz.

Le nom de Luz me remémore un fait historique singulier. Cette petite cité pyrénéenne, aujourd'hui chef-lieu cantonal, fut jadis capitale des vics des entours et centre de réunion de leurs députés. C'était là aussi que se prélevaient les taxes. Les rôles de l'impôt étaient représentés par de petits carrés de bois blanc appelés Totchoux. Chaque communauté avait une souche financière analogue sur laquelle le collecteur gravait au couteau des chiffres romains dont il connaissait seul la valeur. En 1784, l'intendant d'Auch, qui était, je crois, M. de Laboulaye, ordonna à l'un des préposés aux tailles de lui apporter les registres de répartition et de perception. Celui-ci obéit pleinement, et il amena au chef de la généralité deux chars emplis de petits bâtons.

On sait que St-Sauveur se dresse sur le premier degré de la montagne qui domine Luz, et que son site est très pittoresque. Voici, d'après la tradition, d'où ce lieu tire son nom. Un évêque de Tarbes, exilé à Luz, fit, dit-on, élever une petite chapelle avec cette inscription: Vos aurietis aquas de fontibus Salvatoris, d'où est venue la dénomination de St-Sauveur. Cette cité thermale fut, sous la Restauration, un rendez-vous à la mode, et, parmi ses visiteurs, elle compta Mesdames les duchesses d'Angoulême et de Berry. Vers la fin du dernier siècle, Burke, le célèbre orateur et écrivain anglais, y fit de fréquents séjours.

Une femme de Tonneins est allée pédestrement à St-Sauveur pour offrir à S. M. l'impératrice une cage peuplée d'ortolans. La gracieuse souveraine non moins accessible aux gens du peuple d'aujourd'hui que Jeanne d'Albret aux paysans d'autrefois a fait introduire la garonnaise et lui a dit avec aménité: vos oiseaux doivent être bien jolis, et aussitôt, insinuant sa main dans la prison d'osier, elle en a retiré un captif auquel elle a rendu la liberté, laissant aux autres la porte ouverte. Témoin de cette évasion la bonne femme s'est écriée sur un ton de reproche: oh! Madamo, bostré boun co bous fa desbremba bostré estoumaq!

SYMBOLISME

DES

NOMS DE NAPOLÉON ET DE BONAPARTE*.

Numine, NOMINE et omine.
Adage antique.

O mon cher Hermogène, c'est une grande chose que l'imposition des noms.

ORIGÈNE.

Le nom de tout être exprime ce qu'il est.
Jh. de MAISTRE.

Ei si nomo; due secoli,
L'un contra l'altro armato
Sommessi a lui si volsero,
Come aspettando il fato :
Ei fe silenzio ed arbitro
S'assise in mezzo a lor.
MANZONI.

Et cependant aucune étoile n'a manqué à sa destinée. La moitié du firmament éclaira son berceau; l'autre était réservée à la pompe de sa tombe. CHATEAUBRIAND.

Il avait fini par croire à la divinité de son nom..
LAMARTINE.

L'histoire sera toujours intéressée à lever le voile qui couvre cette race prédestinée où Napoléon n'est certes pas un accident fortuit, un fait isolé. GEORGES SAND.

Un nom splendide et nouveau est le trophée réservé aux vainqueurs dans le royaume des royaumes (1). Jaloux d'imprimer, par un fait visible, cette promesse apocalyptique dans notre entendement, Dieu résolut de glorifier un triomphateur de la terre en lui accordant ce privilége du ciel. Pour ne pas égarer sa faveur divine et pour la rendre

On trouvera peut-être cette étude dépaysée dans la Revue d'Aquitaine, parce que le sujet n'adhère, par aucun de ses côtés, à notre programme. Nous n'avions partant aucune raison de lui donner droit de cité en notre recueil exclusif de tout ce qui n'intéresse pas directement la région du sud-ouest. La cause de cette exception est bien simple. Georges Sand, dans son voyage à Majorque, suspecta NAPOLÉON d'origine languedocienne. J'entrepris des recherches généalogiques pour élucider ce doute et justifier cette assertion. Malheureusement, mille difficultés matérielles vinrent traverser mes investigations et mon bon vouloir. Je désertai mon projet; mais il me resta bonne provision de notes. Toutes celles qui étaient relatives aux noms du conquérant de l'Europe fruit de mes méditations bien plus que de mes lectures) furent triées et assor ties. Voilà comment j'ai produit la présente tentative étymologique et symbolique. C'est la première fois que cette matière est systématiquement fouillée et traitée. J'ose donc espérer qu'elle ne sera pas totalement dépourvue d'intérêt. (1) Apocalypse, chap. III, v. 12.

plus éclatante, il la refusa aux vulgaires créatures, et son souffle anima une prodigieuse création déguisée sous la forme humaine. Quand cet ètre formidable surgit du néant on croit qu'il lui dit tu seras un sourd écho de ma puissance, car je t'ai confié les attributs de la foudre et j'ai trempé dans les éclairs ta parole et ton épée. Tu seras le grand artiste du canon. Campé sur le sommet de la gloire, tu consigneras l'Europe et tu transmettras le mot d'ordre à l'univers. Dans les plis de ma science, je cèle un nom symbolique comme il faut que le lien soit proportionné à ton œuvre, je t'impose celui-là: tu t'appelleras NAPOLÉON: ainsi le veut le maître du tonnerre, le Dieu des armées.

Quel autre onomaturge aurait pu inventer un pareil nom? sa beauté et son esprit sont la révélation de son origine. Comme celui de CHRIST et celui de MESSIE, qui veulent dire oint, comme toutes les grandes dénominations historiques, il est relatif au caractère et aux fonctions, il synthétise la carrière du législateur et du conquérant. Son influence dans l'ordre universel ne peut être raisonnablement acceptée comme un fait accidentel. Elle sanctionne la croyance de M. de Maistre qui attribue à Dieu le monopole des grandes appellations (1). Quand elles sont doubles et distinctes, l'une peut être une émanation d'en haut, l'autre une fabrication d'ici bas (2). Deux noms incombèrent à BONAPARTE: ce dernier fut le précurseur de celui de NAPOLÉON. Quand celui-ci eut fait explosion, l'autre subit comme une éclipse partielle. Nous détaillerons, tout à l'heure, les qualités du beau substantif NAPOLÉON périphrasé à la manière hellénique qui unissait les mots sans

(1) Il en est de même de Dieu qui a voulu nommer les hommes.... Il s'est réservé, sur les noms, une espèce de juridiction immédiate qu'il est impossible de méconnaître. DE MAISTRE.

(2) Homère parle de certains hommes que les dieux appellent d'une manière et les hommes d'une autre.

« PreviousContinue »