Page images
PDF
EPUB

Meaux, 1967-1704.

12/

ORAISONS FUNÈBRES)

DE BOSSUET

PRÉCÉDÉES

DE L'ESSAI SUR L'ORAISON FUNÈBRE,
PAR M. VILLEMAIN,

D'UNE NOTICE ET DE JUGEMENTS SUR BOSSUET

ET ACCOMPAGNÉES DE NOTES ET VARIANTES,

SUIVIES D'UN CHOIX D'ORAISONS FUNÈBRES

DE FLÉCHIER ET DE MASCARON

PARIS,

LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES,

IMPRIMEURS DE L'INSTITUT,

RUE JACOB, 56.

-

848

1851

ESSAI

SUR

L'ORAISON FUNÈBRE,

PAR M. VILLEMAIN.

Malgré les travaux et la gloire de tant de grands écrivains, la littérature française, formée presque entièrement sur l'antiquité, n'a pas encore reproduit toutes les perfections et toutes les variétés de cet admirable modèle; mais elle a du moins remplacé ce qu'elle ne pouvait égaler; et partout elle présente, où d'heureuses imitations, ou d'illustres dédommagements. On regrette l'éloquence des républiques anciennes : et cet art puissant et redoutable, qui ne se renouvelle qu'avec moins d'éclat et d'empire dans les institutions les plus libres des peuples modernes, semble manquer encore au domaine du génie. Mais la religion a fait naître parmi nous un autre genre d'éloquence, qui, considéré seulement sous le rapport du goût, n'est pas moins riche pour le talent, ni moins favorable à ces mouvements de l'âme qui font le grand orateur. Bossuet et Massillon peuvent représenter à nos yeux les deux héros de la tribune antique. Les sujets ont bien changé sans doute; mais le fond de l'éloquence est resté le même.

Cette école nouvelle a produit deux sortes de compositions le sermon qui s'occupe des mystères de la foi, et des règles de la morale évangélique; l'oraison funèbre, qui célèbre et consacre les grandes vertus humaines. Ce

a

second genre d'éloquence, moins sévère que le premier, peut avec plus de convenance servir d'objet à des études oratoires: il n'est étranger à aucun des intérêts de la terre ; il tient à l'histoire par le récit des faits, à la politique par l'observation des grands événements, à la morale par la peinture et le développement des caractères. Les exploits d'un capitaine, les talents d'un homme d'État, la vie d'un roi, en forment la matière habituelle. La religion y domine toujours, comme étant le terme de tout. Nous nous proposons de rassembler quelques réflexions sur le caractère de cette éloquence, à laquelle les lettres françaises doivent quelques-uns de leurs plus beaux monuments.

Nous remonterons aux plus antiques modèles, en nous arrêtant surtout à ceux qui offrent, par le caractère de la composition et du style, une ressemblance avec les ouvrages les plus remarquables que présente notre littérature oratoire.

L'éloge funèbre est sans doute une des plus anciennes formes qu'ait reçues l'éloquence. L'art de la parole, prétend Cicéron, fut inventé par le besoin de réunir les hommes errants, et de calmer ou d'exciter les passions d'une peuplade sauvage: mais probablement les premiers hommes qui furent obéis par d'autres hommes devaient leur empire à la force, plutôt qu'aux artifices de la parole. Dans le vague souvenir des traditions grecques, les Hercule et les Thésée sont plus anciens que tous les orateurs.

La prière pour désarmer un vainqueur, les regrets pour célébrer un héros, voilà quelles furent sans doute les premières occasions, les premières inspirations de l'éloquence. Un de ces hommes qui avaient dominé ou protégé les autres, un de ces guerriers vaillants, nommés généraux ou rois par l'instinct de la faiblesse commune,

venait-il à succomber, l'admiration, la douleur devaient parler sur son tombeau : on se rappelait ses actions; on s'entretenait de cette vie puissante et glorieuse qui venait de finir; c'était l'éloge funèbre et, dans la simplicité superstitieuse des premiers temps, cet hommage suprême devenait souvent une apothéose.

Les livres saints, premières et sublimes archives de tous les genres de poésie et d'éloquence, nous font entendre la plainte de David sur la mort de Saül et de Jonathas. David célèbre les deux guerriers tombés au champ de bataille: il vante leur courage, leur beauté ; il publie et recommande leur mémoire; il décrit le deuil du peuple qui les a perdus. Rien n'est à la fois plus solennel et plus spontané que ce témoignage des vivants à la gloire de ceux qui viennent de mourir; rien ne doit avoir plus naturellement inspiré l'éloquence.

D'après cette disposition du cœur humain, qui devait, dans la plus obscure peuplade, dans la moindre tribu, faire éclater une expression commune de douleur à la mort du guerrier courageux, du chef bienfaisant, peuton s'étonner que les récits de l'histoire nous montrent, dans une des grandes sociétés le plus anciennement établies, l'usage de l'éloge funèbre sur le tombeau des rois? S'il faut en croire Diodore de Sicile, les institutions de l'Égypte soumettaient ces éloges à une difficile épreuve, et leur imposaient une véracité à laquelle l'oraison funè bre, dans les temps modernes, a dérogé plus d'une fois. Les « prêtres, dit cet historien, prononçaient l'éloge du monarque, en rappelant tout ce qu'il avait fait de bien. Les « foules de peuple réunies pour la pompe funèbre enten« daient ces discours avec faveur, si le monarque avait « bien vécu; autrement, ils protestaient par leurs mur" mures: aussi beaucoup de rois furent-ils, à cause de

«

« PreviousContinue »