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Toulon s'élève à peine à 25. Cette différence, du reste, s'explique naturellement par le fait que beaucoup de terres ont recu, pour la première fois, la vigne dans l'arrondissement de Brignoles, tandis que dans celui de Toulon le sol est fatigué de la porter.

Ici, on pourrait indiquer la nature des terrains qui s'épuisent plus tôt et qui, d'une plantation à l'autre, demandent plus de temps pour recouvrer les principes nutritifs du cépage. Mais je ne veux point abuser de la bienveillance de mes auditeurs; qu'il me suffise de dire que les terrains légers, perméables, sont rapidement épuisés et qu'il faut les soutenir par de fréquentes fumures. On m'a cité des terrains de ce genre à Cassis et à la Ciotat, où la vigne ne peut plus venir. Comme on le voit, sous le rapport de l'étendue des plantations, le Var a considérablement gagné.

Cavoleau donnait aux Bouches-du-Rhône 27,388 hectares de vignes, ainsi répartis : 45,935 dans l'arrondissement de Marseille; 5,000 dans celui d'Aix; 6,403 dans celui d'Arles. La statistique 1842 portait cette étendue à 24,991. Je crois ne pas être éloigné de la vérité, en la portant pour aujourd'hui à 30,000 (4), l'augmentation s'étant surtout développée dans l'arrondissement d'Arles et aussi dans celui d'Aix, où les lignes de vignes ont été jusqu'ici, sauf quelques exceptions, espacées de 8 à 12 mètres. Les plantations se sont donc également accrues dans les Bouches-du-Rhône, partout on a mieux cultivé et on a obtenu un rendement moyen plus élevé que par le passé.

Dans le Var comme dans les Bouches-du-Rhône, deux cépages se disputent la prééminence, le Mourvèdre (Espar du Gard et Tinto de Vaucluse), et le Grenache ou Alicante. Le premier donne des vins plus solides, plus durables, plus

(1) Le tableau statistique de M. Bonnet, publié ci-dessus, porte cette étendue à 61,305 hectares, chiffre beaucoup plus élevé que celui marqué approximativement par M. Pellicot. M. Bonnet dit avoir tenu compte de la disposition des vignes, dont les cordons se trouvent intercalés dans les terres à blé.

(Note des Secrétaires généraux.)

corsés et aussi plus âpres au début; mais il est délicat sur le choix du terrain, il lui faut des terres bonnes et profondes, le calcaire surtout paraît lui convenir spécialement. Plus rustique et aussi plus productif, le Grenache gagne du terrain, dans le canton d'Hyères surtout où il est plus multiplié que le Mourvèdre. L'élément sucré domine dans son vin qui est plus prompt à se décolorer, qui peut être bu plus tôt, mais que le commerce n'apprécie pas autant que celui du Mourvèdre, à cause même de sa facilité à se décolorer et des fermentations successives qu'excite en lui le sucre non entièrement décomposé dans la cuve. Aussi, en y réfléchissant, je ne suis nullement étonné que dans les Pyrénées-Orientales, où le Grenache domine et où il est vendangé très mûr, on lui donne dans un cuvage prolongé, d'un mois de durée au moins, le temps nécessaire pour que la fermentation transforme tout le sucre en alcool. Ce cépage très vigoureux et productif, même sur les plus mauvais terrains, se recommande naturellement de lui-même, là où le Mourvèdre ne réussit pas;-il n'y a que les terres humides qui ne lui conviennent point. --La culture du Grenache s'étend non-seulement à Hyères, mais dans toute la Provence. Dans Vaucluse, c'est encore un des cépages privilégiés; on l'y associe au Tinto ou Mourvèdre et à la Clairette, cépages excellents sans doute, mais dont la mâturité est plus tardive que celle du Grenache.

Il est vrai que le ferment possédé en excès par la Clairette doit réagir sur le sucre du Grenache, comme le tannin du Mourvèdre assure la conservation du vin. Du reste, la distinction des vins de cette région viticole sanctionne naturellement le choix des variétés. Mais je vois que, sans m'en douter, je me laisse entraîner à mon penchant pour l'ampélographie et l'œnologie, et pourtant mon rôle n'est point ici de formuler des préceptes, mais de constater le progrès.

Ce progrès, il est dans l'accroissement marqué des vignobles. Il est dans le choix des cépages, il est dans une meilleure confection du vin, notamment dans l'arrondissement de Brignoles où les vins, comme ceux de l'arrondissement de Draguignan, étaient réputés des plus communs d'après Cavoleau, et qui, d'après Julien, l'auteur judicieux de la topographie de

tous les vignobles connus, ne pouvaient pas supporter les transports. Ces vins sont aujourd'hui très appréciés pour l'exportation et le coupage par le commerce de Marseille. Les Basses-Alpes et l'Italie enlèvent pour l'arrondissement de Draguignan l'excédant de la consommation. Des chais nouveaux surgissent auprès des gares de chemins de fer, afin de pouvoir livrer plus facilement à l'échange nos produits cenologiques. Nous sentons autour de nous comme une transformation qui s'opère; si quelques-uns demeurent stationnaires, beaucoup reconnaissent l'urgence de sortir de l'ornière. Le Comice de Toulon s'efforce de prêcher le progrès; les écrits, la parole, l'exemple, tout est employé par lui dans son rôle rénovateur. Aussi, voyons-nous dans notre arrondissement la spécialisation des cultures gagner chaque jour du terrain. Mais, ce n'est pas tout de resserrer à 2 mètres ou 2 mètres 25, suivant notre méthode, les lignes de vignes; il faut encore des labours fréquents, des béchages, des binages multipliés (1), des fumures judicieuses comme moyens de développer la production; il faut des soutirages pour tous les vins, et le collage, en outre, pour les vins fins.

Je ferai encore une observation. J'ai vu dans le questionnaire de Vaucluse les frais de culture d'un hectare de vignes portés à 90 francs; c'est à peu près la dépense que font nos métayers, une partie des labours et tout l'engrais étant portés au débit du blé intercalé. Mais partout où la vigne est spécialisée, les cultures seules arrivent à près de 300 francs par hectare, et elles vont jusqu'à 500 francs dans le Cher, avec les provignages. Dans quelques départements, les provignages sont peu considérables dans nos vignobles, mais l'obligation de fumer n'en existe pas moins, tous les trois ou quatre ans, pour la vigne spécialisée; et, si l'on veut faire une culture intensive, il faut arriver, chez nous, à deux cents francs l'hectare ou à peu près. Je ne discute point ce chiffre au point de

(1) V. aux procès-verbaux de la section des sciences, t. 1, p. 356, le résumé d'une note de M. le docteur Blanc, de Gap, sur l'emploi des marnes appliqué à la culture de la vigne.

(Note des S. G.)

vue de la qualité. Je le constate sous le rapport du rendement qui, sans cela, ne saurait, dans nos contrées, s'élever à 35 et 50 hectolitres à l'hectare. Produire en vue de ses débouchés et dans une mesure rémunératrice, voilà quel doit être le but du viticulteur.

Dans la seconde partie de son mémoire, M. Pellicot examine quelles sont les destinées de la vigne, au double point de vue de la production et de la consommation des vins du Midi. Il cite les calculs auxquels s'est livré le docteur J. Guyot, et qui montrent à quel chiffre devrait s'élever la production, réduite encore à 60 millions d'hectolitres, si la consommation s'étendait à toute la France.

D'après M. J. Guyot, le déficit serait de 40 millions. La vigne devrait occuper sur notre sol national 2 millions 500 mille hectares, en plus, pour répondre aux besoins intérieurs.

Par quelles causes, la consommation demeure-t-elle stationnaire et la production se trouve-t-elle paralysée ? Par quelles entraves, une boisson si nécessaire à la santé des classes laborieuses, auxiliaire important et précieux de leur grossière alimentation, don inappréciable qu'une bienfaisante Providence a si libéralement départi à notre sol et à notre climat, ne peut-elle être admise à prix réduit sur la table de l'ouvrier qu'elle détournerait du cabaret et de l'usage immodéré des boissons alcooliques? Enfin, comment a-t-il fallu le fléau de l'oïdium, pour empêcher l'avilissement du prix des vins et déterminer une hausse momentanée, de nature à rémunérer les producteurs?

M. Pellicot joint ici sa voix à toutes celles qui ont dénoncé l'influence écrasante des droits du fisc, des octrois, des frais de transport, qui pèsent sur les destinées de la vigne; les producteurs qui envoient leurs vins à Paris ne paient pas moins de 20 francs 50 centimes par hectolitre. Le montant des droits perçus est de 15 francs à Lyon, de

12 francs à Beauvais, de 40 francs aux barrières de Marseille, etc. Voilà la protection accordée à ce qu'on est convenu d'appeler en France la richesse nationale.

Le producteur, dit l'honorable président du Comice de Toulon, qui veut détailler par l'entremise de ses agents sa propre récolte, afin d'échapper à la rapacité des intermédiaires, doit comme le cabaretier payer au fise 15 0/0 de la valeur de son vin, si la commune n'est pas rédimée. Ailleurs, le propriétaire, qui veut consommer ses produits, est obligé d'acquitter le même droit que le débitant. On ne peut, non plus, passer sous silence le droit de circulation qui trace au vin, et son itinéraire, et le temps. qu'il doit mettre à l'accomplir.

Le gouvernement a témoigné de sa sollicitude pour les progrès de la viticulture, par des missions officielles confiées à des hommes distingués et dévoués. Le jour ne saurait être éloigné, où il fera justice d'un système de fiscalité qui est en contradiction avec les besoins du pays. La Belgique a donné l'exemple; les villes de Rouen, du Hâvre, de Saint-Etienne, ont pris l'initiative du mouvement municipal contre les octrois.

Nos vins payent 10 francs par hectolitre à la frontière belge, 25 francs à leur entrée à Bruxelles. Espérons que le gouvernement obtiendra des conditions meilleures à l'étranger, par la révision des tarifs douaniers. Il n'est pas possible que l'accès de nos vins soit frappé de droits. si élevés, surtout dans des pays qui, comme la Russie, nous expédient leurs blés et leurs bois en franchise, et comme l'Australie nous font une concurrence si redoutable avec leurs laines, etc.

M. le baron de Rivière, de Saint-Gilles, transmet au Congrès une note intéressante sur la même question. Cette note, que son savant et vénérable auteur n'a pu venir développer lui-même, conclut à la suppression des barrières fiscales, qui influent non-seulement sur la quantité des produits, mais aussi sur leur qualité.

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