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Les amis furent-ils toujours aussi exacts à rendre que Peiresc l'était à prêter? Les livres absents du catalogue témoignent du contraire; on n'y marqua pas, non plus, la large part de ceux qu'il légua à de nombreuses personnes et aussi de ceux que conserva son héritier, le baron Paul de Rians. Le nombre des volumes indiqués est de 5,400, et celui des manuscrits de 130. On sait qu'une partie fut achetée par le collége de Navarre et la bibliothèque de Mazarin.

L'universalité des connaissances humaines est représentée dans la bibliothèque de Peiresc; une rapide énumération permettra de juger de l'étendue et de l'ardeur de savoir de ce grand esprit.

La théologie, avec ses branches diverses, les commentaires de la Bible, les controverses religieuses, l'éloquence de la chaire, y occupaient une place importante. M. Paul Arbaud parle des bibles qu'il avait recueillies. Il signale particulièrement celle de Guy Michel, à cause des soins qu'il donna à sa publication en comparant les différentes versions, le fameux Pentateuque samaritain sur vélin, légué par lui au pape Urbain VIII et conservé à la bibliothèque Barberine. Il cite ses collections de livres d'heure aux belles enluminures, de manuscrits sur la liturgie, d'anciens et précieux bréviaires.

La jurisprudence est presque nulle, sans doute par suite des legs considérables faits à Fabrot et à Scipion du Périer, et de la réserve des ouvrages de droit. que s'attribua, avant la vente, l'héritier de Peiresc, conseiller au Parlement de Provence.-Mais, les livres de philosophie, de morale, de politique, de physique, de sciences naturelles et médicales, sont en grand nombre. Aristote s'y montre avec son antique suprématie dans les éditions diverses de ses ouvrages. L'astronomie, dont les lois venaient d'être fixées par Kepler et Galilée, offre une collection de travaux non moins remarquables qui attestent le mouvement scientifique de cette époque.

Peiresc n'était pas davantage resté étranger à l'histoire de l'art; et M. Paul Arbaud constate que sa bibliothèque était d'une merveilleuse richesse pour la partie des beauxarts, telle que la sculpture et l'architecture, dont les lois sont soumises à des règles de proportion mathématiques. Quant aux belles-lettres, on peut dire que l'antiquité y coule à pleins bords. Les plus rares éditions y abondent, et quelques-unes sont sur velin. Les recueils de vers latins sont là les témoins presque innombrables du goût du temps. Les littératures étrangères ne sont pas oubliées, surtout la poésie italienne dont les illustrations y figurent depuis Dante jusqu'aux azolains de Bembo. Mais, point de trace de poésies en langue provençale; pas même un exemplaire des œuvres de La Bellaudière, dont la publication à Marseille marquait une date importante dans l'histoire et les progrès de l'imprimerie en Provence.

L'histoire grecque et latine présente une belle collection; la part faite à l'histoire contemporaine, aux chroniques et annales des provinces, est remarquable. Peiresc avait travaillé à réunir tout ce qui avait été imprimé sur la Provence, il s'était procuré beaucoup de manuscrits intéressant l'étude de ses origines; il avait formé des recueils sur les villes d'Aix, de Marseille, d'Arles, etc. Il possédait de curieux mémoires relatifs aux antiquités provençales, une série de psautiers provençaux sur velin, un roman en vers provençaux. Quelques-uns de ses manuscrits se retrouvent dans le catalogue de la bibliothèque de Carpentras, publié en 1862 par l'infatigable et regretté M. Lambert.

Les catalogues des principales bibliothèques de l'Europe et ses rapports avec les libraires lui permettaient de faire venir les livres les plus rares de Rome, de Venise, de Paris, d'Anvers, d'Amsterdam, de Londres, de Lyon, etc. (1).

etc. (1). M. Paul Arbaud raconte le soin scrupuleux qu'il mettait à les embellir par de riches reliures, débarrassées des lourds ornements du moyen âge. La chose, dit-il, mérite d'autant plus d'être notée que, dans ce hardi et téméraire XVIe siècle dont il fut une des gloires, le livre pour beaucoup était seulement un outil. Le premier en Provence, Peiresc devina les élégances dont il est susceptible, et qui peuvent l'élever à la hauteur d'un objet d'art. Il avait vu en Italie les beaux volumes sur lesquels Maioli faisait courir d'élégants filets dorés ou de fines arabesques. Il tenta à Aix l'imitation de ces chefs-d'œuvre, et ses biographes nous apprennent qu'il établit chez lui un relieur, dont le nom n'a pu être malheureusement retrouvé. On sait que ses livres portaient comme monogramme les trois initiales grecques de son nom, enchevêtrées de manière à leur donner les apparences d'un hiérogliphe. M. Arbaud termine en constatant la valeur toute spéciale de ceux qui sont annotés de sa main.

L'ordre du jour appelle l'examen de la 32° question: Apprécier les causes qui, depuis quelques années, ont donné une nouvelle popularité aux productions diverses en langue provençale, et l'influence que ces productions pourraient exercer sur les mœurs du peuple.

M. Allègre, inspecteur primaire à Sisteron (BassesAlpes), communique un travail sur les chants populaires et traditionnels de la Provence. Il dit que, souvent, l'on voit des chefs-d'œuvre de poésie sortir de la bouche de

(1) Il n'est pas inutile de constater l'influence des exemples paternels sur Peiresc. Avant lui, son père et son aïeul avaient déjà formé une bibliothèque et réuni de grandes richesses artistiques. Les livres étaient alors, autant que possible, l'objet d'une transmission intégrale au profit de la science, dont certaines familles avaient le beau privilége de représenter et de perpétuer les intérêts. Ils étaient légués à celui des enfants qui était le plus apte à en bien user.

paysans et même de pauvres mendiants, et il est heureux d'en avoir recueilli quelques fragments pour les faire connaître aux membres du Congrès. L'idée religieuse domine dans ces antiques poésies provençales. La plus remarquable de toutes met en vers et en action la vie de Jésus-Christ.

M. Opper de Blowitz développe, sur la Poésie des troubadours d'après les récents travaux de l'Allemagne, un ensemble d'aperçus formant toute une étude qui a été reproduite dans le procès-verbal de la séance générale du 19 décembre.

M. Beaumarchey répond à la 33e question par des considérations, sur l'État actuel de l'enseignement de la grammaire, et sur les Réformes qui pourraient l'améliorer.

Il indique une méthode régulière et rationnelle qui permettrait de procéder d'une manière analytique, en étudiant graduellement dans les textes les formes du langage et ses divers éléments, puis de faire graduellement aussi et par induction la synthèse dont les données deviennent les règles même de la syntaxe. On rapprocherait en même temps les grammaires particulières et la grammaire générale ou logique du langage, dont l'étude plus spéciale doit servir de couronnement à l'enseignement. Les diverses grammaires étant de la sorte établies sur un plan uniforme dont le fond se trouve dans la grammaire générale, l'enseignement est simplifié, sans qu'il y ait de violence faite au génie de chaque langue.

M. Beaumarchey ajoute qu'il a exposé cette méthode dans son livre intitulé: Analyse du discours, et qu'il a rédigé d'après elle des grammaires particulières encore inédites.

Les améliorations qui pourraient être portées dans la forme de l'enseignement grammatical consisteraient à le mieux distribuer dans les trois années qui lui sont con

sacrées; à rendre les exercices oraux plus fréquents; à examiner souvent les compositions et autres travaux des élèves, pour familiariser ceux-ci aux règles de la grammaire générale, en coordonnant et précisant ces règles dans leur esprit; à employer quelques auteurs classiques annotés qui répondraient à ce but...

L'auteur insiste sur la nécessité de développer et de fortifier l'intelligence des élèves, qu'on ne saurait trop aider et diriger. Il n'exclut pas la méthode empirique, et il montre quel peut en être l'emploi, surtout dans l'étude des langues vivantes; mais là encore, dit-il, elle est obligée de céder le pas à la méthode rationnelle. Les réformes proposées seraient applicables à l'enseignement secondaire spécial, à l'enseignement primaire supérieur et à l'enseignement primaire élémentaire.

M. Boissard est chargé de rédiger le procès-verbal analytique de la séance, qui doit être lu en séance générale. La séance est levée à 4 heures.

Séance du 20 Décembre.

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SOMMAIRE. Du roman. - Ce qu'il fut dans l'antiquité et dans les premiers siècles du Christianisme. Ses divers caractères selon les états de civilisation jusqu'à nos jours. Communications de M. Emile Zola, de M. Sausse-Villiers et de M. l'abbé Jouve.

La séance s'ouvre à 2 heures, sous la présidence de M. Cabantous.

L'ordre du jour appelle l'examen de la 34 question: Du roman. Définition de ce genre de littérature. Ce qu'il fut dans l'antiquité et dans les premiers siècles du Christianisme.

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