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M. Bérenguier, chef de bureau à la préfecture du Var, développe dans une note un vœu qui se rattache à la question de la décentralisation littéraire. Il regrette de voir les beaux travaux oratoires, juridiques, biographiques, littéraires, etc., dus à la magistrature, et qui donnent chaque année aux audiences solennelles de rentrée des Cours impériales un sérieux intérêt, n'arriver au public que dans les pages d'un journal dont ils partagent le sort. Il désirerait qu'une publication spéciale collectionnât et permît de conserver les plus importants, ceux qui, par la nature du sujet et par leur valeur, offriraient le meilleur témoignage de la vitalité et de la direction du mouvement intellectuel, mettraient en relief les grands principes de l'ordre moral et social, donneraient un nouvel éclat aux biographies des hommes éminents par leurs vertus et par leur science, et feraient connaître les bons exemples qui portent avec eux de salutaires enseignements.

M. Deloume est chargé de rédiger le procès-verbal analytique de la séance, qui doit être lu en séance générale.

La séance est levée à 4 heures.

Séance du 19 Décembre.

SOMMAIRE.-Lecture d'une pièce de vers par M. Thouron. De l'influence littéraire exercéc par Peiresc sur ses contemporains. Exposé de M. de Séranon. Vou émis pour qu'un monument soit érigé à Aix en l'honneur de Peiresc, et pour que le gouvernement prenne l'initiative de publier les fragments les plus importants de ses manuscrits. Proposition d'ouvrir une souscription, faite par M. de Caumont. - De la bibliothèque de Peiresc. Communication de M. Paul Arbaud. — Poésie des troubadours et chants populaires de la Provence. Communications de MM. Allègre et Opper de Blowitz. Réformes qui pourraient améliorer l'enseignement de la grammaire. Observation de M. Beaumarchey.

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La séance s'ouvre à 2 heures, sous la présidence de M. Léopold Ménard, vice-président.

M. Thouron donne lecture d'une traduction en vers du fragment de l'Enfer du Dante, relatif à l'épisode de Françoise de Rimini.

M. le Président lit une lettre de M. Carpentin, de Marseille, affirmant que la pièce de vers d'Augustin Thierry, communiquée par M. Thouron dans une précédente séance, est l'œuvre de l'illustre historien et non la sienne, bien qu'elle ait été publiée il y a quelques années sous le nom de M. Carpentin.

M. Jules de Séranon, président de l'Académie d'Aix, a la parole sur la 28° question, et expose l'Influence litté– . raire exercée par Peiresc sur ses contemporains.

Les détails de la biographie de Peiresc n'ont pas besoin d'être racontés. On sait qu'il naquit à Belgentier, près Toulon, en 1580, et qu'il mourut en 1637. On sait encore qu'avant d'être conseiller au Parlement d'Aix, suivant l'exemple de beaucoup de ses contemporains, il chercha dans des voyages à s'instruire sur les mœurs et les insti

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tutions des peuples étrangers. Il visita l'Italie, dont les Universités jouissaient d'une grande renommée, étudia le droit et les sciences à Padoue. De retour en France, il demeura un an à Montpellier, ville illustre par le savoir de ses professeurs et de ses docteurs, par les traditions dont elle était la gardienne. Plus tard, son séjour à Paris lui créa des relations dont il ne cessa d'étendre le cercle. M. de Séranon décrit son existence consacrée à satisfaire une passion de savoir, presque sans borne, et dont nous avons peine à concevoir la prodigieuse ardeur. Peiresc se montre à la fois archéologue, historien, géographe, philosophe, jurisconsulte, physicien, astronome, etc... Les monuments de cette érudition universelle se retrouvent dans le catalogue de sa bibliothèque privée, qui forme un volume in-folio; on peut les admirer surtout dans la collection de ses manuscrits, en 117 volumes in-folio, qui sont la grande richesse de la bibliothèque de Carpentras. Sa seule correspondance remplit 14 volumes infolio; la bibliothèque d'Aix en possède une copie. Quel merveilleux témoignage de l'ardeur scientifique qui portait Peiresc à embrasser toutes les connaissances humaines, à se mettre en relation avec tous les savants de l'Europe, à exercer sur tous les points son initiative et à se faire rendre compte de tout fait curieux ou digne d'intérêt! Il va au-devant de quiconque peut l'instruire ou le renseigner; il interroge les voyageurs et les missionnaires; il recueille et collectionne les objets les plus rares, les inscriptions, les médailles, les camées, et cette dernière collection lui valut une lettre de Rubens que M. de Séranon fait connaître en partie. Il réunit de nombreux et précieux manuscrits orientaux, entre lesquels on peut citer un Pentateuque samaritain qu'il légua au pape Urbain VIII, et qui est religieusement conservé dans la bibliothèque Barberine.

Le patronage qu'il exerçait dans l'intérêt de la science

et au profit des savants ne reculait devant aucun sacrifice. Il méritera toujours d'être cité, comme caractérisant une des plus belles époques de dévouement aux progrès de l'esprit humain. Argent, livres, copies de manuscrits, documents de tout genre, il n'est rien qu'il n'offre libéralement à ceux dont il veut seconder ou stimuler les travaux. Sa maison est ouverte à ses studieux amis; il les protége, il vient au secours des persécutés, et écrit au cardinal Barberini pour adoucir les rigueurs dont on use contre Galilée.

La mort de Peiresc fut un deuil général pour l'Europe savante. « Je ne fais plus cas des lettres, écrivait Saumaise, depuis que leur protecteur est mort. » M. de Séranon cite une lettre de Balzac, exprimant les mêmes sentiments. Il rappelle l'hommage qui fut rendu à la mémoire de Peiresc, dans l'Académie de Rome, par le pape Urbain VIII. II raconte que son éloge fut imprimé en 40 langues différentes. Il signale l'inscription qui lui a été consacrée par les soins de M. de St-Vincens dans la cathédrale d'Aix, les divers portraits de lui qui sont conservés à Aix (1). Le tombeau de Peiresc, qui se trouvait dans l'église des Dominicains, a disparu depuis longtemps. M. de Séranon termine son exposé, en regrettant qu'un monument, digne de cette grande illustration de notre pays, n'ait pas encore été élevé dans l'ancienne capitale de la Provence. Il émet sur ce point un vœu qu'il espère voir accueillir par les sympathies de tous, et il en formule un second. Il voudrait

(1) M. Fabry, conseiller-doyen à la Cour d'Aix, possède un portrait de Peiresc peint par Finsonius. M. de Chenevières en a reconnu et constaté l'authenticité.

Ajoutons que Peiresc avait réuni les portraits de beaucoup de savants ou d'artistes, ses illustres contemporains; que Rubens lui envoya le sien peint par lui-même, et que ce portrait, après avoir appartenu à M. Roux-Alphéran, orne aujourd'hui, à Aix, le salon de notre compatriote, M. de La Lauzière,

que le gouvernement fit rechercher dans les œuvres manuscrites de Peiresc ce qui peut intéresser l'histoire et l'état actuel de la science, pour le publier en un ou plusieurs volumes (1).

M. le Président dit qu'il transmettra au Bureau central du Congrès les deux vœux émis par M. de Séranon.

M. de Caumont propose d'ouvrir sans retard, dans la ville d'Aix, une souscription destinée à l'érection d'un monument, et annonce que la Société française d'archéologie s'inscrit de suite pour la somme de 300 francs.

M. Paul Arbaud résume dans une note de curieux détails sur la célèbre librairie de Peiresc, détails fournis par le catalogue de la bibliothèque Méjanes portant le n° 1053 de la collection des manuscrits, et qui est intitulé: Bibliotheca Peiresciana. Par malheur, on ne trouve là, dit-il, qu'un inventaire incomplet, confus, où les erreurs de titres et de dates abondent. Les lacunes proviennent de plusieurs causes. Mersenne a dit de Peiresc : « Ce qui lui appartenait semblait être autant commun aux hommes de lettres, que l'eau et l'air sont communs à tout ce qui respire. » Et effectivement, ses livres étaient à la disposition de tous; il les envoyait même au loin, et nul plus que lui n'aurait eu le droit d'y inscrire en lettres d'or la devise de Grollier: Grollierii et amicorum (2).

(1) M. de Séranon a écrit sur la vie et les œuvres de Peiresc un Mémoire qui a été couronné par l'Académie d'Aix, dans un concours ouvert en 1859, et qui est resté inédit. Depuis la tenue du Congrès, la figure de Peiresc a été l'objet d'une instructive et saisissante esquisse biographique, tracée par M. L. Boissard, avocat général à la Cour d'Aix, et un des secrétaires du Congrès, dans un discours prononcé à l'audience de rentrée de cette Cour, le 4 novembre 1867.

(2) Lorsque l'intérêt de la science le demandait, Peiresc, dit Requier (Vie de Peiresc, p. 370), donna souvent plusieurs de ses livres qu'il n'espérait remplacer qu'à grand' peine.

Prodigue de ses trésors, il était soigneux de ceux des autres, au point de faire relier les livres qu'on lui prêtait, lorsqu'ils étaient en mauvais état.

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