Page images
PDF
EPUB

Première séance du 20 Décembre.

SOMMAIRE. Suite de la discussion sur la Question forestière. Observations de MM. Labussière, de Clappier, Blanc, Demouilles. Vœu émis dans l'intérêt des communes des Alpes. Gemmage du pin d'Alep dans les Bouches-du-Rhône et du pin maritime dans le Var. Communications faites par MM. E. Vincent, Panescorse, de Jessé-Charleval et Ch. de Ribbe. Syndicats de propriétaires à organiser contre les incendies de forêts dans les Maures. Observations de MM. E. Vincent et Ch. de Ribbe.-De la transhumance. Communications de MM. du Guiny et Amphoux de Belleval. Observations présentées par M. de Falbaire au sujet du remède contre le piétin, découvert par M. Bauchière. Mode de production de la truffe dans ses rapports avec la culture forestière. Note de M. Bedel. Etat actuel de la culture de l'olivier. Observations de M. R. Poulle. De l'industrie séricicole. Communications de MM. de Larcy, Amalric, Colliard.-De la culture du tabac. Mémoire de M. L. de Bec. De la production des amandes. Travail de M. Gaut. Maladies des arbres fruitiers. Communications de MM. Demouilles et Navoret, au sujet du pêcher et de l'olivier. Discours de M. de Larcy.

[ocr errors]

La séance s'ouvre à neuf heures, sous la présidence de M. de Larcy.

M. le Président donne lecture d'une lettre de M. Degros, au sujet des vœux que la section doit émettre, et il propose de renvoyer à la dernière séance, qui se tiendra demain matin, le vote sur l'ensemble des vœux déjà pris en considération par l'assemblée.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la question forestière, et spécialement sur la motion faite la veille au sujet des cultures temporaires, avec feux couverts, telles qu'elles sont pratiquées dans les taillis du Var. Ces cultures doivent-elles être soumises au contrôle de l'administration des forêts, comme si elles étaient des défrichements?

M. Labussière, conservateur des forêts, explique les motifs au nom desquels l'autorisation et la réglementation administratives sont exigées. L'article 148 du Code forestier interdit d'allumer du feu dans l'intérieur ou à la distance de 200 mètres des forêts. Les cultures temporaires s'exécutent en brûlant des broussailles sur place. Il n'est pas possible et on ne saurait demander que la tolérance, dont l'administration use à l'égard de cet emploi du feu, se transforme en une liberté illimitée pour les propriétaires.

défriche

Quant au sens vrai du terme consacré ment, il n'est pas douteux. Une circulaire récente du directeur général des forêts, en date du 4 décembre 1866, a parfaitement indiqué l'opération consistant à mettre en culture le sol forestier. Mais, la culture doit être suivie du réensemencement des vides, et c'est encore ce qui est très naturellement et très légalement exigé des propriétaires. La jurisprudence a décidé, avec non moins de raison, que l'arrachis des cépées équivaut à un défrichement, s'il est effectué de manière à prouver l'intention abusive de changer le sol forestier en un sol cultivé à divers intervalles.

M. de Clappier déclare que son opinion n'est pas ébranlée, et que la signification du mot « défrichement » n'est pas bien définie. Il soutient l'utilité des cultures temporaires, sans méconnaître cependant les abus qui peuvent en avoir été faits. Mais les exceptions ne constituent pas la règle.

M. Paul Jaubert s'associe aux observations du préopinant, et croit qu'il y a intérêt à émettre un vou conforme.

Le vœu a émettre serait que le Ministre des finances donnât, aux agents forestiers du département du Var, des instructions tendant à concilier la prohibition de défricher avec la faculté que doit avoir le propriétaire d'opérer le

débroussaillement de ses bois, par une culture temporaire à feux couverts.

L'assemblée consultée n'adopte pas le vœu proposé.

M. Blanc, membre du Conseil général des Hautes-Alpes, soumet à la section un vou dont ce Conseil a pris l'initiative et qui mérite la sollicitude du Congrès. La loi du 28 juillet 1860, en fixant la marche à suivre pour les reboisements obligatoires, prévoit le cas où les communes ne pourront prendre à leur charge les travaux, et où l'administration les exécutera d'office (art. 8). Dans ce cas, les avances faites par l'Etat doivent être remboursées « en principal et en intérêts. » Faculté est laissée aux communes de s'exonérer de toute répétition, en abandonnant la moitié des terrains reboisés (art. 9 de la loi ; art. 30-31 du décret du 27 avril 1861).

De telles exigences ne sont-elles pas empreintes d'un regrettable caractère de fiscalité? Ne rendent-elles pas impopulaire et injuste une loi qui a un but réparateur? Les communes des Alpes sont, presque toutes, dans la situation d'impuissance prévue par la loi. L'Etat exécuterat-il jamais ce qui est écrit dans un texte si rigoureux, et voudra-t-il s'emparer, pour ne savoir qu'en faire, de la moitié des forêts communales? Les communes où s'effectuent les reboisements obligatoires y sont très intéressées sans doute; mais les pays inférieurs ne le sont pas moins, et il ne faut pas que des populations pauvres supportent seules les conséquences de la loi de solidarité, par laquelle la montagne et la plaine sont liées l'une à l'autre dans l'économie voulue par la Providence.

M. Labussière pense que les idées exprimées par M. Blanc méritent d'être prises en considération. L'assemblée émet, en conséquence, le vœu que les dispositions de la loi du 28 juillet 1860, imposant aux communes la nécessité de payer, en principal et en intérêts, la dépense des reboisements obligatoires ou d'aban

donner à l'Etat la moitié des terrains repeuplés, soient rapportées par une nouvelle loi; qu'aucune répétition ne soit exercée par l'Etat contre ces communes.

M. le docteur Blanc complète la défense qu'il vient de présenter, en priant la section d'agriculture du Congrès de s'associer à un autre vœu pour la prompte exécution de l'importante voie ferrée qui traversera toute la région des Alpes françaises et facilitera l'écoulement de leurs produits agricoles, forestiers, industriels, etc..... Cet appel est accueilli par de vifs témoignages de sympathie.

M. Demouilles, horticulteur à Toulouse, se plaint de la concurrence qui résulte de l'établissement des pépinières de l'Etat, créées dans l'intérêt des reboisements, mais au grand dommage des pépiniéristes dont les produits ne peuvent plus être vendus.

MM. de Cabrens, Labussière et d'autres membres répondent que les pépinières de l'Etat sont destinées à fournir de véritables subventions en nature, par lesquelles l'administration encourage les reboisements sous certaines conditions; qu'il a bien fallu pourvoir aux besoins des grands travaux de repeuplement, le concours des pépiniéristes ne pouvant y suffire.

On passe à l'examen de la question no 9 du programme, ainsi conçue Du gemmage du pin d'Alep dans les Bouches-du-Rhône. Serait-il possible et y aurait-il intérêt de le pratiquer surl epin maritime des Maures et de l'Esterel?

M. Emile Vincent, sous-inspecteur des forêts, lit sur ce sujet un mémoire plein d'intéressantes et utiles observations. Il sait que le gemmage du pin d'Alep est toujours pratiqué avec succès dans les Bouches-du-Rhône; mais il constate qu'il ne l'est presque plus dans les forêts du Var, dont il était une des sources de revenus, et il en trouve la cause dans le petit nombre d'arbres offrant les dimensions convenables pour être gemmés avec avantage. Les

gros pins ont disparu par le fait même du nouveau mode d'exploitation que les progrès de l'industrie et l'ouverture des voies de communication ont rendu lucratif, près de centres populeux tels que Marseille et Toulon. Le bois de pin d'Alep est vendu comme combustible pour les fabriques, au prix de 3 à 5 francs le stère. De fréquents élagages et des éclaircies périodiques très rapprochées fournissent des fascines, excellentes pour le chauffage des fours, et qui sont payées de 6 à 40 francs le cent sur le parterre des coupes. Le rendement annuel de l'hectare varie de 20 à 30 francs, dans une forêt ainsi exploitée, lorsqu'elle est bien complantée et bien entretenue. On comprend que l'extraction de la résine ait dès lors été abandonnée.

Il en est tout différemment du pin maritime qui couvre, sur une étendue de près de 200,000 hectares, les terrains schisteux de la chaîne des Maures et les granits de l'Esterel. Le gemmage semble indiqué pour lui par la nature elle-même, par le nombre, la croissance et la multiplication remarquable des sujets. Le pin maritime, c'est l'arbre à résine par excellence, et il n'est pas croyable qu'il perde sur le littoral méditerranéen les qualités productives, auxquelles il doit sa valeur sur les côtes de l'Océan. Les forêts de Pierrefeu, de Collobrières, des Arcs, de Bagnols, contiennent des arbres de la plus belle dimension, avec trois mètres de circonférence sur vingt-cinq et trente mètres de hauteur. Comment donc le gemmage n'est-il pas pratiqué dans de telles conditions? Comment expliquer l'indifférence et l'inertie des propriétaires? M. Vincent en trouve la cause dans l'état des peuplements qui ne sont ni éclaircis, ni aménagés, dans l'envahissement du sol forestier par d'impénétrables broussailles, dans le danger des incendies. Pour que la quarre coule abondamment, il faut à l'arbre de la lumière et de l'air. Pour qu'on puisse circuler d'un arbre à l'autre, il faut que le sol ait été nettoyé.

« PreviousContinue »