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ses aïeux. Mais, tout a changé. La facilité des communications, la liberté de l'échange ont avili chez nous les produits similaires de l'étranger et augmenté la valeur des autres. D'autre part, l'ouvrier agricole, plus indépendant que son devancier, ne tient pas plus au sol qu'à son propriétaire, change trop facilement de ferme et ne peut ou ne veut fournir aucun concours aux améliorations.

Peut-on dire, du reste, ajoute l'auteur du mémoire, que tous les torts sont du côté des ouvriers agricoles? Me suis-je mépris, quand, il y a vingt ans, je terminais parces phrases mon Calendrier du Cultivateur provençal? «Il est dans nos champs une classe malheureuse et digne « d'intérêt, c'est celle des petits métayers. Leurs vices << même découlent de leur pauvreté. Sachons améliorer <«<leur triste position. L'intérêt du propriétaire le de«mande autant que celui de l'humanité. Dénué de res«sources, le manouvrier négligera la ferme qu'il tient à << mégerie, pour aller gagner au-dehors le pain quotidien « de sa famille. En voyant l'aisance chez le propriétaire, « la misère et l'abandon dans son réduit, il sera moins << scrupuleux pour s'approprier ce qu'il trouvera sous sa <«<main, surtout si autour de lui il ne rencontre qu'indif«<férence ou dédain. Retenons les penchants mauvais par << notre bienveillance et par les services que nous lui «rendrons. Tendons lui dans la maladie une main se<«<courable, car il est devenu notre hôte, notre associé. « Je l'ai dit ailleurs, et je ne me lasserai pas de le répéter, «car c'est justice : « La moitié du produit des récoltes, «sauf dans quelques terres privilégiées, ne solde en gé<<néral qu'incomplétement les travaux d'exploitation. << Mais, dans les terres de qualité inférieure, les proprié«taires devraient concéder des avantages suffisants pour « attacher le fermier à la terre. La raison et leur véritable « intérêt le commandent. Car, que voyons-nous sur ces << terres? Des métayers pauvres et ruinés s'y succédant

« presque annuellement pour appauvrir toujours davan«tage le sol, le livrer aux plantes parasites, épuiser la << vigne et annuler entièrement le revenu.» J'arrête ici «ma citation. A la même époque où je publiai mon pre<«<mier ouvrage, M. le duc Decazes s'exprimait ainsi << au Congrès central de 1846: « Si trop souvent le « métayage a de mauvais résultats, c'est que la part du << maître est trop forte, celle du métayer trop petite. » «Ne décourageons pas le métayer, avait dit M. le comte « de Gasparin, bornons-nous seulement à lui venir en <«< aide, en contribuant pour notre part aux améliorations << qu'il entreprend. »

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Cette situation qui était vraie, ily a vingt ans, l'est encore en partie aujourd'hui. Il faut convenir pourtant, ajoute M. Pellicot, que les frais d'exploitation sont maintenant beaucoup plus élevés pour le propriétaire qui paie plus cher ses auxiliaires et vend moins cher son huile et son blé, que, d'un autre côté, le capital, la science agricole et trop souvent le bon vouloir, manquent au cultivateur provençal. Tant que le colon, dominé par l'esprit de routine, ne secondera pas les efforts du propriétaire pour perfectionner ses cultures, la situation ne s'améliorera ni pour le propriétaire ni pour le cultivateur. L'ouvrier agricole aura toutes ses aspirations tournées vers la ville, tant qu'il ne trouvera pas dans la campagne des avantages matériels suffisants pour l'y retenir. Il faut pour cela que l'agriculture prospère, que la possession du sol donne une aisance. qui puisse rayonner sur le cultivateur; il faut supprimer les droits qui frappent les fruits de la terre, il faut surtout moraliser l'ouvrier.

Quelques publicistes ont voulu nier la désertion des campagnes. Ils auraient dû nier aussi ce courant d'émigration qui entraîne chaque année hors de l'Europe plus de cinq cent mille émigrants. Si certaines communes riches voient leur population s'accroître, c'est que l'agriculture y

rémunère largement l'ouvrier et le maître. Mais, par contre, ne voyons-nous pas les Alpes se dépeupler à mesure que les eaux torrentielles dénudent leurs versants? Les faubourgs de Marseille, de Toulon, de tous les centres populeux, ne sont-ils pas encombrés de Bas-Alpins et de Piémontais qui viennent y chercher un travail et surtout une rémunération qu'ils ne trouvent pas chez eux? L'instruction primaire elle-même, qui est surtout commerciale, ne tend-elle pas aussi à arracher des bras aux champs, pour les jeter dans les comptoirs et les magasins des villes? Combien d'avantages ne faudrait-il pas accorder à l'agriculture, pour compenser tous ceux qu'offrent les cités? Combien de cantons sont déshérités des secours de la médecine, ou sont condamnés à payer ces secours à des prix exorbitants (jusqu'à 15 francs par visite)! Pour ces localités, des médecins ruraux payés à la fois par le département, la commune et la propriété, seraient un véritable bienfait. Plusieurs familles ont abandonné les Maures d'Hyères, à cause de leur éloignement de tous secours médicaux.

A l'agriculture, il faut encore des chemins. Pourra-t-on jamais avoir des fermiers dans les Maures et bien d'autres localités analogues, tant que ceux-ci n'auront pas les moyens de transporter leurs récoltes? Malheureusement, la commune obérée repousse de nouveaux classements qui lui imposeraient de nouvelles dépenses. Le syndicat, exigeant pour la réparation des chemins ruraux le consentement unanime de tous les intéressés, est tout simplement une chimère. Ne faudrait-il pas accorder la vicinalité de droit à tous les chemins ruraux, en compensation des centimes municipaux que payent les propriétaires riverains?

M. Pellicot demande ensuite qu'il soit créé des banques rurales, une au moins par arrondissement, de même qu'il existe déjà des caisses d'épargne dans presque toutes

les villes. Il finit son intéressant mémoire en exprimant le vœu que, pour arrêter la dépopulation des campagnes, la loi exonère du service militaire les fils uniques et les fils aînés des fermiers, que, si cette exemption n'est pas possible pour le moment, un plus grand nombre de congés temporaires soit du moins appliqué aux ouvriers de la terre : « L'ouvrier des villes, dit-il, peut travailler isolé<<ment, il n'y a sous ce rapport aucune solidarité entre le « père et le fils. Il n'en est pas de même de l'ouvrier des «< champs, métayer, fermier à la rente ou petit proprié«taire, qui se réserve toujours la direction de la ferme et <«<les travaux les plus faciles, laissant au fils aîné les tra«vaux les plus pénibles de la ferme. »

M. de Falbaire fait alors observer que deux moyens propres à favoriser puissamment l'exploitation du sol seraient : 1° l'association des propriétaires d'un même quartier, pour acquérir en commun certains instruments perfectionnés d'un prix élevé qu'ils ne pourraient se procurer individuellement; 2° la transformation des gardes champêtres en cantonniers pour l'entretien des chemins ruraux.

A l'appui de cette proposition, M. de Clappier demande qu'à défaut du concours des communes il soit fait application aux chemins ruraux de la loi sur les syndicats; mais cette loi devrait être appropriée aux besoins de la vicinalité rurale.

La deuxième question du programme, De l'influence des cabarets dans les communes rurales: a été ensuite mise en discussion.

L'assemblée a entendu avec intérêt la lecture de deux mémoires sur cette question, l'un de M. Sausse-Villiers, membre de l'académie du Gard, l'autre de M. l'abbé Rigaud, curé de la Bastide-des-Jourdans (Vaucluse), qui a excité les applaudissements unanimes et répétés du Congrès.

On trouvera ce dernier reproduit en partie dans le compte rendu de la deuxième séance générale.

L'ivrognerie est peu répandue dans le Midi, dit M.SausseVilliers. Les cafés au contraire sont entrés dans les habitudes. C'est un résultat fâcheux; mais, comme il est impossible de les supprimer, il faut travailler à faire goûter au peuple les satisfactions meilleures de l'ordre moral. L'auteur du mémoire parle de l'influence exercée par les sociétés musicales et chorales organisées dans les communes. Il voudrait qu'on pût étendre aux campagnes les bienfaits des cours d'adultes, des réunions consacrées à la propagation des notions les plus utiles de l'agriculture, de l'hygiène, de l'histoire et des sciences naturelles. On formerait ainsi des hommes, des citoyens, là où il n'y a que l'ignorance développée et entretenue par la vie du

café.

La section passe ensuite à l'examen de la quatrième question du programme, ainsi conçue: La stabilité des exploitations rurales et les progrès de l'agriculture, la conservation des bois des particuliers, sont-ils compatibles avec la division parcellaire, résultant de la disposition légale qui permet à chacun des héritiers de demander sa part en nature des meubles et immeubles de la succession?

M. Du Guiny, inspecteur des forêts à Nice, donne lecture d'un mémoire dont suit la reproduction textuelle:

Le morcellement des terrains cultivés ne compromet pas la stabilité des exploitations ordinaires : terres à blé, prairies, etc. On le voit souvent provoquer le développement de ces exploitations; mais, il peut compromettre la stabilité des exploitations industrielles qui exigent toujours une certaine étendue de terrains pour être vraiment productives.

Quant aux progrès de l'agriculture, le morcellement des terrains peut produire une culture plus soignée, plus intense, près des grandes agglomérations et partout où les cultures maraîchères peuvent prendre avec avantage du développe

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