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coliques modulations. Son chant, qui se compose de cinq notes, est d'une douceur inexprimable; il attendrit le cœur et s'harmonise parfaitement, à cette heure du soir, avec le calme poétique de la nature. Dans cette saison, les tourterelles volent ordinairement deux par deux, se perchent sur les barrières au bord des routes, et, si timides qu'elles soient de leur nature, elles ne s'effarouchent point aisément. Cependant, comme leur chair est très-délicate, ni leur chant mélodieux ni leur confiance n'émeuvent le chasseur. Quand elles sont effrayées, elles se remuent en poussant un long cri qui, par malheur, sert de guide à celui qui les poursuit. Leur forme est fine et élégante, leur tête petite, leur queue longue; la partie supérieure de leur corps est d'un bleu clair, la partie inférieure d'une nuance d'orange pâle.

Près de la palissade, où ces tourterelles se sont posées, j'aperçois une plante d'une grande beauté: c'est la spigelia marylandica, aux fleurs tabulaires jaunes à l'intérieur, d'une éclatante couleur de pourpre à l'extérieur, attirant ainsi les regards, et, de plus, ayant une place notable dans la botanique médicale. Regardez ce gros papillon, qui plonge sa longue trompe dans le tube de cette fleur; il est de la famille des hespérides et ressemble plus à une phalène qu'à un papillon de jour. En réalité, il forme une sorte de transition entre les lépidoptères de jour et ceux de nuit.

En pénétrant dans la profondeur des taillis, là où la lumière du ciel est voilée par l'épaisseur des rameaux, nous apercevons ce hibou, qu'on appelle strix nebulosa, qui déjà sort en silence de sa retraite et se perche sur un arbre pour nous voir passer.

Mais vous êtes étonné des cris qui s'élèvent de tous

côtés: ne vous effrayez point, ce n'est pas le cri de guerre du sauvage Séminole, c'est celui des nègres des plantations appelant les porcs, qui, dès le matin, paissent dans les bois, et qui, le soir, doivent rentrer à l'étable. Je me suis trouvé quelquefois près d'un de ces troupeaux au moment où retentissait ce cri des nègres; aussitôt, les lourds animaux lèvent la tête, écoutent, puis, soudain, se précipitent en tumulte vers l'habitation.

Les pintades ont aussi leurs appels criards; les nègres employés aux travaux des champs ont ramené leurs mules au logis, l'oiseau moqueur continue sa sérénade. Le soleil est couché, mais à la lueur du crépuscule, nous pouvons encore distinguer cet arbuste couvert de fleurs jaunes et écarlates, qu'on appelle merveille du Pérou, et plus habituellement la fleur de quatre heures. Pendant le jour, elle reste fermée; vers les quatre heures, sa corolle commence à se déplier; un quart d'heure après, elle est entièrement développée, et elle se tient ouverte toute la nuit; elle exhale alors un doux parfum, et attire les phalènes qui ne font leurs pérégrinations que le matin et le soir.

En voici une qui s'approche. J'entends le bruissement de ses ailes. Elle se repose sur le calice de la fleur et y darde sa langue effilée, puis elle vole à une autre, et, en quelques instants, aspire dans plusieurs tubes aromatiques le suc qu'elle convoite.

Près de là est le sphinx de la Caroline, qui s'attache surtout aux tiges de tabac, où il dépose ses larves. Les planteurs, qui redoutent à juste titre ses dévastations, lui font une guerre acharnée. Cependant, il n'est pas rare, et je l'ai trouvé aussi quelquefois sous des tomates.

Mais, les dernières clartés du crépuscule ont disparu. Il est temps de rentrer dans notre demeure, pour y prendre notre dernier repas, avec une tasse de lait.

X. MARMIER

34.

L'ENFANT.

Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris; son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,

Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,

Innocent et joyeux.

Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,

Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.

Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,
De patrie et de Dieu, des poètes, de l'âme

Qui s'élève en priant;

L'enfant paraît, adieu le ciel et la patrie
Et les poètes saints! la grave causerie
S'arrête en souriant.

La nuit, quand l'homme dort, quand l'esprit rêve, à l'heure
Où l'on entend gémir, comme une voix qui pleure,
L'onde entre les roseaux,

Si l'aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare

De cloches et d'oiseaux!

Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine,
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez;

Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !

Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,

N'ont point mal fait encor;

Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange;
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds! bel ange
A l'auréole d'or!

Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.

Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche;
Vos ailes sont d'azur.

Sans le comprendre encor, vous regardez le monde.
Double virginité! corps où rien n'est immonde,
Ame où rien n'est impur!

Il est si beau, l'enfant avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,

Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !

Seigneur préservez-moi, préservez ceux que j'aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,

De jamais voir, Seigneur, l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,

La maison sans enfants!

VICTOR HUGO.

35.

AMYOT.

NOTICE.

Jacques Amyot naquit à Melun, le 3 octobre 1518. Son père était un petit mercier. Amyot se montra d'abord un enfant indiscipliné, et quitta ses parents pour aller à Paris se placer comme domestique. Il fit la route à pied, s'égara et tomba épuisé de fatigue. On le secourut, et on le fit conduire à l'hôpital d'Orléans. Aussitôt rétabli, il en sortit avec douze sous qu'on lui donna, et qui furent toute sa ressource à son arrivée à Paris. Sa mère, qui l'aimait tendrement, lui envoyait, chaque semaine, un gros pain de Melun pour l'aider à vivre. Il se plaça d'abord à la porte d'un collége, où il faisait les commissions des professeurs et des élèves. Remarqué par son intelligence et sa gentillesse, il fut admis dans l'intérieur du collége et en devint bientôt un des meilleurs élèves. Là encore, dans son dénûment, il servait de domestique aux autres élèves; ce qui ne l'empêchait pas de poursuivre ses études avec ardeur. La nuit, à défaut d'huile et de chandelle, il étudiait à la lueur de quelques charbons embrasés. Après avoir terminé les études classiques les plus fortes et achevé ses cours sous les plus célèbres professeurs du collège de France, il se fit recevoir maître-ès-arts. Puis il se rendit à Bourges pour étudier le droit civil. Là, Jacques Collin, lecteur du roi, lui confia l'éducation de ses neveux, et lui fit obtenir une chaire de grec et de latin. C'est pendant les douze années qu'il occupa cette chaire qu'il fit la traduction du roman grec de Théagène et Chariclée, et commença celle des Vies des Hommes illustres de Plutarque.

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