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donc il eft bien probable que le teftament n'eft point de lui.

Objection non moins importante.

Monfieur le marquis de Torci en 1705 fit retirer, dit-on, des effets de la fucceffion de madame la ducheffe d'Aiguillon, les papiers du ministère du cardinal de Richelieu; le teftament politique fut remis, avec tout ces papiers, dans le dépot des affaires étrangères, lorfqu'en 1710 il forma ce dépôt avec la permiffion de Louis XIV dans be donjon, au-deffus de la chapelle du louvre. C'est M. le Dran, chargé du dépôt, qui a donné cette

note.

Réponse.

J'avoue que je n'ai pas confulté M. le Dran; il n'était pas alors chargé de ce dépôt, lequel n'était pas, ce me femble, encore en règle ; & aujourd'hui je ne puis confulter personne : je m'en rapporte toujours à ceux qui vivent à Paris, & qui ont des yeux; & voici fur quoi je les prie de vouloir bien m'inftruire.

La fuccinte narration ne me paraît avoir aucun rapport avec la fuite du teftament. M. de Foncemagne dit lui-même: Ce font deux parties diftinctes du , même tout. Voilà, Sire, dit le cardinal en finissant ,, la première, ce que vous avez fait pour votre gloire; , & il me femble lui entendre dire en commençant , la feconde, qui est le teftament proprement dit : "Voilà Sire, ce que vous devez faire pour vos fujets. "

De-là je conclus ce que M. de Foncemagne devrait, ce me femble, néceffairement conclure, que Mélanges hift. Tome II.

V

le teftament politique proprement dit ne peut être du cardinal de Richelieu.

Si le cardinal dans la narration fuccinte a parlé de la conduite qu'ont tenue les généraux d'armée contre l'Allemagne & l'Efpagne, il va parler fans doute de la conduite qu'ils doivent tenir. S'il a fait mention des négociations avec toutes les puiffances voifines, il va expliquer comment il faut négocier dans la fituation préfente qui eft très-épineufe avec l'Italie, la Hollande, la Suède, le Danemarck, l'Angleterre. S'il s'eft étendu fur l'invafion du Piémont, il va enseigner la manière de le conserver. S'il a dit quelque chofe des révolutions de la Catalogne & du Portugal, il va montrer par quels refforts on peut profiter de ces grands événemens. Lifez; il parle de cas privilégiés & du droit de préfenter aux cures.

Je fuis jufqu'à préfent du premier avis de M. de Foncemagne, que le cardinal de Richelieu pouvait avoir projeté de faire ce qu'on appelle un testament vraiment politique; qu'il avait donné à l'abbé de Bourzeys la commiffion de rédiger la narration fuccinte; qu'il avait fait quelques notes de fa main, comme il en fit au jugement de l'académie fur le Cid. Mais de ce qu'il écrivit deux ou trois notes fur cet ouvrage de l'académie, s'enfuit-il qu'il en fût l'auteur? non sans doute; un miniftre qui avait à combattre la maifon d'Autriche, les proteftans, la moitié de la France, la cour & le caractère de fon maître, n'avait pas plus le temps de faire la critique raisonnée du Cid, que de travailler lui-même à toutes les pièces des cinq auteurs dont il donnait quelquefois

l'idée rapidement, à Rotrou, à Scuderi, à Colletet &c. & dont il fe contentait de faire quelques vers.

Quand je fis l'hiftoire de la guerre de 1741, à Versailles chez M. le comte d'Argenfon, ce miniftre en margina quelques pages. S'eft-on jamais avifé d'attribuer à M. d'Argenfon cet ouvrage, dont on m'a volé plufieurs cayers informes ridiculement imprimés ?

Je préfume furtout que depuis 1638, depuis le 28 juillet 1641, le cardinal, qui écrivait très-peu, ne put jamais ni avoir affez de loisir, ni en abuser affez pour s'étendre dans un long ouvrage fur toute autre chofe que fur les affaires de fon maître, pendant que la guerre contre la maifon d'Autriche mettait la France en alarmes, que Picolomini battait les Français, que la province de Normandie était révoltée, que les révolutions du Portugal & de la Catalogne exigeaient toute l'attention du miniftre; pendant que le comte de Soiffons, le duc de Guife & le duc de Bouillon, ligués avec l'Espagne, fefaient la guerre civile; pendant qu'ils gagnaient contre les troupes du roi, ou plutôt contre le cardinal, la bataille de la Marfée; pendant que la confpiration de Cinq-Mars fe tramait; enfin, pendant que tous ces orages conduifaient le cardinal au tombeau.

Etait-ce alors le temps de parler des vîtres de la Sainte-Chapelle, & de recommander la chafteté à Louis XIII moribond?

Et qui fait-on prêcher la chafteté fi mal à propos? Il faut le répéter encore, c'eft l'amant public de

Marion de Lorme, c'est celui de la Béjar, qui difait qu'elle ne regrettait que deux hommes dans le monde, le cardinal de Richelieu & Gros-René. C'est celui qui jouit le premier de la fameufe Ninon, fi j'en crois l'abbé de Châteauneuf, intime ami de cette perfonne fi célébre, à qui je l'ai ouï dire plufieurs fois dans mon enfance, & à qui je dois d'avoir été placé dans le teftament de Ninon; testament beaucoup plus fûr que celui dont il eft queftion. C'eft enfin celui dont les amours font décrits avec tant de naïveté par le cardinal de Retz, fon rival auprès de Mme de la Meilleraie, & fon rival heureux.

Ce n'eft pas affurément que je prétende reprocher à un miniftre fes galanteries; je fais combien il est permis à un grand-homme, qui a pris une ville réputée imprenable, & qui a rendu des services à la patrie, de joindre les plaifirs aux travaux ; mais combien eût-il été ridicule au cardinal, combien même dangereux, de parler de chafteté à Louis XIII, qui devait être très-inftruit du tour que lui avait joué Mme du Fargis dame d'atour de la reine? Confultez fur cette aventure & fur tant d'autres, les mémoires du cardinal de Retz, dans les premières pages du premier livre de ces mémoires. Ne dites point que les amours du cardinal avec Marion de Lorme, ne font connus que par les mémoires intitulés, Galanteries depuis le commencement de la monarchie, & par le Dictionnaire de Bayle. Voyez ce que le cardinal de Retz en dit à l'endroit déjà cité, & ce qu'il ajoute fur madame de Fruge.

Le cardinal de Retz, archevêque de Paris, parle de fes amours avec autant de vérité que de ceux du

cardinal de Richelieu; mais il ne donne de leçon de chafteté à perfonne.

Quis tulerit Gracchos de feditione querentes ?

N'eft-il donc pas de la plus extrême vraisemblance que l'abbé de Bourzeys ayant fait la narration fuccinte, que le cardinal corrigea très-fuccintement, s'avifa depuis de travailler de lui-même, & de joindre fes rêveries à la narration dont il était l'auteur? Il était le Colletet de la politique.

C'est le premier fentiment de M. de Foncemagne, c'eft le mien, & je m'en rapporte au lecteur dont le jugement eft fans prévention.

Réflexion.

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J'AURAIS fouhaité que M. de Foncemagne, en me réfutant, ou plutôt en m'inftruisant, s'en fût rapporté feulement à ce qui eft publié dans le tome IV de mes faibles ouvrages, imprimés à Genève en 1757, & non à des éditions antérieures, imprimées fans mon aveu: j'aurais défiré qu'il eût confulté à la page 298 de ce IVe tome, le chapitre 48 intitulé: Raifons de croire que le livre intitulé Testament politique &c. eft un ouvrage fuppofé.

Il aurait vu que dans cette édition il n'eft point question des millions d'or dont il parle. Ne mêlons point ces bagatelles à l'effentiel de la caufe des difcuffions inutiles détournent des grands objets; allons toujours au fait principal dans toute affaire.

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