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,, dont il avait la furintendance. Ces particularités me

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plaisent, parce qu'elles me donnent une idée nette ,, du caractère des Indiens, & que d'ailleurs elles me "font affez entrevoir celui du petit-fils de Sha-Abas, ,, de cet empereur automate.,,

Cet homme eft bien mal inftruit de l'éducation des princes mogols. Ils font à trois ans entre les mains des eunuques, & non entre les mains des femmes. Il n'y a point de feigneur à leur lever & à leur coucher; on ne leur dénoue point l'aiguillette. On voit affez qui l'auteur veut défigner. Mais connaîtra-t-on à ce portrait le fondateur des invalides, de l'obfervatoire, de St Cyr; le protecteur généreux d'une famille royale infortunée; le conquérant de la Franche-Comté, de la Flandre française, le fondateur de la marine, le rémunérateur éclairé de tous les arts utiles ou agréables; le légiflateur de la France, qui reçut fon royaume dans le plus horrible défordre, & qui le mit au plus haut point de la gloire & de la grandeur; enfin, le roi que dom Uftaris, cet homme d'Etat fi eftimé, appelle un homme prodigieux, malgré des défauts inféparables de la nature humaine.

Y connaîtra-t-on le vainqueur de Fontenoy & de Laufelt, qui donna la paix à fes ennemis étant victorieux; le fondateur de l'école militaire, qui à l'exemple de fon aïeul, n'a jamais manqué de tenir fon confeil? où eft ce petit-fils automate de Sha-Abas?

Il croit que Sha-Abas était un mogol, & c'était un perfan de la race des fophi. Il appelle au hasard fon petit-fils automate, & ce petit-fils était Abas, fecond fils de Sam-Mirza, qui remporta quatre victoires contre les Turcs, & qui fit enfuite la guerre aux Mogols.

On ne peut étaler ni plus de méchanceté, ni plus d'ignorance. Qui le croirait? cet homme a trouvé enfin de la protection.

Pour mieux confondre non-feulement ces impoftures, mais auffi cet efprit de critique, & ce ftyle âcre & violent, employés depuis quelque temps à décrier le grand fiècle, à rabaiffer Louis XIV, à dénigrer tous ceux qui illuftraient la France, nous réimprimons ici la défenfe de Louis XIV.

ARTICLE X X.

Défenfe de Louis XIV, contre l'auteur des Ephémérides.

J'AI

A1 lu les Ephémérides du citoyen, ouvrage digne de fon titre. Ce journal & les bons articles de l'Encyclopédie fur l'agriculture pourraient suffire, à mon avis, pour l'inftruction & le bonheur d'une nation entière.

Occupé des travaux de la campagne depuis vingt ans, j'ai puifé fouvent dans les Ephémérides des leçons dont j'ai profité. J'ai vu même avec étonnement quels avantages on pourrait procurer aux cantons que la nature femble avoir le plus difgraciés. J'avais choifi exprès un des plus mauvais terrains pour y bâtir & pour y labourer une terre ingrate qu'il fallait toujours rompre avec fix bœufs, & qui ne rapportant que trois grains pour un, était à charge à tous les propriétaires. Je voulus effayer s'il était poffible de changer en quelque forte la nature; il fallait du travail & de la

conftance; mes foins n'ont point été entièrement inutiles dans ce défert : un hameau délabré qui nourriffait mal environ cinquante infortunés, & où l'on ne connaissait que les écrouelles & la mifère, s'eft changé en un féjour affez propre, & par conféquent devenu plus fain, qui contient déjà plus de fept cents habitans, tous utilement occupés.

Un petit terrain, pire que le plus mauvais de la Champagne, qu'on nomme fi indignement pouilleufe, a rapporté des récoltes, & on a eu dix pour un, toutes les années, d'un champ qui ne rapportait que trois, & encore de deux ans en deux ans.

Je n'ai rien écrit fur l'agriculture, parce que je n'aurais jamais rien pu faire qui eût mieux valu que les Ephémérides. Je me fuis borné à exécuter ce que les estimables auteurs de cet ouvrage ont recommandé, & ce que M. de S' Lambert a chanté avec tant d'énergie & de grâce. Mais j'ai été un peu affligé de voir quelquefois le beau fiècle de Louis XIV, le fiècle des talens en tout genre, dénigré dans plufieurs livres nouveaux, & même dans ces Ephémérides à qui je dois tant d'inftructions. Voici comme on en parle dans un endroit.

,, C'était un empire entièrement énervé par des efforts exceffifs, mal entendus, malheureux, & ,, furtout par les fuites du régime fiscal le plus dur, ›› le plus impérieux, le plus méthodiquement incon,, fidéré, le plus réglementaire qui ait jamais existé.

Ces deux inventions terribles, dis-je, ne font pas ,, l'héritage le moins funefte que nous ait laiffé ce , fiècle tant vanté & fi défaftreux.,,

Voici comme on s'explique au commencement d'un autre chapitre. La gloire de ce grand fiècle, fi cher

à nos beaux-efprits, était paffée comme les étoupes ,, qu'on brûle devant le pape à son exaltation.,, Je vais d'abord répondre à cette ironie. Je parlerai enfuite du règne funefte & défaftreux.

Oui, fans doute, ce fiècle doit être cher à tous les amateurs des beaux arts, à tous ceux que vous appelez beaux-efprits; oui, je me regarderai comme un barbare, comme un efprit faux & bas, fans culture, fans goût, quand je pourrai oublier la force majeftueuse des belles fcènes de Corneille, l'inimitable Racine, les belles épîtres de Boileau & fon art poëtique; le nombre des fables charmantes de la Fontaine, quelques opéra de Quinault, qu'on n'a jamais pu égaler ; & furtout ce génie à la fois comique & philofophe, cet homme qui en son genre est fi au-dessus de toute l'antiquité, ce Molière dont le trône eft vacant. (kk)

En relifant les profateurs, je mets hardiment la défense de l'infortuné Fouquet par le généreux Péliffon à côté des plus beaux difcours de l'orateur romain. J'admire d'autant plus quelques oraisons funèbres du fublime Boffuet, qu'elles n'ont point eu de modèle dans l'antiquité. Qui ne chérira l'auteur humain & tendre du Télémaque? qui ne fentira le mérite unique des Provinciales? quel homme du monde n'aimera les fermons de Maffillon, & quel art a-t-il fallu pour les faire aimer? ils durent ces chefs-d'œuvre, ils dureront autant que la France. Nous avons aujourd'hui du

(kk) Expreffion pittorefque & vraie de M. Chamfort, dans le difcours juftement couronné par l'académie. Quand on emploie une expreffion neuve & de génie, ce que Boileau appelait un mot trouvé, il faut citer l'inventeur. Ce fiècle-ci a de beaux côtés, mais il eft un peu le fiècle des plagiaires.

galimatias à deux colonnes contre un chapitre de Bélifaire, & des mandemens compofés par le révérend père Patouillet.

Si l'on veut des recherches hiftoriques, trouverat-on quelque chofe de plus favant & de plus profond que les ouvrages de du Cange?

S'il eft question de mathématiques, avons-nous en France beaucoup de mathématiciens qui aient été inventeurs comme Descartes en géométrie? & malgré les chimères abfurdes de toute fa phyfique, ne méritet-il pas le bel éloge qu'en a fait M. Thomas, couronné par l'académie française & par le public?

Nous avons aujourd'hui de bons ouvrages philofophiques; mais en eft-il beaucoup qui l'emportent fur le traité des erreurs des fens & de l'imagination par Mallebranche, excellent commencement d'un système qui finit trop mal?

On nous a donné depuis peu de beaux morceaux d'hiftoire: mais on mettra toujours à côté de Sallufte la confpiration de Venise par l'abbé de St Réal. L'hiftoire des oracles de Fontenelle (perfécuté d'une manière fi infame par les jéfuites) ne rendit-elle pas de grands fervices à l'efprit humain? & fi vous faites grâce aux tourbillons de Descartes, qui font malheureusement la bafe de la pluralité des mondes, fi vous ôtez quelques plaifanteries déplacées, a-t-on jamais traité la philofophie avec plus de netteté & d'agrémens que dans ce même livre de la pluralité des mondes? production du fiècle de Louis XIV dans un goût abfolument

nouveau.

Si vous paffez aux autres arts qui dépendent moins de la profondeur de la penfée, à l'architecture, à la

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