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petit-fils Siamek paffa pour être l'Adam des Hébreux, inconnu à tous les autres peuples.

Pour nous, notre feule intention était d'étudier les arts & les mœurs.

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Comme l'hiftoire du refpectable Boffuet finiffait à Charlemagne, Mme du Châtelet nous pria de nous inftruire en général avec elle de ce qu'était alors le refte du monde, & de ce qu'il a été jufqu'à nos jours. Ce n'était pas une chronologie qu'elle voulait, un fimple almanach antique des naiffances, des mariages & des morts de rois, dont les noms font à peine parvenus jufqu'à nous, & encore tout falfifiés. C'était l'efprit des hommes qu'elle voulait contempler.

Nous commençâmes nos recherches par l'Orient, dont tous les arts nous font venus avec le temps. Il n'eft aucune hiftoire qui commence autrement; ni le prétendu Hermès, ni Manéthon, ni Bérofe, ni Sanchoniathon, ni les Shafta, ni les Védam indiens, ni Zoroastre, ni les premiers auteurs chinois ne portèrent ailleurs leurs premiers regards; & l'auteur infpiré du Pentateuque ne parla point de nos peuples occidentaux.

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Il ne nous fallut ni de profondes recherches,

ni un grand effort pour avouer que les Chinois, ainfi que les Indiens, ont précédé dès long-temps l'Europe dans la connaissance de tous les arts néceffaires. Nous ne fommes point enthousiastes des lieux éloignés & des temps antiques; nous favons bien que l'Orient entier, loin d'être aujourd'hui notre rival en mathématiques & dans les beaux arts, n'eft pas digne d'être notre écolier; mais s'ils n'ont pas décoré, comme nous, le grand édifice des arts, ils l'ont conftruit. Nous crûmes, fur la foi des voyageurs & des miffionnaires de toute efpèce, tous d'accord enfemble, que les Chinois inventèrent l'imprimerie environ deux mille ans avant qu'on l'imitât dans la baffe Allemagne ; car on y grava d'abord des planches en bois, comme à la Chine, & ce ne fut qu'après ce tâtonnement de l'art qu'on parvint à l'admirable invention des caractères mobiles. Nous dîmes que les Chinois n'ont jamais pu imiter à leur tour l'imprimerie d'Europe. M. Warburton, qui ne hait pas à tomber fur les Français, crut que nous propofions aux Chinois de fondre des caractères de leurs quatrevingt-dix mille mots fymboliques. Non; mais nous défirâmes que les Chinois adoptaffent enfin l'alphabet des autres nations, fans quoi il ne fera

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guère poffible qu'ils faffent de grands progrès dans des fciences qu'ils ont inventées.

Toutefois leur méthode de graver fur planche nous paraît avoir de grands avantages fur la nôtre. Premièrement, le graveur qui imprime n'a pas befoin d'un fondeur. Secondement, le livre n'eft pas fujet à périr, la planche reste. Troisièmement, les fautes fe corrigent aifément après l'impreffion. Quatrièmement, le graveur n'imprime qu'autant d'exemplaires qu'on lui en demande, & par-là on épargne cette énorme quantité d'imprimés qui chez nous fe vendent au poids pour fervir d'enveloppes aux ballots.

Il paraît inconteftable qu'ils ont connu le verre avant nous. L'auteur des Recherches philofophiques fur bes Egyptiens & fur les Chinois, vrai favant, puisqu'il penfe, & qui ne paraît pas trop prévenu en faveur des modernes, dit que les Chinois n'ont encore que des fenêtres de papier. Nous en avons auffi beaucoup, & furtout dans nos provinces méridionales; mais des officiers très - dignes de foi nous ont affuré qu'ils avaient été invités à dîner auprès de Kanton, dans des maifons dont les fenêtres étaient figurées en arbres chargés de feuilles & de fruits, qui portaient entre leurs branches de beaux deffins d'un verre très-tranfparent.

Il n'y a pas foixante ans que notre Europe a imité la porcelaine de la Chine : nous la furpaffons à force de foins; mais ces foins mêmes la rendent très-chère, & d'un ufage peu commun. Le grand fecret des arts eft que toutes les conditions puiffent en jouir aisément,

M. Paw, auteur des Réflexions philofophiques, ne fait pas des réflexions indulgentes. Il reproche aux Chinois leurs tours verniffées à neuf étages fculptées & ornées de clochettes. Quel eft l'homme pourtant qui ne voudrait pas en avoir une au bout de fon jardin, pourvu qu'elle ne lui cachât pas la yue? le grand-prêtre juif avait des cloches au bas 'de fa robe; nous en mettons au coup de nos vaches & de nos mulets. Peut-être qu'un carillon aux étages d'une tour serait assez plaisant.

Il condamne les ponts qui font fi élevés que les mâts de tous les bateaux paffent facilement fous les arcades; & il oublie que fur les canaux d'Amfterdam & de Roterdam on voit cent ponts-levis qu'il faut lever & baiffer plufieurs fois jour & nuit.

Il méprise les Chinois, parce qu'ils aiment mieux conftruire leurs maisons en étendue qu'en hauteur. Mais du moins il faudrait avouer qu'ils avaient des maisons vernies plufieurs fiècles avant que nous euffions des cabanes où nous logions avec notre bétail, comme on fait encore en Veftphalie. Au refte, chacun fuit fon goût. Si l'on aime mieux loger à un feptième étage, ubi ponunt ova columbæ, qu'au rez-de-chauffée ; fi l'on préfère le danger du feu & l'impoffibilité de l'éteindre, quand il prend au faîte d'un logis, à la facilité de s'en fauver quand la maison n'a qu'un étage; fi les embarras, les incommodités, la puanteur, qui réfultent de fept étages établis les uns fur les autres, font plus agréables que tous les avantages attachés aux maifons baffes, nous ne nous y oppofons pas. Nous ne jugeons point du mérite d'un peuple pár la façon dont il eft logé ; nous ne

décidons point entre Versailles & la grande maison de l'empereur chinois, dont frère Attiret nous a fait depuis peu la defcription.

Nous voulons bien croire qu'il y eut autrefois en Egypte un roi appelé d'un nom qui a quelque rapport à celui de Séfoftris, lequel n'eft pas plus un mot égyptien que celui de Charles & de Frederic. Nous ne difputerons point fur une prétendue muraille de trente lieues, que ce prétendu Séfoftris fit élever pour empêcher les voleurs arabes de venir piller fon pays. S'il conftruifit ce mur pour n'être point volé, c'eft une grande préfomption qu'il n'alla pas lui-même voler les autres nations & conquérir la moitié du monde pour fon plaifir, fans fe foucier de la gouverner, comme nous l'affure M. Larcher répétiteur au collége Mazarin.

Nous ne croyons pas un mot de ce qu'on nous dit d'une muraille bâtie par les Juifs, commençant au port de Joppé, qui ne leur appartenait point, jufqu'à une ville inconnue nommée Carpafabé, tout le long de la mer, pour empêcher un roi Antiochus de s'avancer contr'eux par terre. Nous laiffons là tous ces retranchemens, toutes ces lignes qui ont été d'ufage chez tous les peuples: mais il faut convenir que la grande muraille de la Chine est un des monumens qui font le plus d'honneur à l'efprit humain. Il fut entrepris trois cents ans avant notre ère : la vanité ne le conftruifit pas, comme elle bâtit les pyramides. Les Chinois n'imitèrent point les Huns, qui élevèrent des paliffades de pieux & de terre pour s'y retirer après avoir pillé leurs voifins. L'efprit de paix feul imagina la grande muraille. Il

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