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mais en se proposant des vues diamétralement opposées. Les Jésuites veulent enchaîner aux autels de la superstition et du despotisme; les Illuminés crurent qu'en employant les mêmes moyens, la prudence, le temps, la persévérance, ils pourroient tourner contre leurs adversaires l'avantage de n'avoir aucun rit extérieur qui les distinguât, aucun chef visible qui pût les dissoudre, et qu'ainsi rien ne leur manqueroit pour éclairer les hommes et les rendre heureux et libres. La base de leur

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systême fut d'attirer à eux des jeunes gens, de les conduire à lire, à s'instruire, à réfléchir. Après les avoir formés à leurs principes, ils les faisoient entrer dans la maçonnerie, tâchoient de s'emparer ainsi des loges, et de faire tourner ces instituts à des choses vraiment utiles à l'humanité. Il s'agissoit d'en faire un lien universel qui unît un très-grand nombre de gens éclairés dans les étreintes primitives de fraternité et d'égalité, d'où résultent l'obligation et la félicité de s'entre-secourir, de travailler au bien de l'espèce humaine. On projetoit d'étendre, autant qu'il seroit possible sphère des connoissances, non pas tant en profondeur qu'en surface; de faire parvenir les vérités et les connoissances utiles jusqu'à la classe du peuple; d'y introduire la raison, le bon sens et une saine connoissance des droits des hommes. L'amélioration du systême présent des gouvernemens et des législations, étoit le grand but de l'association, par une marche insensible et sur-tout fondée sur l'instruction..... Travaillons à répandre les vrais principes et la révolution désirée s'opérera précisément de la manière dont nous pouvons l'ambitionner, leutement, douce,

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ment, mais sûrement et sans que les fripons puissent abuser du moyen. Quel est-il, ce moyen? Le courage d'écrire de grandes vérités, et de les publier par l'impression. Tel est le palladium du bonheur de l'humanité. L'art de l'imprimerie qui rend impossible, du moins à la longue, le maintien des sociétés secrètes, même de celles que forment les fripons les plus rusés, s'oppose aussi sans doute à celles des hommes vertueax; mais il leur ouvre des ressources mille fois préférables. Employons ce moyen sublime qui a centuplé les forces. de l'homme, et donné à l'opinion un empire capablede balancer jusqu'à la puissance armée, servons-nousen même pour détruire les associations secrètes : la peste est entrée trop profondément; il n'en est aucune qui puisse se garantir de l'infame contagion. Peut-être aussi long-temps que les associations secrètes dureront, avec une importance comparable à celle qu'elles ont aujourd'hui, les bonnes têtes et les cœurs généreux. doivent-ils y entrer et même chercher à y jouer un rôle actif? C'est le plus sûr moyen d'en éventer les machinations souterraines, d'en faire avorter les infames complots, et même de les détruire. Je ne saurois agir là où je ne suis point, disoit un homme sage, ver-, tueux, profondément versé dans ces matières. Art tutélaire de l'imprimerie, c'est à toi que cette puis-. sance est réservée; c'est par toi qu'une voix foible sait se faire entendre d'une extrémité du globe à l'autre c'est par toi qu'un ami de la paix peut exterminer plus de brigands que la force n'en a jamais domptés... MIRABEAU.

« Il se forma, il y a quelques années, en Angle-2

terre, une société de philosophes voluptueux qui ressuscita l'abbaye de Thélême.

>> Leurs institutions rapprochoient et combinoient tous les systêmes, toutes les sectes, et les rapportoient à un seul; le plaisir.

» C'étoit un mélange de polythéisme, de maçonnerie, de folies, de sagesse : c'étoit le Panthéon d'Epicure.

» Le lieu d'assemblée étoit un temple gothique: on disoit la messe dans un coin, on jouoit la comédie dans un autre : ici des moines, là des arlequins, des uonnes et des filles.

» Il y avoit des initiations, des confessions, des sermons des danses, des banquets, des chapelles et des boudoirs.

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» Les chefs de l'ordre portoient des habits de moine. On consacroit à la nature. La reproduction des êtres étoit le culte particulier et le grand œuvre de la

société.

» On voyoit, rapprochés en tableau, Jupiter et Jehovah, Bacchus et Moyse, Vénus et la Vierge, Samonokodom et Jésus, les sept sages de la Grèce et les sept frères Machabées, les douze apôtres et les douze signes du zodiaque, enfin l'histoire de l'ancien et du nouveau testament à côté des métamorphoses d'Ovide.

» Les grands artistes, les savans et les hommes les plus illustres de l'Angleterre, étoient entrés dans cette société. Elle fut cassée et dissoute par un acte du parlement ».

Voilà tout ce que notre érudition a pu rassembler sur les associations secrètes. (Note du Docteur ). CHAPITRE LVII.

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CHAPITRE L V I I.

SUITE DE L'HISTOIRE DU BACHELIER.

L'UTOPIE, OU L'ILE INCONNUE.

O ubi, campi!
VIRG.

Il est même une région heureuse, gouvernée par nos institutions; mais elle est inconnue au reste des mortels. Les mers, les déserts, les montagnes et une police sévère la défendent de la contagion des mœurs européennes. Ses paisibles habitans ne reconnoissent qu'un culte, celui de la nature; ils n'ont qu'une loi, celle de la nature; les mots royaume, maître, domination, esclavage, privilége, etc. etc. etc., ne se trouvent point dans leur langue. Ce petit nombre de mots magiques a suffi pour verser sur notre malheureux univers des torrens de maux : leur absence a laissé naître et croître ces véritables biens trop négligés de l'homme, les seuls Tome II.

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biens réels, la paix générale, la paix avec les autres et avec soi-même, la joie, l'innocence, la santé, le bonheur. Les hommes dont je vous parle ont une constitution plus robuste que celle des Européens, leur sang est pur; il n'est point chargé du levain des vices. d'une foule de générations dégradées : leur physique a acquis tout son développement, parce que des préjugés ineptes, des soins barbares, cette espèce de mutilation sociale, ne l'ont point arrêté : il y a entre ces corps et les vôtres cette différence que vous remarquez entre le chêne majestueux des forêts abandonné à la vigueur de sa sève, au luxe de ses jets, et la charmille peignée de vos jardins.

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Leurs membres sont agiles et robustes, parce qu'ils n'ont point été courbés sur des métiers, ou paralysés dans des fauteuils, parce que des ligatures en tout sens n'ont pas enchaîné la vie, parce que leur costume est de n'en point avoir.... Ceux qui savent braver l'intempérie des saisons n'ont besoin ni d'hermines, ni de laines ni de fourrures. Ils ne sont jamais malades et vivent longtemps, car ils sont tempérans et n'ont point de médecin, La fièvre la plus destructrice,

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