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tentez-vous de répondre alors que je vous ferai des questions, et il continue de m'examiner...-Ayez pitié de moi, de ma jeunesse... -Comment avez vous pénétré dans ces souterrains? Qui êtes-vous? D'où venez-vous? Où se dirigeoient vos pas? Votre vie dépend du récit que vous allez faire. — Je raconte mes aventures; il paroît ému....-Ecrivez ce que vous venez de m'apprendre.... Je saurai, dans peu de jours, si je dois vous croire. Malheur à vous, si vous m'en avez imposé. Il sort. Dix jours s'écoulèrent, pendant lesquels je ne vis ni n'entendis personne. Seulement, on plaçoit, à la même heure, des alimens près la herse, et je les attirois à moi, à travers les barreaux. Le dixième jour, cet homme reparut : il m'appelle; je le suis.

CHAPITRE

LIV.

SUITE DE L'HISTOIRE DU BACHELIER.

LES

EPREUVE S.

Aliis sub gurgite vasto

Infectum eluitur scelus aut exuritur igni.

VIRG.

J'ENTRE dans une salle, illuminée de cent flambeaux ; plusieurs personnes, vêtues comme le premier, étoient rangées sur des gradins circulaires; au centre étoit une table et un siége où le chef prit place. Les murs sont couverts d'emblêmes et de caractères indéchiffrables. On m'entoure, on me considère. La conversation par sigues et par gestes commence; enfin le président de ce conciliabule, qu'on prendroit pour un cercle de magiciens, m'adresse la parole: .... Jeune hommé, vous avez trouvé grâce devant nos yeux..... Je m'incline, et j'embrasse avec reconnoissance ses genoux.... Cette grâce, vous la devez à votre jeunesse, à votre candeur, aux vertus que vous avez montrées,

à votre horreur pour la superstition et ses crimes.... J'entendis un murmure favorable dans l'assemblée, et je jugeai que je n'avois plus rien à craindre.... Tout autre auroit trouvé ici la mort: c'est la peine que dans nos mystères nous réservons aux prophanes et aux indiscrets... Mille poignards brillèrent aussitôt devant mes yeux, et furent suspendus en cercle autour de ma tête et sur ma poitrine.... Ces poignards attendent l'infracteur de nos lois .... Dès ce moment vous êtes soumis à nos lois.... Daignez, repris-je en tremblant, m'instruire de ces lois terribles.

Jeune homme, vous devez mériter cette instruction.... elle est le fruit d'épreuves longues et pénibles; si vous y résistez, vous reverrez la lumière du jour, après avoir été éclairé par celle de l'entendement.... Vous pourrez même concevoir l'espérance de vous asseoir, dans un âge plus avancé, à cette table sacrée. Si vous y succombez, si le courage que donne un cœur pur vous abandonne, alors condamné aux p'us vils emplois, vous languirez ici dans une chaîne éternelle, et les ténèbres physiques ainsi que les ténèbres morales, deviendront à jamais votre partage.

On me conduit dans une longue galerie où règne la plus épaisse obscurité; on pose à mes côtés une liqueur enivrante, mes lèvres s'approchent de la coupe, le philtre a coulé dans mes veines : un sommeil profond vient enchanter mes sens; bientôt l'agitation du délire succède à ce calme trompeur; la soif et la faim me dévorent, rien ne s'offre pour l'appaiser. Exténué d'un jeûne forcé et d'agitation, je tombe la face contre terre ; alors mille scènes fantastiques sont errantes au devant de mon imagination, une lave de feu semble tomber du ceintre de la voûte je crois que tous les points de mon corps sont embrasés, et que j'ai revêtu la tunique de Nessus. A cette clarté je distingue le sol sur lequel je marche, il me paroît pavé de têtes humaines, des squelettes sont les cariatides qui supportent le portique enflammé, une rosée éteint les flammes cette pluie est de sang... Des génies infernaux ont pané sur ma tête; on me lie sur une roue armée de pointes... Je ne sens nulle impression de douleur, et je m'apperçois que cette impression n'existe que dans mon imagination échauffée, mon courage résiste facilement à ces épreuves

maçoniques.. .... La dernière me fit frémir.... Frappez, me dit mon guide, et il met dans ma main un poignard;... aveugle, je frappe dans l'ombre; j'entends un plaintif gémissement.... Le jour renaît: il éclaire une victime mourante à mes pieds.... On l'entoure, on reçoit le sang dans une coupe, elle circule de bouche en bouche, et on me la présente..... C'est assez, dit celui qui présidoit à ces atroces cérémonies : vous jurez de ne jamais révéler ce que vous avez entendu et ce que vous entendrez encore; vous jurez une obéissance aveugle à votre chef. Je le jure. Alors épanchant la coupe, c'est ainsi que votre sang

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sera versé si vous trahissez votre serment. Invisible, mais inévitable, le couteau ailé de la vengeance vous frapperoit aux extrémités de la terre.

On me ramena alors dans une chambre ornée de tout ce qui peut flatter les sens. Le repos me rendit à moi-même. Je ne conservois qu'une impression vague, fugitive, confuse, de tous les objets que je venois d'entendre ou de voir.....

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