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des aqueducs semblables à la Cloaca-maxima de Rome; il ne lui manquera qu'un véritable commerce; en effet, je n'y vois que des vampires, des regrattiers, des commissionnaires, ou plutôt des courtiers; il ne lui manquera que des rues droites, larges,

campagnard, l'agriculteur, en un mot , pourra amasser des capitaux, s'enrichira et se peuplera sans manufactures ; au lieu que si vous pompez la subsistance des agriculteurs pour établir des fabricans, vous dépeuplerez les campagnes, ou du moins vous ne les peuplerez pas, missiez-vous de l'ordre et de la modération dans la perception de vos tributs.

Donc les grandes villes dépeuplent même les cam-. pagnes circonvoisines; donc il ne faut pas encourager leur agrandissement; donc les grandes villes, les villes manufacturières, les villes qui attirent le numé raire et accélèrent sa circulation, ne sont pas les vrais moyens de faire fleurir les campagnes, qu'on ne peut améliorer que par des faveurs immédiates accordées directement, et non par des villes qui naîtront et prospéreront de soi-même, lorsque les campagnes seront assez peuplées. Vérité de première importance, vérité féconde qui suffiroit pour renverser conséquences, tous les vieux systêmes de finance, dont les routiniers zélateurs s'efforcent d'étouffer les bons principes ceux qui attendent tout de la terre et demandent tout à la terre (*).

(*) Mirabeau.

, par ses

aérées, ce qu'on obtiendra en jetant par terre la moitié de cette ville gothique; car, comme le remarquoit très-bien M. Gabriel, il doit être moins question en cette ville de bâtir que de démolir.

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Mon ami, lui dit le diable boiteux, pour vous servir un plat de votre métier, et vous citer votre Aristophane, je vous dirois que ce discours sent le Socrate dans un panier au milieu de l'espace imaginaire. Laissons cette dissertation par-dessus les nues; vous m'avez fort ennuyé, je veux vous divertir. Venez; la nuit est arrivée, suivez-moi : nous allons nous percher sur les cheminées, je découwrirai et j'enleverai pour vous tous les toits de Paris, vous y verrez des choses qui pourront égayer votre misanthropie, et vous aurez lieu de disserter tout à votre aise.

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La lune lui versant sa lumière tremblante et argentée, suppléait les réverbères, dont une parcimonie, bien indigne d'une grande ville, avoit ménagé l'huile ; seulement, de loin en loin, circuloient et glissoient, comme des feux follets dans les ténèbres les lampes triangulaires, les lanternes de papier des fallots; l'armée des cinquante mille filles publiques qui font à Paris l'éducation de la jeunesse, occupait, déployée en ordre de bataille, les avenues et les portes des maisons. Le silence universel étoit quelquefois interrompu par les coups de sifflet aigus et prolongés, qui sont la voix ou le signal du crime : cependant des chars rapides ou des voitures pesantes ébran

loient au loin le pavé, et imprimoient aux planchers des appartemens un tremblement foible et sourd. On entendoit dans le lointain le pas pesant et marqué des patrouilles, tandis que des hordes rustiques, des troupeaux d'hommes et de femmes se succédoient sur de longues files; ils étoient courbés sous des hottes remplies de légumes, de fruits, entassés en pyramides, en gerbes, ils les étaloient précipitamment le long des rues, transformées tout-à-coup en un riche et vaste jardin, où les servantes des oisifs venoient à leur réveil, bourse à la main, cueillir le dîner de leurs maîtres. Paris présentoit à la fois les grands tableaux de l'ordre, du désordre, du mouvement et du repos.

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: Le diable boiteux et son compagnon de voyage descendent sur les premières cheminées qui s'offrent à leurs regards; l'intérieur de toutes les maisons se manifeste aussitôt à leurs yeux. Ils errent de scène en scène, de spectacle en spectacle : tel Lalande, assis sur les tours de l'Observatoire interroge les flambeaux de la nuit, les marque et les dénombre.

CHAPITRE IX.

LA DÉBAUCHE.

....

Monstrum nullâ virtute redemptum
A vitiis, æger solâque libidine fortis.

JUVENAL.

QUEL est ce lieu magique, éclairé

par

des

lustres de cristal d'Angleterre? La lumière se brise et se joue en reflets d'or, d'émeraude et d'opale. Un plafond mobile où des Amours balancent des guirlandes, verse la fraîcheur et une pluie de roses; des glaces voluptueuses réfléchissent les tableaux dont un pinceau libertin a peuplé ce temple du plaisir. Des meubles d'une forme élégante offrent au caprice, des sophas, des trônes, des lits, des conques, des cousins de lin, de pourpre, de soie, enrichis de perles et de diamans; le bronze, l'ivoire, la nacre éclatent de tous. côtés. Une table somptueuse et délicate est chargée de mets exquis et recherchés. Les oiseaux et les poissons les plus rares sont étalés dans des plats d'or; des vins parfumés, le lacryma-christi, le constance, la mal

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