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§. I V.

DES MOYENS D'ÉDUCATION.

APRÈS avoir expliqué le but de l'éducation, je vais en tracer les moyens.

Un philosophe a demandé si l'homme ne pouvoit pas perfectionner son espèce, comme on a perfectionné celle des animaux. Sans doute; et cela découle de la nature même de l'homme.

Comment? Par des rites, par

par des spectacles..... etc.

des usages,

Trois modernes ont traité ce sujet; Fé-. nélon, Rousseau, Mirabeau : chez les anciens, Platon.

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« C'est merveille, dit Montaigne, combien Platon se montre soigneux en ces loix, de la gaieté et passe - temps de la jeunesse de sa cité; et combien il s'arrête à leurs courses, jeux, chansons, sauts et danses desquels il dit que l'antiquité a donné le patronage aux Dieux mêmes, Apollon, les Muses et Minerve. Il s'étend à mille préceptes pour les gymnases. Pour les sciences lettrées, il s'y amuse fort peu, et semble

ne recommander particulièrement la poésie, que pour la musique.....

"Ce n'est pas une ame, ce n'est pas un corps que l'on dresse, c'est un homme. Il n'en faut pas faire à deux; il ne faut pas les dresser l'un sans l'autre; mais les conduire également, comme une couple de chevaux attelés au même timon.... »

Tel étoit l'esprit de l'antiquité. L'inphilosophie seule peut trouver ridicules Lycurgue et Solon, occupés de danses, de vers, de fêtes et de jeux, écoutant et composant même des chansons; Moïse et Numa traçant l'ordre religieux des cérémonies des sacrifices et des processions; Pythagore ordonnant le silence; Bâcon s'armant des signes maçoniques; J. J. Rousseau proposant, dans ses réformes sur la Pologne, des courses de chevaux; les législateurs chinois décidant sur la manière de saluer; Penn indiquant la forme des vêtemens, et l'attitude qui convient à l'homme.

Tout repose sur deux principes: l'homme n'existe, n'agit, ne pense que par ses sensations.

Ses affections, répandues au - dehors, se communiquent, s'exaltent, électrisent; et

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après avoir ébranlé le cœur des autres, retombent, avec plus de force, sur le sien. Telest, par exemple, le caractère des fêtes

nationales.

C'est-là que l'esprit s'enflamme, le cœur se nourrit, l'ame s'élève; c'est-là que, brillante de gloire, d'amour, d'espérance, la mére-patrie se montre à ses enfans; et leur imprimant le sentiment de sa grandeur, les laisse remplis de sa divinité.

Des plumes éloquentes ont traité ce sujet. Pour que les citoyens s'occupent de la patrie, il faut qu'elle soit toujours présente.

Chaque individu est fortement pénétré de passions. Dans un état mal ordonné, chaque citoyen se fait un bonheur à part.

Dans une république bien constituée, la concitanéité unit tous les cœurs, et fait servir toutes les passions à la chose publique...

§. V.

DE LA GÉNÉRATION ACTUELLE,
ET QUELQUES REVERIES.

LORSQUE Circé eut changé les Grecs en pourceaux, Ulysse leur offrit en vain de redevenir hommes.

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Telle est l'image d'une génération abrutie par une longue servitude, et à laquelle un philosophe présente la liberté.

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Une grande masse d'hommes est encore courbée vers la terre, et refuse de se redresser l'habitude de l'esclavage les a gar rottés de liens de plomb; leurs débiles yeux ne peuvent supporter l'éclat de la lumière.

La difficulté consiste à empêcher que leurs vices, maladies honteuses du despotisme, n'atteignent la génération qui s'élève, et que la corruption ne se transvase ainsi de siècle en siècle.

La régénération sociale tient, je l'ai dit, à un vaste ensemble de loix : leur force naît de cet ensemble. S'occuper des détails, est d'un légiste, et non d'un législateur. Les feux qui éclairent les ténèbres de notre horizon politique, ont été posés et comme jetés de loin en loin. Réunissez-les.

Ce qui a perdu nos premiers législateurs, c'est de n'avoir point dirigé toutes les loix, comme autant de rayons, vers un point central; de ne point les avoir fondu, quelque sorte, d'un seul jet; mais de les avoir laissé tomber éparses, fractionnées, mutilées.

en

On peut cicatriser l'ulcère du corps politique, et arrêter la contagion par des institutions morales, par de bonnes loix civiles. On doit rapporter au même but la réformation des loix pénales, la suppression de la mendicité, l'abolition de la peine de mort, les établissemens de travaux publics, etc. etc. Les loix doivent puiser leur caractère, leur esprit, leurs principes dans la philantropie.

Je voudrois sur-tout que, dans une république, elles tendissent à diviser, sans effort, sans déchirement, sans violence, les fortunes colossales, et à faire ainsi couler, au sein de l'indigence, quelques ruisseaux du fleuve des richesses.

Telles les loix sur les successions. On a proposé de partager, à la mort d'un homme, son bien en deux parts, l'une divisible entre les enfans, et l'autre entre les collatéraux, le nécessaire pour chaque enfant étant d'abord fixé et prélevé.

Telle la loi sur l'adoption, pourvu qu'elle n'ait lieu qu'entre le riche et le pauvre. J'aime à les voir se donner la main, et la vertu réconciliée avec la fortune.

Telle la loi qui supprimeroit la dot des femmes; qui, rappelant le mariage à sa

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