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le nombre a grandi par suite de la création des laboratoires de recherches; les communications de plus en plus faciles entre les pays n'ont pas été non plus sans influence.

On a souvent remarqué que l'apparition d'une nouvelle méthode de travail ou d'un instrument de recherche a eu plus d'importance que la découverte d'un objet; les cent dernières années nous en ont donné plus d'un exemple. Ainsi l'invention de la pompe à mercure de Sprengel pour produire le vide a permis la découverte de la lampe à incandescence avec laquelle nous éclairons nos rues et nos maisons, du radiomètre de Crookes et de ce que nous sommes encore obligés d'appeler les rayons X. La photographie a été une nouvelle arme de recherche qui a permis à l'astronome de dresser la carte des astres visibles et invisibles et au physicien d'analyser les phases des mouvements rapides des corps. L'analyse spectrale a fourni une nouvelle méthode d'examen au chimiste, et elle a donné à l'astronome la clef de plus d'un problème.

Le champ de la science moderne est si vaste et, d'autre part, la spécialisation a pris une telle extension qu'il est. absolument nécessaire, pour reviser les progrès effectués pendant le dernier siècle, d'adopter un principe de sélection qui nous permette de nous reconnaître dans cette masse de détails. Du point de vue positiviste les sciences principales sont les mathématiques, l'astronomie, la physique, la chimie, la biologie, la sociologie et la morale, puisqu'elles sont les seules sciences qui soient essentielles à l'édification d'une philosophie scientifique. Par conséquent, dans les articles qui suivront, je traiterai brièvement des caractères généraux de la science au XIXe siècle en m'appuyant sur des exemples puisés dans ces sept sciences.

Il y a peu à dire concernant les mathématiques; car il n'y a pas été fait de découvertes comparables à l'application par Descartes de l'algèbre à la géométrie ou à la création du calcul transcendental par Newton et Leibnitz. Après la mort de Newton, survenue en 1727, l'œuvre des mathématiciens du xvII° siècle fut de perfectionner le calcul infini

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tésimal, d'en combler les lacunes, de l'appliquer à l'étude de la physique et enfin de compléter la mécanique céleste. Ce travail se continua pendant tout le XIX siècle, et la prédiction de Bacon se réalisait, à savoir que les différentes branches des mathématiques s'accrurent avec les progrès de la Physique. De fait, décrire les progrès des mathématiques appliquées équivaut à écrire l'histoire de la Physique moderne. Les mathématiques du siècle ont atteint un tel caractère technique qu'elles n'ont guère d'intérêt que pour quelques spécialistes. Il faut cependant dire quelques mots de la géométrie de l'espace. Quelques mathémaciens du XIX siècle estimant que le champ des mathématiques pures devenait très circonscrit quant aux considérations de simple réalité et d'utilité, pensèrent l'affranchir de toute notion d'usage et de réel et, donnant libre jeu à leur fantaisie, imaginèrent un espace à quatre dimensions. Sur cette fondation, ils érigèrent ensuite toutes sortes de théories.

L'imagination scientifique est une chose excellente et indispensable; son exercice constant est un facteur absolument essentiel de tout progrès scientifique, mais à la condition qu'elle soit disciplinée et basée, le plus possible, sur la réalité. Les mathématiciens de cette école imaginative semblent avoir oublié que leur science n'est qu'un instrument logique et que, comme dit Huxley, ce qu'ils en obtiennent dépend uniquement de ce qu'ils ont mis dedans. Si le point de départ manque de réalité, les conclusions ne peuvent être qu'imaginaires et ne sont, par conséquent, que des jeux d'esprit ingénieux,

(Traduit de la Positivist Review, par G. Tridon.)

(A suivre.)

H. GORDON JONES.

LES TROIS HYGIÈNES1

Il y a trois étapes dans le développement si rapide et si remarquable de l'hygiène, trois chapitres bien distincts, et Je préfère dire, plus brièvement, trois hygiènes qui se superposent sans se contredire, et dont la dernière doit régler et coordonner les deux autres.

Il y a d'abord une hygiène physiologique qui repose sur le développement régulier de nos organes et l'harmonie de nos fonctions. Elle est fondée sur la connaissance de ces fonctions, sur les conditions de leur indépendance et de leur équilibre, sur la détermination de nos besoins réels, sur la connaissance des agents mécaniques, physiques et chimiques qui forment notre milieu extérieur, et de l'action de ces agents ainsi que des réactions correspondantes de notre organisme pour se défendre et s'accommoder.

Cette hygiène date de Lavoisier; il en est le vrai fondateur, et son nom, quoique célèbre, n'a vraiment pas la popularité qu'il mérite.

C'est lui qui donna à l'hygiène une base scientifique en découvrant l'oxygène et la composition de l'air, en faisant la théorie de la respiration et de la nutrition, celle des combustions organiques et de la calorification. Il fonda le dé

1. Extrait d'une conférence faite, le 9 novembre 1903, à la mairie de Blois, aux instituteurs et institutrices de l'arrondissement de Blois, et aux élèves des écoles normales, sous la présidence de M. Périé, inspecteur d'académie de Loir-et-Cher. Une très intéressante conférence de M. l'inspecteur général Edouard Petit, sur les œuvres postscolaires, avait précédé celle du Dr Cancalon et avait été l'occasion de cette réunion.

terminisme chimique en montrant que la matière se transforme sans déperdition aucune.

Par lui, on sut de manière scientifique, c'est-à-dire démontrable, que notre vie est conditionnée par de continuels échanges chimiques; que l'oxygène est le comburant qui brûle les aliments puisés dans l'estomac; que le sang se décharge dans les poumons de l'acide carbonique qui est un résidu des combustions déjà opérées, et qu'il se charge d'oxygène pour de nouvelles combustions qui s'opèrent dans l'intimité des tissus.

Or, ce sont là des notions dont les déductions hygiéniques s'imposent.

Puisque la vie est un flambeau, ou, si vous préférez une comparaison plus exacte, puisque nous sommes comparables à une machine qui consomme du combustible, il faut qu'il y ait équilibre entre le combustible et la dépense de force.

La machine ralentit si le combustible manque; elle s'encrasse, s'obstrue, si le combustible est en excès. Pour que le combustible brûle complètement, il faut quantité suffisante d'oxygène.

D'autre part, tout ce qui active la respiration et la circulation active la nutrition.

Il est à peine besoin d'indiquer les conséquences qui découlent, par exemple, de la nécessité d'une large aération, d'un exercice suffisant, mais non excessif, d'une alimentation réglée proportionnellement à l'activité.

D'où réformes individuelles, familiales, urbaines, et enfin changement dans les mœurs.

La très profonde révolution opérée par les découvertes de Lavoisier, n'a pas eu un caractère subit; c'est très lentement que la routine a été vaincue, et aujourd'hui encore nous assistons au développement de leurs conséquences.

Quand on fait, larges et aérées, les maisons, les écoles, les chambres à coucher;

Quand on sort les lits des alcôves;

Quand on proscrit les braseros et les chaufferettes;
Quand on se livre aux divers sports;

Quand on combat l'alcoolisme et l'abus des viandes;

Quand on crée des parcs et des squares;

Quand l'Angleterre assainit ses villes et fait tomber ainsi. de 40°/。 la mortalité par la tuberculose;

Quand l'Allemagne se couvre de sanatoriums;

Quand on fuit la ville pour courir à la mer ou à la montagne,

On fait de l'hygiène suivant Lavoisier.

Cela paraît banal aujourd'hui, mais il n'est pas indifférent que notre conduite soit fondée sur des motifs scientifiques. Cela seul rend les réformes durables, et impossibles les rétrogradations.

Cette hygiène physiologique se résume surtout en deux ou trois préceptes pas d'excès, pas de privations, pas de de la mesure.

surmenage,

Sous la prédominence trop exclusive de ces découvertes et de cette hygiène, des théoriciens éminents, mais qui ne pouvaient pas prévoir le développement ultérieur de la science, ont appliqué ces vues à la médecine, et pensé que dans les maladies tout réside au fond en un excès ou en un défaut de réaction physiologique.

Mais ce n'est là qu'une partie de l'étiologie médicale, comme l'hygiène de Lavoisier n'est pas toute l'hygiène.

II

Les dernières années du XVIIIe siècle, si fécondes en grandes découvertes, avaient vu le médecin anglais Jenner faire la démonstration positive (sinon la découverte) de l'efficacité du vaccin. Il prouva qu'on pouvait l'inoculer et préserver ainsi de la petite vérole sans recourir à l'inoculation de la maladie même, toujours si dangereuse.

Cette immunité si facilement et si sûrement acquise excita l'admiration et l'enthousiasme, mais le fait resta isolé théoriquement, sans pouvoir être rattaché à aucun autre fait analogue, à aucune loi générale. Il n'eut donc aucune influence sur les théories médicales postérieures. Il n'en

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