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spirituelle peut favoriser l'avancement décisif des lumières posi tives, et håter l'évolution de la civilisation humaine, garantissant et conciliant enfin l'Ordre et le Progrès, qui ne peuvent exister ni se développer l'un sans l'autre.

Pour résumer pratiquement les considérations théoriques qui viennent d'être exposées, on peut formuler les désidérata suivants : 1. Que la séparation des Eglises et de l'Etat soit effectuée non par haine seclaire, ni même par esprit d'économie, mais d'après le principe de la Séparation des deux pouvoirs, temporel et spirituel, unique base de la véritable liberté spirituelle pour tous.

2.

Que l'abolition du budget des cultes soit faite avec tous les égards convenables aux personnes; en assurant l'existence de tous les membres du clergé, qui, parvenus à la pleine malurité ne peuvent changer de carrière, par le maintien viager de leur traitement. Que l'on facilite aux autres le choix d'une meilleure situation, en prolongeant pendant sept ans leurs salaires actuels.

3.

Suppression de tous les privilèges des Eglises et de l'appui officiel accordé aux missions.

4.

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Extension de la liberté par la suppression du droit de timbre pour les affiches non commerciales; la police de la presse, même affichée, ne doit consister que dans l'obligation de tout signer, complétée par l'exacte indication du domicile de chaque auteur avec la date et le lieu de sa naissance.

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Revue occidentale, numéro du 1er janvier 1904.

Situation du Fonds Typographique
au 30 novembre 1903.

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PAGES LIBRES '

I

LA MALADIE CONTEMPORAINE

Les conclusions du Positivisme sont les suivantes : dans l'étude de la nature en général, subordonner les vues de détail aux vues d'ensemble; ce qui, en sociologie, se tra duit par ce précepte: subordonner le point de vue individuel au point de vue social; et dans l'ordre du sentiment, les conclusions sont : subordonner l'égoïsme à l'altruisme, en d'autres termes la personnalité à la sociabilité.

Or, que constatons-nous autour de nous?

Le règne des spécialités, la surabondance des vues de détail.

Quant aux vues d'ensemble les plus en faveur, elles sont ou purement métaphysiques, ou matérialistes et partielles si elles s'appuient sur la science; tels sont le dogme de l'énergie en cosmologie, et le darwinisme en biologie, avec des prétentions terriblement dangereuses sur la sociologie.

En politique, le point de vue social s'affirme dans des doctrines simplistes, chimériques et violentes, et, dans la conduite de la vie, chacun se dirige à peu près uniquement d'après le point de vue individuel.

Dans l'ordre du sentiment, l'altruisme est fort négligé, et l'égoïsme déborde et s'étale cyniquement.

On ne peut donc pas voir un contraste plus marqué entre la réalité du jour et l'état normal que nous a fait entrevoir Aug. Comte.

1. Sous cette Rubrique sont publiés des travaux dont les signataires se réclament de la Méthode et de la Philosophie positives, mais dont la teneur fait l'objet d'importantes réserves de la part de la Direction.

Est-ce à dire qu'il faille renoncer aux espérances qu'il nous a fait concevoir? Bien au contraire; le positivisme apparaît de plus en plus comme notre seule planche de salut.

N'éprouve-t-on pas un besoin urgent d'une synthèse totale pour combattre les divagations théoriques, l'émiettement des idées, et, pour tout dire d'un mot, cette anarchie intellectuelle dans laquelle nous sommes plongés ?

Et l'anarchie morale qui en dérive, et dont les ravages s'étendent à toutes les parties du corps social, ne montre-t-elle pas la nécessité d'une morale incontestée, c'est-à-dire scientifique?

Enfin l'anarchie matérielle, aboutissement des deux autres, n'est-elle pas une preuve indéniable du manque de systématisation des doctrines économiques, et de la faiblesse de la politique, tant intérieure qu'extérieure, qui en est encore à chercher ses principes? Sans compter qu'une nouvelle difficulté vient s'ajouter aux autres dès maintenant; cette politique extérieure ne peut plus se dispenser d'être planétaire.

On voit donc du même coup et la distance qui nous sépare d'un état réellement satisfaisant, et le besoin de nous attacher fortement à la seule doctrine qui puisse progressivement venir à bout de l'anarchie actuelle.

A quoi tient cette anarchie?

A la décomposition rapide du régime catholico-féodal à partir du xiv siècle, et à la lenteur de la reconstitution des choses sociales et morales.

Auguste Comte nous a exposé avec une force incomparable ce double mouvement de décomposition et de recomposition, en a marqué la discordance; et c'est pour en atténuer les dangers, qui frappaient sa vue dès l'âge de vingt ans, qu'il a entrepris cette œuvre colossale de la construction d'une philosophie nouvelle strictement positive.

Depuis lui le mal s'est encore aggravé : la recomposition n'a pas fait de progrès, et la décomposition continue toujours. Quel est l'agent de cette démolition de l'ancien régime catholico-féodal? C'est l'esprit révolutionnaire.

Sans doute il était dans la ligne de l'évolution puisqu'il est venu et qu'il remplit la scène depuis tant de siècles.

Sans doute on ne refait pas l'histoire, mais on peut se demander si, après avoir accompli un office nécessaire, il ne s'éternise pas d'une manière inquiétante.

Il est de la nature de toutes les forces naturelles de poursuivre indéfiniment leur action tant qu'elles ne sont pas arrêtées par d'autres forces; c'est là la loi de Persistance qu'Aug. Comte a placée dans sa Philosophie première.

Depuis longtemps les démolitions nécessaires sont accomplies, et l'esprit révolutionnaire détruit, détruit toujours; il détruit parce qu'il ne sait faire que ça; il est totalement im puissant à construire quoi que ce soit; mais comme rien ne l'arrête, il poursuit sa course.

Nous verrons dans une prochaine étude à quoi l'on peut attribuer cette absence de frein. Aujourd'hui tâchons de nous rendre compte de ce qu'est cet esprit révolutionnaire en luimême.

Dans l'ordre du sentiment, il est défiance, soupçon, haine; dans l'ordre de la pensée il est Métaphysique; dans la pratique il est Action violente.

Mais qu'est-ce que Métaphysique?

Dans les lignes qui vont suivre, je ne prétends rien apprendre aux Positivistes; mais cette Revue ne s'adresse pas qu'à eux; elle a été faite pour répandre les idées d'Aug. Comte; elle s'adresse donc surtout à des lecteurs qui ne sont pas complètement, Positivistes ou qui ne le sont pas encore et veulent le devenir.

A ceux-là je crois nécessaire de donner quelques explications, d'autant plus que ce mot assez vague, qui date d'Aristote et qui n'est que la traduction du titre d'un de ses ouvrages, a subi depuis lui des fortunes diverses 1; ainsi dans notre XVIII° siècle, il a signifié idéologie; au XIX siècle, en Angleterre, il a été pris souvent pour psychologie, et de nos jours, on en fait communément le synonyme de philosophie. Pour nous, la métaphysique est cette philosophie intermédiaire qui sert de transition entre la théologie et la philosophie positive.

1. Littré, Philosophie positive, Revue mars-avril 1869.

Une philosophie est en effet une conception du monde et de la destinée; il n'y a et il ne peut y avoir que trois manières de philosopher.

La philosophie théologique (en y comprenant le fétichisme) considère le monde comme régi par des volontés.

La philosophie positive le considère comme régi par des lois, au sens scientifique du mot.

Les métaphysiques le considèrent comme régi conformément aux idées qui apparaissent universelles et nécessaires à notre intelligence; c'est par là qu'elles se ressemblent et qu'on peut les réunir en un même terme, puisqu'elles se rapportent toutes à une même manière de philosopher; à tous les autres points de vue elles diffèrent d'étrange sorte et vont jusqu'à s'exclure complètement, comme le matérialisme et le spiritualisme.

La métaphysique donc se montre à nous comme une doctrine hybride rappelant par certains côtés la théologie dont elle dérive immédiatement, comme l'a aperçu Aug. Comte avec sa sûreté de coup d'œil ordinaire, et par d'autres ayant une vague ressemblance avec la Positivité vers laquelle elle est un acheminement; il faut la regarder comme un essai d'explication du monde par le raisonnement pur et simple; le raisonnement doit s'appuyer sur quelque chose; ce quelque chose consiste, comme il est dit plus haut, en de soi-disant principes a priori nécessaires, immuables, universels, éternels.

Il va sans dire que l'esprit humain, en cela comme en tout, a commencé par la pratique; il a fait usage de la métaphysique sans savoir ce qu'il faisait, et par le seul besoin de raisonner; les modernes seuls ont pu formuler avec cette netteté le procédé employé inconsciemment par les premiers métaphysiciens; il a même fallu arriver au moyen âge pour que l'esprit humain se posât le problème du fondement de sa métaphysique (querelle des réalistes et des nominalistes); << la philosophie gréco-romaine, qui compte de si grands << noms et de si grandes œuvres et qui est la mère de toute notre philosophie », dit Littré1, ne s'en est jamais avisée. 1. Littré, Philosophie positive, Revue juillet-août 1867.

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