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dérable de l'histoire des querelles littéraires du dixseptième siècle. Cette histoire, il faut l'avouer, serait fort volumineuse.

Parmi les promenades d'archéologie dont Mabillon rend compte, il faut noter une course faite avec Fabretti aux catacombes, c'est-à-dire à ce qu'on visitait encore de ces antiques retraites des chrétiens, alors fort abandonnées et peu explorées. Il raconte ainsi cette visite à Thierry Ruinart, qu'il aimait à tenir au courant de ses faits et gestes:

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« Nous levames' hier trois corps dans un cime« tière que l'on a découvert nouvellement à la porte Majeure. On prétend que c'est celui de Captulus, quoique cela ne soit pas sans difficulté. Celui que je levais avait une petite fiole, dans laquelle on avait «< mis le sang, du martyr, avec l'instrument de sa passion. Cela nous empêcha d'aller à Sainte-Agnès, pour la bénédiction des agneaux qui s'y fait ce jourlà, de la laine desquels on doit faire les pallium.

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Après que l'on a béni cinq ou six agneaux, on les « donne à élever à des religieuses qui les nourrissent, « les tondent, en filent la laine, dont elles composent « les pallium. Je vous prie de dire à M. l'abbé Chas<< telain ce que je viens de vous dire de ce cimetière, << et de lui présenter mes respects.

« Les Pères de Saint-Callixte nous traitèrent tous

1 MABILLON, Correspondance. Bibl. nat, fonds français, 19659, fo 77.

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VISITE AUX CATACOMBES.

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quatre magnifiquement vendredi dernier. Le Révérendissime Père visiteur et le Révérendissime Procu«< reur général nous firent la grâce de venir nous

«< inviter. Les manières de servir en Italie sont toutes

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pleines de cérémonies. Il y avait quatre religieux,

« et autant de serviteurs, qui servaient à table.

<< Je vous laisse sur votre appétit, et je m'en vais « dîner, fort lassé d'écrire.

pour

« M. Auzout est arrivé ici; je crois c'est que « du temps, aussi bien que M. Vaillant. Ils ne paraissent guère contents de France.

"

« Il fait bon ne désirer rien. Nos Pères vous saluent. << Priez Dieu pour moi, qui suis tout à vous. »>

Cette promenade intéressa si vivement Mabillon, qu'il lui consacre plus de six pages dans son récit de voyage et accompagne sa description de la reproduction de plusieurs épitaphes de martyrs. Il y fit de nombreuses remarques, qu'il mit plus tard à profit.

Le lendemain de la visite aux catacombes, c'est une nouvelle excursion aux Trois Fontaines, sur la route d'Ostie; et au retour, visite à la collection célèbre du chevalier del Pozzo, où étaient conservées les peintures renommées de Poussin, les Sept Sacrements, qu'en qualité de compatriote, Mabillon admire extrêmement. Puis, entre les promenades, se multiplient les séances de copie ou de lecture à la bibliothèque du Pape au Vatican, et à celle qui dépendait en propre du Vatican. L'entrée de ces sanctuaires de l'érudition

était ouverte toute grande à nos savants, qui ne se faisaient pas faute d'en profiter. Au milieu de ces graves occupations, les fêtes populaires ou les cérémonies de cour ne font pas défaut. Voici, à quelques jours de distance, la bénédiction des chevaux dans une église voisine de Sainte-Marie Majeure, desservie par des religieux, et l'entrée du cardinal Mellini qui revenait d'Espagne :

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« Vive' saint Antoine! La procession des chevaux, « des ânes et des mulets, qui vont tous, sans aucune exception, recevoir de l'eau bénite, le jour de la « fête, leur (aux religieux) vaut plus de mille écus, << sans compter dix-sept vieilles bêtes, chevaux et ânes, << dont on fit présent à ces bons Pères. Tout Rome s'empresse d'aller voir cette cérémonie. Les bétes, «< chevalines ou saumaires, ornées de rubans, passent << en revue devant un Révérend Père qui est en surplis « et étole; il leur donne de l'eau bénite; et celui qui « les mène laisse un cierge ou de l'argent, ou du fro« mage, ou de toute sorte de denrées... »

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"

« La 2 bonne santé du Pape a commencé à éclater << sur le cardinal Mellini, revenu de sa nonciature « d'Espagne. Il a eu pitié de le voir rôder si longtemps «< aux environs de Rome. Ce fut samedi dernier qu'il « fit son entrée en carrosse. Il y avait, dit-on, au cor

tége, cinquante-quatre carrosses à six chevaux. « J'étais dans ce moment à la bibliothèque Chigi, où

I VALÉRY, t. I, p. 208.

* Id., t. I, p. 210.

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༥ que

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L'ENTRÉE DU CARDINAL MELLINI.

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je lisais des manuscrits. Encore que je ne misse pas « la tête à la fenêtre, un bruit m'est venu apprendre dès avant midi, il venait des courriers en poste d'un peu plus loin que Ponte Molle, comme qui dirait << Vincennes à l'égard de Paris, tout essoufflés, annonçant l'approche de Son Éminence. Six arrivé<< rent par intervalles à la porte del Popolo en cet « état, avec des montures crottées, usées, toutes en « désordre, quoiqu'elles fussent sorties de Rome après neuf heures trois quarts avant midi. Rien n'exprime << mieux la ruse et la contenance des Gabaonites, que « ces courriers enfaquinés, qui annoncèrent aux cardianaux, amis et curieux, l'approche du cardinal. Il << termina sa glorieuse entrée du Vatican, où il entra «< une heure avant soleil couché; on dit ici à vingttrois heures. Son audience dura au moins quatre heures, ainsi que M. Sluse vient de nous l'assurer. « A présent que j'écris, ce même M. Sluse est aussi à « l'audience du Pape qui est en parfaite santé. Cet embonpoint ne l'a pas empêché de faire, dit-on,

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« vœu de ne plus sortir de sa chambre. Si cela est, dit M. Sluse, personne ne l'en pourra dispenser, non « pas même Sa Sainteté elle-même, car il sera de jure divino. Comment donc faire pour tenir des consistoires, créer des cardinaux, donner les audiences " aux ambassadeurs? Pour les consistoires, ils ne «< commenceront pas sitót; c'est ce que Mgr Ciampini, qui le doit savoir, nous assurait hier pour cette

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<< semaine et la suivante. Quand il plaira à Sa Sainteté « d'en indiquer, on assure qu'il les tiendra dans sa « chambre. Nos seigneurs les cardinaux se presseront « un peu; quel grand mal à cela? Mais ce qui est « fàcheux est la médisance qui court que Sa Sainteté « ressemble aux gros pécheurs, en ce que les scrupules de sa maladie ne le tourmentent plus, à pré« sent qu'il est en santé, sur la création des cardinaux << dont on n'entend plus parler. Cela rend nos préten« dants comme stupides. Sur le bruit d'un trésor caché proche de Frascati, M. l'ambassadeur, M. le cardinal, le cortége ordinaire, madame de Bracciane <«<et sa suite, etc., furent deux fois voir fouiller. On ne «< trouva rien de ce qu'on attendait; on y rit d'impor<«<tance, et la bonne chère fut augmentée au retour. « On nous y avait conviés; nous fimes sagement de « ne pas troubler cette fête. La notre fut de cracher, « tousser et travailler, nonobstant le catarrhe : le mien « diminue, dom J. Durand est encore mal. Nous con«tinuons nos écritures au palais Palestrine; il nous «< reste quarante pages à copier de la chronique ou his<< toire de Sublac (Subiaco). Que le Père Bastide ose cependant se servir de l'Ego Gregorius contre les «< remarques secrètes que nos longues expériences « nous avaient fait faire : la lecture de la pièce entière, qui est gaillarde, lui fera sans doute, comme disait « autrefois le Père Flambard, cracher sur son ouvrage. << Entre les beaux endroits de ce ravissant privilége,

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