" LA COMTESSE CARPEGNA. 423 palais jusqu'à ce que le gouverneur, par ordre du « Pape, y a envoyé des sbires pour l'en retirer par « force; elle, en ayant eu avis, s'est sauvée par-des« sus les toits dans l'exemption de l'hôpital SaintJacques des Espagnols. On dit qu'elle s'est vêtue à l'espagnole, et cependant elle n'a pas laissé de récla<< mer la protection de la France. En effet, la maison « de Carpegna est sous la protection de la France, et il « y a quelques seigneurs de cette maison mariés dans « le royaume. Samedi dernier, l'hôpital des Espagnols fut tout le jour entouré de sbires pour se saisir de la << comtesse, si elle sortait, mais elle n'eut garde. Cette « bonne dame a près de soixante-dix ans, et n'a jamais « été fort sage. Il semble qu'on devrait la laisser mou«rir en repos... » Le 15 octobre 1685, la petite caravane littéraire se remit en marche et partit pour Naples, où nous allons la suivre. Michel Germain a bien soin d'annoncer son départ à son ami de Paris, Thierry Ruinart; il joint à sa lettre une peinture de l'état de la campagne à cette époque en Italie, qui n'est dépourvue ni de finesse ni d'agrément. Le spirituel Bénédictin n'avait pas oublié les grasses campagnes de Picardie, cultivées avec un soin jaloux par une race de paysans laborieux, et la nonchalance des paysans italiens est pour lui un sujet constant d'étonnement et de scandale : C'est donc aujourd'hui, mon Révérend Père, que << nous sortons de Rome pour aller tout droit à Naples. « Ce qui nous a fait changer de route est la commo«< dité des calèches de retour que nous trouvons, au lieu que pour aller à Naples par Farfe, Subiago et Cassin, il nous aurait coùté une somme très-considé« rable, tant pour le séjour que nous serons obligés « de faire en ces lieux que pour le temps des labeurs " qui occupe tous les chevaux. Ne soyez pas surpris, «mon Révérend Père, de ce mot temps de labeurs. Les << Italiens sont dans un pays très-gras, mais ils n'en «< cultivent en bien des endroits que ce qui est néces«saire pour en tirer leur subsistance. Il s'en faut donc << bien qu'ils emploient toute l'année à labourer et cul<< tiver la terre, comme nous faisons en France; ils ne « se donnent pas ordinairement tant de peine. Ils se gardent bien aussi de travailler, comme ces premiers vignerons du père de famille, dès la pointe du jour « jusques au soir. S'ils commencent matin, ils interrompent pour bien quatre heures de repas et de méridienne, et s'ils reprennent le travail après avoir dormi, ce n'est pas pour le continuer jusqu'à la nuit ; « il leur reste toujours du temps pour jouer à la boule ❝ ou de la guitare. Que ce mot ne vous fasse pas rire. น ་ 1 Correspondance des Bénédictins, Bibl. nat., fonds français, 17679, fo 166. DÉPART POUR NAPLES. 425 « Vous verriez peu de paysans et de valets de paysans << aller aux champs, ou au pacage, ou à la charrue, << sans porter une guitare, dont ils jouent en allant, en << revenant, et quelquefois en travaillant ou, du moins, « au milieu du travail, ils font des pauses pour se « divertir par ce jeu. Le temps du voyage que nous << entreprenons doit être d'environ un mois. Rien ne « vous obligera à discontinuer de nous donner de vos nouvelles, parce qu'à deux ou trois jours près, nous << les recevrons à Naples ou au mont Cassin, comme « ici à la strada Gregoriana. Si nous ne vous écrivons pas toties quoties, ce ne sera que pour le faire plus amplement, quand nous mouillerons l'ancre... » " FIN DU TOME PREMIER. AVANT-PROPOS. TABLE DES MATIÈRES CHAPITRE PREMIER Mabillon, Jeunesse et éducation. - Profession religieuse. — Séjours - - Appelé à Paris par dom Luc d'Achery. - L'abbaye de Saint-Germain des Prés en 1664. L'abbé commen- - - - - Luc d'Achery et Michel - LA SOCIÉTÉ DE L'ABBAYE. 1681 La société de l'abbaye. Les hôtes et les habitués. La société des - savants séparée de celle des gens de lettres. - Les grandes œuvres. — Apparition |