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« ficence romaine doivent être mis hors de compte. Je « n'entends pas seulement par là les marbres, les pierres, les inscriptions : les découvertes des manu«scrits anciens sont des choses auxquelles on nous oblige sévèrement de garder la grâce de la nouveauté jusqu'après notre retour...

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Quand vous verrez M. Faure (je vous prie que ce « soit quelquefois), sachez de lui s'il désire que je lui « écrive en particulier, et de quel goût il reçoit celles que je lui écris. Faites-lui bien votre cour et la «< mienne. Nous ne serons pas les seuls. Témoignez à « M. du Cange que tout ira bien ici, et mieux que nous << ne le manderons, de peur que nos découvertes ne soient communiquées à d'autres aussi affamés que

« nous. »

Mabillon, comme toujours, est plus calme; il travaille silencieusement, sans se préoccuper de rieň autre chose que de sa tâche, et n'a nulle peine à garder le silence sur le résultat de ses recherches; il écrit, sans avoir l'air le moins du monde pressé, à un de ses confrères de Saint-Germain :

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« Si l'exercice peut contribuer à nous maintenir en « ce bon état, je crois que nous ne manquerons pas « ici de santé. Nous recevons ici plus d'honnêteté que

<< nous aurions osé espérer, et dans la conjoncture des

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« choses, on ne peut guère trouver plus d'ouverture.

1 Correspondance de Mabillon, Bibl. nat., fonds français, 19659,

LETTRES DE MABILLON.

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« On ne doute pas de la part de qui nous sommes ve« nus, et on agit néanmoins comme si on ne se défiait

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pas. Nous tâchons en effet de ne donner point d'om

brages, et en agissant simplement, on fait plus que << si on usait de machines..... J'espère que nous verrons « ce qu'il y a ici de meilleur. Nous avons déjà de bonnes « provisions. Nous avons surtout besoin de prières. »

Mais ni le travail ni l'enthousiasme, en face de tant de belles choses, ne faisaient oublier à Mabillon les amis de Paris, surtout Thierry Ruinart', dont il savait la tristesse durant le voyage de celui qu'il aimait à appeler son père : « Vous ne sauriez croire la consolation que « j'ai eue, des petites nouvelles que vous m'avez man« dées de nos amis. Il y avait longtemps que je n'en « avais reçu. Je n'ai pas manqué, dans tous les lieux « où cela se pouvait, de vous en faire savoir des nôtres. « Nous vous dirons des nouvelles du manuscrit de « Josèphe, gardé dans la bibliothèque Ambrosienne. « Vous en aurez les variantes lectiones. Il n'a pas plus « d'onze cents ans.

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« Je ne crois rien du prétendu autographe de saint Thomas; cela se peut néanmoins, et nous l'avons vu. "Les Bibles en hébreu n'ont pas plus de quatre ou

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« Nous dinâmes dimanche dernier chez M. l'abbé Gabrielli, et nous bûmes à la santé de M. Baluze.

1 Correspondance de Mabillon, Bibl. nat., fonds français, 19659,

« Je vous prie de lui dire, et de lui ajouter que nous

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parlâmes fort de lui hier, chez M. le cardinal de « Casanate.

« Ne manquez pas, s'il vous plaît, de l'assurer de << mes respects, comme aussi M. l'abbé Gallois.

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« J'aurai soin du livre qu'il me demande; j'espère qu'ils m'excuseront, si je ne leur écris pas.

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Quand vous irez à la Bibliothèque du Roi, obligez<< moi de présenter mes respects à M. Thévenot, auquel « j'écrirai une autre fois, lorsque nous aurons vu la << bibliothèque du Vatican en particulier, que nous « n'avons encore vue qu'en général. Nous avons exa« miné celle de la reine de Suède. »

Les lettres de Mabillon à son disciple, nous ne voyons pas d'autre mot pour désigner cette aimable et touchante relation, sont charmantes de simplicité et d'affection; on croit voir le bon Bénédictin rentrant bien las de ses courses par la chaleur, mais n'ayant garde d'oublier d'écrire à D. Thierry, et reprenant la plume pour lui donner de ses nouvelles.

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« Rome, ce 2 juillet 1685.

« J'ai reçu deux de vos lettres, par le dernier ordinaire, l'une du 1", et l'autre du 8 juin, qui m'ont donné beaucoup de joie. N'ayez pas de crainte pour « notre santé, je crois que nous avons souffert autant

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1 Correspondance de Mabillon, Bibl. nat., fonds français, 10659,

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LETTRES DE MABILLON.

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de chaleur depuis notre entrée en Italie jusqu'à « notre arrivée à Rome, que nous en souffrirons ici. « On prend son temps, le soir et le matin, pour aller « en ville, et on demeure au logis pendant la chaleur « de la journée.

« Il n'est pas à propos de parler du manuscrit « d'Arone, cet éclat réveillerait le chat qui dort. Le « manuscrit est du commencement du quinzième siècle,

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à ce que je crois, et le nom de Jean Gersen, abbé, y « est sans aucun soupçon d'interpolation, en un endroit; aux autres, on lit Gesen, Gessen, mais cette « différence n'est pas de conséquence. Mais je vous prie, qu'on ne parle point de cela; si on pouvait "s'accommoder de ce manuscrit, ce serait une bonne affaire. On y pense...

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« Nous 'allâmes, mercredi dernier, à la bibliothèque Vaticane, après avoir dit la messe à Saint-Pierre. Il n'y a rien de plus grand que cet édifice de l'église, << du palais et de la bibliothèque. Il y a plus de manu«<scrits que chez le Roi, mais les latins ne valent pas « les nôtres! » Malgré ces lettres si affectueuses, le pauvre abandonné, qui supportait mal sa solitude, craignait toujours d'être oublié; et sa tendresse un peu susceptible, comme celles qui viennent du fond de l'âme, croyait sans cesse avoir à se plaindre. Il confiait ses appréhensions à D. Estiennot, qui ne com

1 Fo 32.

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prend rien à ces délicatesses du cœur, et le malmène avec sa brusquerie accoutumée : « J'ai donné au R. P. D. « Jean Mabillon les lettres que vous lui avez écrites et

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que j'ai reçues. J'ai fait réponse aussi à celles que « vous m'avez fait l'honneur de m'écrire. Je ne sais « pas ce que le P. Mabillon vous mande, mais je suis a fort persuadé qu'il vous chérit, et vous devez l'être. « D. J. Mabillon s'expliquera à vous plus amplement, « à ce que je crois, sur cet article. Dormez en repos, « mais ne faites pas l'oraison de quiétude, comme « certaines gens, qu'on nomme quiétistes, la font. Ce « sont des nouveaux illuminés qui donnent tout à l'esprit et ne veulent rien refuser au corps, rejettent les prières vocales, pénitences, mortifications, etc.

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Il y en a bon nombre en prison, qui auront tout « le loisir d'y faire l'oraison de quiétude, pendant qu'on examine les écrits du docteur Molinos, pour lui « faire ensuite son procès. Nous vous manderons les << suites. Nous sommes tous en paix, en santé et occu

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pés à nos bibliothèques et antiquailles à l'ordinaire. « Nous aurons soin de nos voyageurs, et nous les ren« verrons, Dieu aidant, en santé, contents des gens « de lettres et des bibliothécaires de Rome. » Les autres habitués de l'abbaye n'étaient pas plus oubliés que Thierry Ruinart. Chaque lettre se termine par tout un paragraphe de souvenirs pour chacun en particu

1 Lettres de D. Estiennot, Bibl. nat., fonds français, 19644, fo 50.

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