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Peut-être trouvera-t-il aussi que pour faire avancer la science, retrouver et remettre dans leur vrai jour les vieux documents qui ont comme rajeuni notre histoire, il n'était nullement besoin de secouer le joug de la foi de ses pères, pas plus que de bouleverser l'ordre social. A la vue d'une vie aussi simple, aussi pieuse, mais aussi active et féconde pour la science le fut celle de Mabillon, la pensée ne

que

vient-elle pas que la science ni ceux qui la cultivent

ne gagnent guère à sortir des retraites paisibles, des sommets élevés où ils s'honoraient autrefois de demeurer, pour descendre dans les arènes tumultueuses des agitations passagères, comme nous ne le voyons que trop souvent aujourd'hui? Avec l'illustre Bénédictin et ses amis, nous verrons plus clairement quels appuis précieux les fortes convictions religieuses et les longs loisirs assurés par un gouvernement régulier procurent à ceux qui se plaisent aux profondes études. Je ne sais, mais il me semble que plus d'un, parmi les savants érudits de nos jours, doit, au fond de l'âme, regretter ces paisibles cloîtres de Saint-Germain des Prés, où la société de l'abbaye se promenait en écoutant l'humble moine, et discutait avec lui sur les vestiges des anciens âges, sans perdre de vue cette antique église, déjà

AVANT-PROPOS.

ΧΙ

antique alors, seul débris qui subsiste encore aujourd'hui, et qui leur parlait à la fois, et d'un passé dont ils cherchaient les traces, et d'un avenir qui ne passera pas.

MABILLON

ET

LA SOCIÉTÉ DE L'ABBAYE

DE SAINT-GERMAIN DES PRÉS

CHAPITRE PREMIER

MABILLON A L'ABBAYE DE SAINT-GERMAIN DES PRÉS.

Mabillon.

1664

Jeunesse et éducation. — Profession religieuse. — Séjours en divers monastères. Appelé à Paris par dom Luc d'Achery. · L'abbaye de Saint-Germain des Prés en 1664. L'abbé commen

dataire.

Les confrères de Mabillon. Luc d'Achery et Michel Germain. Les Bénédictins de Saint-Maur à cette époque. Leurs travaux; leur situation dans le monde savant. Mabillon commence sa carrière littéraire. L'édition de saint Bernard.

-

Les principes de critique historique. - Polémique à ce sujet. — Mabillon est chargé de la publication des Actes des saints de l'Ordre de Saint-Benoît. Il prend place parmi les érudits les plus renommés.

Vers la fin de 1664, on eût pu voir, se dirigeant du côté de l'imposante abbaye de Saint-Germain des Prés, un jeune religieux couvert de la robe noire des Bénédictins; sur sa figure douce et bienveillante se lisaient déjà les traces de la souffrance et du travail.

Portant sur son dos, comme la règle le voulait, le sac qui contenait son mince bagage, le moine s'avançait avec la démarche tranquille et grave qui convenait à son état. Il traverse le quartier alors désert et peu habité qui environnait l'immense enclos occupé par l'abbaye, dont les divers bâtiments entouraient irrégulièrement l'église principale, seule aujourd'hui encore debout et à sa place. Le cœur cependant devait battre un peu au jeune Mabillon, arrivant ainsi, inconnu encore et étranger, dans une des plus célèbres maisons de son Ordre, qui était en même temps l'un des centres les plus actifs des études relatives à l'antiquité chrétienne. Quelle émotion ne devait-il pas éprouver, en pénétrant ainsi dans le lieu où il allait trouver tant de ressources pour satisfaire le goût passionné de la science du passé, qui le dévorait en secret! Quelle joie de pouvoir y consacrer ses jours à des travaux pour lesquels il se sentait fait, tout en s'adonnant sous les maîtres les plus autorisés à ces austères pratiques de piété, qu'il était venu apprendre dans le cloître! Quelles résolutions intérieures de tout faire pour être fidèle à sa vocation et rendre gloire à Dieu, par le plus opiniâtre labeur! Telles étaient, sans doute, les pensées qui venaient en foule à l'esprit du jeune religieux, pendant que, soulevant le lourd marteau de la porte du couvent, il attendait qu'on lui ouvrit l'entrée du lieu où allait désormais s'écouler son existence. Laissons-le s'engager, à la suite du Frère qui va

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