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mens observés, et lient à des probabilités très-voisines de l'unité les nombreuses répétitions du même événement, ensorte que la croyance au retour de cet évé→ nement est commandée par le calcul comme par l'habitude, mais alors sur des motifs de valeurs comparables.

41. En insistant, comme je viens de le faire, sur les notions précédentes de la probabilité, Condorcet crut devoir rappeler qu'il n'y a pourtant « aucun rapport di» rect et nécessaire entre la probabilité d'un événement » et sa réalité » (voy. p. x du Discours cité p. 55); et pour le prouver il observe que quoique le sort eût déjà prononcé sur un événement, il ne sortirait pas du domaine de la probabilité à l'égard de toute personne qui ne connaîtrait que la condition du jeu qui l'a produit, et qui serait restée dans l'ignorance du fait arrivé. Si, par exemple, d'une urne contenant 10000 billets blancs et I noir, on extrait un billet, et qu'après en avoir reconnu la couleur, on le replie pour le montrer à quelqu'un qui n'était pas présent au tirage, cette personne ne pourrait affirmer autre chose sur ce billet, sinon qu'il y a une probabilité qu'il est blanc, et seulement une probabilité

A

10000

10001

qu'il est noir; néanmoins l'un de ces deux événemens est certain pour les personnes qui ont déployé le billet en le sortant de l'urne: ainsi un événement certain pour ces personnes, peut n'avoir qu'une très-petite probabilité pour la première. L'ignorance du fait introduit ici la probabilité à la place de la certitude, et laissant l'esprit dans le même état où il se trouvait avant la décision du sort, le jugement ne saurait être porté que sur la connaissance des conditions de l'urne. Mais ce que Condorcet n'a point fait remarquer, c'est que', soit qu'on fasse prononcer ce jugement avant ou après les tirages, s'ils sont exécutés avec fidélité, la personne qui ne les aura pas vus, aura toujours la

même probabilité de ne pas se tromper sur un nombre donné de jugemens, dans un nombre donné de tirages; ensorte que la liaison de la probabilité avec la répétition des événemens, conserve toute sa force dans ce cas comme dans les autres; et c'est vraiment sur cette liaison que reposent toutes les applications légitimes du calcul des probabilités.

42. Avant de terminer ces remarques, je rappellerai que lorsque les diverses chances d'un jeu sont rigoureusement d'une égale possibilité, tant par la construction des instrumens aléatoires que par la manière de s'en servir, les événemens passés ne sauraient avoir aucune influence sur les événemens futurs. Si cependant, d'après des épreuves réitérées on aperçoit une fréquence marquée dans l'apparition de certaines chances, il y a lieu de penser que la constitution de l'instrument, ou l'habitude de celui qui l'emploie, détermine cette fréquence; mais la recherche de sa probabilité rentre dans celle des probabilités à posteriori.

Lorsqu'on a lieu de soupçonner d'avance quelqu'inégalité de ce genre, il est tout naturel d'attendre plutôt la répétition de l'événement qui s'est offert le premier, puisqu'on doit croire plutôt à l'arrivée du plus probable qu'à celle de l'autre ; il n'est pas plus difficile d'apercevoir que toute inégalité entre les probabilités doit favoriser les répétitions du même; ce n'est là qu'une conséquence de la proposition de Bernoulli, que le bon sens indique suffisamment; mais l'appréciation de l'effet de cette inégalité se fait d'une manière très-simple, ainsi qu'il suit.

4

Soit e la probabilité exacte qu'aurait un événement A, d'après les conditions du jeu qui le produit, et e' la différence en plus ou en moins entre cette probabilité et celle qui a lieu réellement; la probabilité d'amener n fois cet

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événement étant e", deviendra (e + e')", si l'erreur est par excès, et (e-e')" si c'est par défaut : mais si l'on sait seulement que l'inégalité existe, sans savoir dans quel sens elle se trouve, et qu'on regarde comme également probable qu'elle soit additive ou soustractive, on aura pour la répétition de l'événement A dans la première hypothèse (ee)", dans la seconde (ee)", et pour la probabilité totale

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développement dont tous les termes sont additifs; ainsi cette probabilité surpasse la probabilité primitive e". On trouverait un semblable résultat pour la probabilité de la répétition de l'événement contraire, exprimée alors par le développement de (f-e')" + ÷ (ƒ+e')". 14

L'augmentation qui a lieu dans ce cas pour l'une et pour l'autre de ces probabilités est prise sur celles des événemens composés du mélange des deux événemens contradictoires: cela peut se voir aisément. Dans le cas de deux épreuves, par exemple, la probabilité 2ef d'amener la combinaison AB se change en

1

— . 2(e+e') ( ƒ—e')+'"'. 2(e—t')(ƒ+e')=2ef— 2e' ́1(*).

2

Questions pour servir d'exemples de la détermination à priori des probabilités.

43. Montmort dans son Analyse des Jeux de hasard, et ensuite Moivre dans sa Doctrine of Chances (**), ont

(*) Ces dernières remarques sont tirées de la Théorie analytique des Probabilités, par M. Laplace, p. 185-186.

(**) Le premier de ces ouvrages a eu deux éditions, la dernière est de 1713; le second ouvrage, écrit en anglais, a eu trois éditions dont la dernière est de 1756.

résolu un grand nombre de problèmes sur les jeux de hasard; mais il n'entre point dans le plan que je me suis tracé, de m'arrêter beaucoup sur ce genre de questions, parce que la plupart exigeraient d'assez grands détails pour faire connaître les conditions des jeux qu'elles concernent, et que d'ailleurs une partie de ces jeux est passée de mode, ou inconnue à presque toutes les personnes qui consacrent leur tems à l'étude. Les exemples que je crois nécessaire d'offrir à mes lecteurs, seront donc des problèmes tenant à des combinaisons simples ou susceptibles d'être énoncés en termes généraux, et choisis pour donner une idée des divers procédés de calcul employés dans cette branche des mathématiques.

Soit proposé d'abord de déterminer la probabilité qu'en prenant au hasard dans un tas composé de m pièces, on en ôtera un nombre pair ou un nombre impair? Cette question peut être donnée en exemple de la nécessité de se défier d'un premier aperçu. Ne serait-il pas naturel en effet de penser que sa solution ne dépend que de la quantité de nombres pairs et de nombres impairs compris entre et m inclusivement. Si m était 5, par exemple, comme il y aurait 3 nombres impairs 1, 3, 5, et seulement 2 nombres pairs 2, 4, on dirait que les probabilités sont pour les premiers et pour les seconds; et si m était égal à 4, comme on aurait alors 2 nombres impairs et autant de pairs, les deux probabilités seraient égales à ou.

Il n'en est pourtant pas ainsi; car en considérant la chose avec attention, on voit que c'est suivant les diverses manières dont elles peuvent se combiner les unes avec les autres, que les pièces d'un tas viennent sous la main, et non pas d'après les diverses manières de partager en deux parties le nombre des pièces de ce tas." Pour le montrer nous désignerons ces pièces par les lettres

a, b, c, d, elles pourront se combiner en nombre impair, soit 1 à 1 ou 3 à 3, ce qui fournira les 8 combinaisons

a, b, c, d, abc, abd, acd, bcd,

et en nombre pair, soit 2 à 2 ou les 4 ensemble, ce qui fournira les 7 combinaisons

ab, ac, ad, bc, bd, cd, abcd.

Chacune de ces combinaisons pouvant tomber également sous la main, il en résulte que la probabilité pour prendre un nombre impair de pièces est et seulement pour un nombre pair.

Maintenant si on se rappelle que les coefficiens des termes du développement de (x+a)", à partir du second terme, donnent le nombre des combinaisons de m choses prises 1 à 1, 2 à 2, 3 à 3, etc., on aura

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pour la totalité des combinaisons en nombre impair, et

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pour celle des combinaisons en nombre pair. Après avoir ajouté ces deux expressions, il sera facile de reconnaître dans leur somme, tous les termes du développement de (1+1)" à l'exception du premier; d'où il résulte que

I+P(1+1)" — 1 = 2′′ — 1.

En retranchant la première de la seconde, on aura

P-1=(1-1)"-1=-1,

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