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si le témoin n'est pas susceptible de se tromper, et qui diminue à mesure que n augmente.

Peut-être dans cette question pourrait-on avoir quelque doute sur la nécessité de faire entrer dans le calcul la probabilité du choix que le témoin fait d'un numéro autre que celui qu'il sait ou qu'il croit être sorti; et comment d'ailleurs déterminer séparément les probabilités r et p? Il est donc difficile de croire que la formule ci-dessus serve autrement que comme un exemple des considérations ingénieuses que peut fournir le sujet qui nous occupe. Je rapporterai encore, dans cette vue, la question suivante tirée du même ouvrage.

138. Soient deux urnes A et B, la première contenant n boules blanches, et la seconde n boules. noires; on a tiré de l'une de ces urnes, on ignore. de laquelle, une boule qui a été mise dans l'autre, et ensuite on a tiré une boule de cette dernière. Deux témoins, dont l'un n'a vu que le premier tirage, et l'autre que le second, affirment qu'il en est sorti une boule blanche; quelle est la probabilité de ce fait? La difficulté se trouve ici dans l'ensemble des deux témoignages; car chacun en particulier n'affirme qu'une chose très-possible, puisque l'une des deux urnes ne renfermant que des boules blanches, si l'on ne considère qu'un seul tirage, la probabilité que la boule a été prise dans cette urne est . Mais si l'on suppose que le premier tirage ait eu lieu dans l'urne A, le deuxième ayant nécessairement lieu dans l'urne B, qui ne contient de boule blanche que celle qui est sortie de l'urne A, la seconde apparition de cette boule devient d'autant moins probable que le nombre des boules noires est plus grand; et ce cas est le seul dans lequel les témoignages puissent être vrais tous deux.

Soient donc q et q' les probabilités de la véracité

de chaque témoin en particulier, et évaluons celle des diverses hypothèses que le sujet présente. 1°. C'est l'urne A qui a fourni le premier tirage: étant la probabilité de ce fait, q celle que le témoin dit vrai,

la probabilité de la déposition est ; mais l'urne B

; 2

lorsqu'on y fait le second tirage, contenant n+1 boules, dont une blanche, la probabilité du fait attesté par le second témoin est

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et

2(n+1)

1

n+1

; celle qu'il dit la vérité étant

exprime la probabilité de sa déposition,

celle de la vérité de leur accord.

2o. Si le 2o témoin ment, la boule sortie de l'urne B était noire; alors la probabilité n de cette sor

n+i

tie, combinée avec (1-q), probabilité du mensonge du 2 témoin, donnera pour la fausseté de sa dépo¬ (1 − q)n et pour la vérité de l'hypothèse, 72 + 1

sition,

q(1 — q′)n

2(n+1)

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3°. Si le 1er témoin ment, la première boule était noire et sortait nécessairement de l'urne B; la probabilité de cette partie de l'hypothèse est (1-q). Alors le second tirage s'étant fait dans l'urne A, qui renfermait n boules blanches et 1 seule noire, la probabilité 72 celle de

de la sortie d'une boule blanche sera

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, et celle de l'hy

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(1 − q) qʻn

2 (n+1)

4°. Si le 2 témoin ment aussi, la boule sortie de l'urne A au 2 tirage était noire, la probabilité de cette

sortie étant alors, celle de la probabilité de

cette partie de l'hypothèse sera

1 - qʻ

n+

et celle de toute

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La probabilité relative de la première hypothèse, la seule qui rende les deux témoignages vrais, sera donc

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qqq (1−q) n + (1 − q) q' n + (1 − q) (1 — q′)

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et diminuera à mesure que n augmentera. Si l'on fait

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81

on obtiendra la très-petite fraction 18 000 082

139. La discussion des témoignages touchant à des matières sur lesquelles on avait pris d'avance un parti, il est arrivé que plusieurs auteurs ont arrangé le calcul pour le résultat qu'ils voulaient, ou qu'ils avaient besoin de trouver. Ce n'est qu'ainsi, du moins, qu'on peut expliquer la théorie des témoignages simultanés, publiée sans nom d'auteur, dans le n° 256 des Transactions Philosophiques (p. 359, année 1699), le plus ancien écrit que je connaisse sur ce sujet, et qui a été adoptée par Bicquilley, dans son traité Du Calcul des Probabilités (en 1783), Effrayé sans doute pour le but qu'il voulait atteindre, de la rapidité avec laquelle diminue la probabilité de ces témoignages lorsque l'on combine entr'elles, comme on le doit, les chances de chaque témoignage, et que sa probabilité propre est au-dessous.

de (151), l'auteur anglais avance que lorsqu'un premier témoin a déposé d'un fait, sa confirmation par un second témoin détruit toujours une partie de l'incertitude qu'a laissée le premier, et diminue en conséquence la probabilité contraire, d'une partie proportionnelle à la probabilité de la seconde déposition. Par exemple, si exprime la probabilité du premier témoignage, celle du second, celui-ci ajoutera à la première. }, et l'on aura en conséquence, pour l'ensemble des deux témoignages, la probabilité

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tandis que suivant les formules du n° 130, elle ne serait que.

En raisonnant de même sur un nombre quelconque de témoignages où les probabilités de l'erreur seraient n, n', n", etc., on trouvera pour celle de la vérité

1 − n + n (1 — n′) =

= 1 nn', par 2 témoignages, n")=1-nn'n", par 3,

1 - nn' + nn' (1 — n′′) = 1

-

etc.

expressions dont les valeurs forment une suite croissante quelles que soient les probabilités n, n', etc., et desquelles il résulte par conséquent, que la probabilité d'un fait croît toujours avec le nombre des témoins oculaires. Cette conclusion peut être commode dans certains cas, mais elle suffit aussi pour montrer la fausseté de l'hypothèse; car il ne faut qu'un peu réfléchir pour se convaincre de la difficulté et presque de l'impossibilité où sont des spectateurs ignorans et nombreux, de ne pas se tromper sur l'apparence des faits extraordinaires.

Lorsque les faiseurs de tours opèrent adroitement, et qu'on fait abstraction de la défiance que doivent inspirer à des esprits éclairés les apparences contraires à l'expé

rience de tous les jours, aucun des spectateurs a-t-il pour ne pas croire à la réalité des prodiges qu'on lui présente, d'autre motif que le but et la forme du spectacle? qu'au lieu des circonstances qui avertissent de l'illusion, un sérieux solennel accompagne ces prétendus prodiges; qu'ils soient attribués à un pouvoir surnaturel; qu'ils tendent à exciter l'enthousiasme, à caresser le goût que le vulgaire a pour ce qui sort des voies ordinaires de la nature, ou pour trancher les difficultés devant lesquelles la raison est forcée de s'arrêter : il est bien certain que plus les témoins seront nombreux, plus la probabilité de l'erreur augmentera. Hume l'a bien prouvé, les prodiges sont très-difficiles, pour ne pas dire impossibles à constater (*). Ce n'est pas que les phénomènes les plus répétés dans la nature, vus une première fois, ne puissent passer pour des prodiges, et qu'il soit conforme à la saine raison de faire des bornes de notre expérience la limite du possible; mais aussi n'est-ce pas la première apparition de ces phénomènes qui en constate l'existence. Long-tems on a nié, et avec raison eu égard au caractère des relations, au but des narrateurs, la chute des pierres tombées du ciel. Cet exemple très-récent de la manière dont un fait extraordinaire finit par prendre place au nombre des réalités, prouve bien que c'est par des observations successives, particulières, et par des discussions désintéressées que la vérité s'établit. Si, lorsque le géomètre Fatio de Duillier, égaré par un enthousiasme fanatique, entreprit publiquement à Londres de ressusciter un mort (en 1707), il eût été de mauvaise foi, qu'il eût pris ses mesures en conséquence de son but, et qu'il eût étémoins surveillé par la police du gouvernement, à coup sûr il n'aurait pas manqué son prodige. La liqué

(*) Essais philosophiques, sur les Miracles.

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