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souvent fautif dans les actes de décès; les personnes qui l'indiquent, ou le savent mal, ou ne donnent que le nombre rond le plus approchant; aussi on trouve souvent 60 ans où il aurait fallu 59 ou 58, et de là résultent dans le premier de ces âges plus de décès en apparence qu'il n'y en a eu réellement. Cette inexactitude est aisée à remarquer, par la marche trop inégale des nombres, qui doivent se succéder dans la Table; et il faut tâcher de les corriger de la manière la plus vraisemblable, en régularisant les différences; c'est ce qu'a fait Saint-Cyran, pour les Tables de Dupré de Saint-Maur (*).

Le concours de circonstances nécessaire pour pouvoir suivre les individus un à un, n'a jusqu'à présent eu lieu que par rapport à quelques classes dont l'ordre de mortalité est très-différent de celui de l'universalité des hommes: telle était la classe des rentiers viagers de Hollande, dont Kerseboom a dressé la Table de mortalité, celle des rentiers viagers de France, connus sous la dénomination de tontiniers, et celle des religieux de l'ordre des Bénédictins, dont les Tables sont l'ouvrage de Deparcieux, etc. L'intérêt du gouvernement, l'ordre établi dans une congrégation d'hommes studieux, donnaient aux registres de ces classes une exactitude et une clarté qui en facilitaient beaucoup le dépouillement; mais aussi les résultats devaient être fort éloignés de ceux de la vie ordinaire. Ce n'est que sur des enfans paraissant bien constitués, et en général sur des adultes bien portans, que l'on place en rente viagère. Ceux qui jouissent d'un pareil revenu tiennent pour la plupart une conduite uniforme et modérée, qui doit prolonger

(*) Voyez ses Recherches sur les Rentes viagères. 2o part., p. 23.

leur existence; beaucoup sont célibataires : les religieux l'étaient tous et n'entraient dans leur profession qu'après être échappés aux dangers de l'enfance et de l'adolescence. Des Tables calculées sur de pareils individus ne sauraient donc servir que pour ceux qui sont placés dans les mêmes circonstances; c'est ce qu'on verra lorsque j'exposerai la théorie des rentes viagères. Les questions dont je vais d'abord m'occuper sont seulement relatives à la vie, considérée en elle-même, et à la population, en supposant que les événemens futurs se succèdent comme les événemens passés, ce qui est permis, puisqu'on regarde le nombre de ceux-ci comme très-grand par rapport à celui des autres.

103. La plus simple de ces questions est la recherche des probabilités de la prolongation de la vie à chaque âge. Par exemple, la probabilité de vivre encore 10 ans, lorsqu'on est parvenu à l'âge de 40, s'obtient en divisant par le nombre des personnes de cet âge, le nombre des personnes de 50. La Table de la Loi de la mortalité en France, insérée dans l'Annuaire du Bureau des Longitudes; donnant pour l'un de ces nombres 369 404, et pour l'autre 297 070, il en résulte 297 =0,805 environ; la Table dressée sur les registres 369

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431

des campagnes, en Suisse, par Muret, 506

probabilité plus forte que les précédentes.

= 0,852,

104. On cherche encore quelle est la durée de la vie probable, à un âge donné; on entend par cette durée le nombre d'années après lequel la probabilité d'exister et celle de ne pas exister sont les mêmes, et par conséquent égales à. Il est évident que cela a lieu lorsque le nombre des personnes de l'âge dont on part est réduit à la moitié de ce qu'il était. Si l'on cherche ce terme, à compter de la naissance, on trouvera par les Tables de Dupré de Saint-Maur, qu'à Paris il tombe entre 8 et 9 ans; à Londres, un peu avant 3 ans ; à Vienne, un peu avant 2; un peu après, à Berlin; mais que ce terme est bien plus éloigné dans les campagnes. La Table de l'Annuaire, moyenne pour toute la France, le place entre 20 et 21 ans ; celle d'Angleterre, entre 27 et 28 ans ; celle du Brandebourg, entre 25 et 26; celle de Suisse à 41 ans, Cette prodigieuse différence entre les campagnes et la ville, ne saurait être attribuée qu'aux suites de l'extrême misère, à la malpropreté, au resserrement des demeures et à l'insalubrité qui en est la conséquence, dans les capitales. A Montpellier, ville dont la population est d'environ 32000 individus, et dont on regarde le séjour comme très-sain, le terme dont il s'agit n'est cependant placé que vers 6 ans.

,

L'âge de 40 ans étant assez ordinairement celui où l'état d'un homme est fait, où il commence à jouir du fruit de ses premiers travaux, on peut être curieux de connaître la vie probable qui s'y rapporte. Les Tables citées précédemment donnent, à Paris, plus de 21 ans; en France, terme moyen, 23 ans; à Londres, 18; à Vienne, plus de 19; à Berlin, de même; en Suisse, près de 25.

La plupart de ces Tables ne s'étendent guère au-delà de go ans, que l'on doit regarder comme l'extrême

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vieillesse, puisqu'il est très-rare, non-seulement de passer cet âge, mais de l'atteindre. Le rapport du nombre d'individus de cet âge, à celui des naissances, sera la mesure de la longévité, dans le lieu pour lequel la Table a été construite. La Table de l'Annuaire

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0,0050; cette dernière probabilité, plus forte que les autres, est encore surpassée par celle qu'offre la Table calculée par Gorsuch, sur les registres de quelques paroisses de campagne, en Angleterre, et qui est de 0,0070.

On ne doit pas encore trop compter sur ces résultats, parce que le nombre des observations qui se rapportent aux derniers âges est très-petit. Les Tables de Kerseboom, dressées sur les décès des rentiers viagers de Hollande, et celles que Deparcieux a déduites des registres des tontines de France, quoique se rapportant à des classes d'individus choisis, ne s'étendent pas jusqu'à 100 ans ; la première donne, pour l'âge de go ans,

10

1400

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0,001; la seconde, 0,0110 pour parvenir, de

l'âge de 3 ans, à celui de go.

Price dit que la probabilité de parvenir à 80 ans est

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Breslaw, à Berlin, 37

1

1

à Londres, à Vienne (*).

40

41

105. Dans les Tables dont je viens de faire usage,

(*) Tom. Ier des Mémoires présentés à l'Institut, etc., pag. 75.

les sexes sont confondus; cependant l'ordre de mortalité n'est pas le même pour tous deux; il varie encore suivant les professions et d'autres circonstances dont on constaterait l'effet en séparant les décès en classes relatives à chacune de ces circonstances. C'est ce que l'on a commencé de faire, depuis qu'on a reconnu l'utilité de ce genre d'observations; mais les données manquent très-souvent sur les actes de décès; et quand on les y trouve, le travail du classement devient trop considérable, lorsqu'il faut le recommencer sous divers points de vue. On l'abrégerait beaucoup, si on faisait les relevés dans la forme ingénieuse imaginée par Condorcet, pour enregistrer des faits ou désigner des objets par une combinaison de caractères qui en indiquent les principales propriétés (*).

Quand on ne veut que saisir la marche des résultats, il est commode de substituer aux Tables des figures où les nombres soient représentés par des lignes ou des espaces; ces signes naturels de la grandeur, la rendant sensible à l'œil, en peignent immédiatement les variations telle est la propriété des courbes de mortalité. C'est ainsi qu'on nomme celles qui se construisent en élevant sur une ligne divisée en autant de parties égales qu'il y a d'années dans la plus longue vie, des perpendiculaires proportionnelles aux nombres d'individus existans à chaque âge.

106. Comme toute courbe continue peut être représentée par une équation, quelques géomètres ont cher

(*) Voyez ses Elémens du Calcul des Probabilités, pag. 31. Si cette forme, dans l'explication de laquelle il n'a peut-être pas mis assez de clarté, eût été bien saisie et appliquée par quelque naturaliste, je ne doute pas qu'elle n'eût été bientôt adoptée, et qu'il n'en fût résulté beaucoup d'avantages, sans compter celui de l'extrême brièveté. C'est une espèce de dictionnaire où l'on peut trouver les mots par un assez grand nombre de clefs.

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