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On voit d'abord sortir de ce mystère la doctrine du péché originel, qui explique l'homme. Sans l'admission de cette vérité, connue par tradition de tous les peuples, une nuit impénétrable nous couvre. Comment, sans la tache primitive, rendre compte du penchant vicieux de notre nature, combattu par une voix qui nous annonce que nous fumes formés pour la vertu? Comment l'aptitude de l'homme à la douleur, comment ses sueurs qui fécondent un sillon terrible, comment les larmes, les chagrins, les malheurs du juste, comment les triomphes et les succès impunis du méchant, comment, dis-je, sans une chute première, tout cela pourroit-il s'expliquer? C'est pour avoir méconnu cette dégénération que les philosophes de l'antiquité tombèrent en d'étranges erreurs, et qu'ils inventèrent le dogme de la réminiscence. Pour nous convaincre de la fatale vérité d'où naît le mystère qui nous rachète, nous n'avons pas besoin d'autres preuves que la malédiction prononcée contre Eve, malédiction qui s'accomplit chaque jour sous nos yeux. Que de choses dans ces brisements d'entrailles, et pourtant dans ce bonheur de la maternité! Quelles mystérieuses annonces de l'homme et de sa double destinée, prédite à la fois par la douleur et par la joie de la femme qui l'enfante! On ne peut se méprendre sur les voies du Très-Haut, en retrouvant les deux grandes fins de l'homme dans le travail de sa mère, et il faut reconnoître un Dieu jusque dans une malédiction.

Après tout, nous voyons chaque jour le fils puni pour le père; et le contre-coup du crime d'un méchant aller frapper un descendant vertueux: ce qui ne prouve que trop la doctrine du péché originel. Mais un Dieu de bonté et d'indulgence, sachant que nous périssions par cette chute, est venu nous sauver. Ne le demandons point à notre esprit, mais à notre cœur, nous tous foibles et coupables, comment un Dieu peut mourir. Si ce parfait modèle du bon fils, cet exemple des amis fidèles; si cette retraite au mont des Oliviers, ce calice amer, cette sueur de sang, cette douceur d'âme, cette sublimité d'esprit, cette croix, ce voile déchiré, ce rocher fendu, ces ténèbres de la nature; si ce Dieu enfin, expirant pour les hommes, ne peut ni ravir notre cœur ni enflammer nos pen

sées, il est à craindre qu'on ne trouve jamais dans nos ouvrages, comme dans ceux du poëte, « des miracles éclatants, » speciosa miracula.

« Des images ne sont pas des raisons, dirat-on peut-être; nous sommes dans un siècle de lumière qui n'admet rien sans preuves. »

Que nous soyons dans un siècle de lumière. c'est ce dont quelques personnes ont douté; mais nous ne serons point étonné si l'on nous fait l'objection précédente. Quand on a voulu argumenter sérieusement contre le christianisme, les Origène, les Clarke, les Bossuet, ont répondu. Pressé par ces redoutables adversaires, on cherchoit à leur échapper en reprochant au christianisme ces mêmes disputes métaphysiques dans lesquelles on voudroit nous entraîner. On disoit, comme Arius, Celse et Porphyre, que notre religion est un tissu de subtilités qui n'offrent rien à l'imagination ni au cœur, et qui n'ont pour sectaires que des fous et des imbéciles 1. Se présente-t-il quelqu'un qui, répondant à ces derniers reproches, cherche à démontrer que le culte évangélique est celui du poëte, de l'âme tendre, on ne manquera pas de s'écrier: Eh! qu'est-ce que tout cela prouve, sinon que vous savez plus ou moins bien faire un tableau? Ainsi voulezvous peindre et toucher, on vous demande des axiomes et des corollaires. Prétendez-vous raisonner, il ne faut plus que des sentiments et des images. Il est difficile de joindre des ennemis aussi légers, et qui ne sont jamais au poste où ils vous défient. Nous hasarderons quelques mots sur la Redemption, pour montrer que la théologie du christianisme n'est pas aussi absurde qu'on affecte de le penser.

Une tradition universelle nous apprend que l'homme a été créé dans un état plus parfait que celui où il existe à présent, et qu'il y a eu une chute. Cette tradition se fortifie de l'opinion des philosophes de tous temps et de tous pays, qui n'ont jamais pu se rendre compte de l'homme moral sans supposer un état primitif de perfection, d'où la nature humaine est ensuite déchue par sa faute 2.

1 ORIG., C. Cel., I. II, p. 144. Arius appelle les chrétiens detí. ARR. ANTONIN. ap. TERTUL. at scap., cap. IV, lib. in Joh. Malala Chronic. Porphyre donne à la religion l'épithète de CapExpor τópnuя. PоRPн. ap. Eus., Hist. Eccl., VI, C. IX. 2 Vid. PLAT., ARIST., SEN., les SS. PP., PASCAL, GROT., ARN., etc.

Si l'homme a été créé, il a été créé pour une et fin quelconque : or, étant créé parfait, la fin à laquelle il étoit appelé ne pouvoit être que reparfaite.

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Mais la cause finale de l'homme a-t-elle été altérée par sa chute? Non, puisque l'homme n'a r pas été créé de nouveau; non, puisque la race humaine n'a pas été anéantie, pour faire place à une autre race.

Ainsi l'homme, devenu mortel et imparfait par sa désobéissance, est resté toutefois avec les fins immortelles et parfaites. Comment pare viendra-t-il à ses fins dans son état actuel d'imperfection? Il ne le peut plus par sa propre énergie, par la même raison qu'un homme malade ne peut s'élever à la hauteur des pensées à laquelle un homme sain peut atteindre. Il y da donc disproportion entre la force et le poids à soulever par cette force ici l'on entrevoit déjà la nécessité d'une aide ou d'une rédemption.

Ce raisonnement, dira-t-on, seroit bon pour le premier homme; mais nous, nous sommes capables de nos fins. Quelle injustice et quelle absurdité de penser que nous soyons lous punis de la faute de notre premier père! » Sans décider ici si Dieu a tort ou raison de enous rendre solidaires, tout ce que nous savons et tout ce qu'il nous suffit de savoir à présent, c'est que cette loi existe. Nous voyons que partout le fils innocent porte le châtiment dû au père coupable; que cette loi est tellement liée au principe des choses, qu'elle se répète jusque dans l'ordre physique de l'univers. Quand un enfant vient à la vie gangrené des débauches de son père, pourquoi ne se plaint-on pas dè la nature? car enfin, qu'a fait cet innocent pour porter la peine des vices d'autrui? Hé bien, les maladies de l'âme se perpétuent comme les maladies du corps, et l'homme se trouve puni, dans sa dernière postérité, de la faute qui lui fit prendre le premier levain du crime.

La chute ainsi avérée par la tradition universelle, par la transmission ou la génération du mal moral et physique; d'une autre part, les fins de l'homme étant restées aussi parfaites qu'avant la désobéissance, quoique l'homme lui-même soit dégénéré, il suit qu'une rédemption ou un moyen quelconque de rendre l'homme capable de ses fins est une conséquence

naturelle de l'état où est tombée la nature humaine.

La nécessité d'une rédemption une fois admise, cherchons l'ordre où nous pourrons la trouver. Cet ordre peut être pris ou dans l'homme ou au-dessus de l'homme.

Dans l'homme. Pour supposer une rédemption, il faut que le prix soit au moins en raison de la chose à racheter. Or, comment supposer que l'homme imparfait et mortel se pût offrir lui-même pour regagner une fin parfaite et immortelle ? Comment l'homme, participant à la faute primitive, auroit-il pu suffire, tant pour la portion du péché qui le regarde, que pour celle qui concerne le reste du genre humain? Un tel dévouement ne demandoit-il pas un amour et une vertu au-dessus de la nature? Il semble que le ciel ait voulu laisser s'écouler quatre mille années, depuis la chute jusqu'au rétablissement, afin de donner le temps aux hommes de juger par eux-mêmes combien leurs vertus dégradées étoient insuffisantes pour un pareil sacrifice.

Il ne reste donc que la seconde supposition: à savoir, que la rédemption devoit procéder d'une condition au-dessus de l'homme. Voyons si elle pouvoit venir des êtres intermédiaires entre lui et Dieu.

Milton eut une belle idée, lorsqu'il supposa qu'après le péché, l'Éternel demanda au ciel consterné s'il y avoit quelque puissance qui voulût se dévouer pour le salut de l'homme. Les divines hiérarchies demeurèrent muettes, et parmi tant de séraphins, de trônes, d'ardeurs, de dominations, d'anges et d'archanges, nul ne se sentit assez de force pour s'offrir au sacrifice. Cette pensée du poëte est d'une rigoureuse vérité en théologie. En effet, où les anges auroient-ils pris pour l'homme l'immense amour que suppose le mystère de la Croix? Nous dirons en outre que la plus sublime des puissances créées n'auroit pas même eu assez de force pour l'accomplir. Aucune substance angélique ne pouvoit, par la foiblesse de son essence, se charger de ces douleurs, qui, selon Massillon, unirent sur la tète de Jésus-Christ toutes les angoisses physiques que la punition de tous les péchés commis depuis le commencement des races pouvoit supposer, et toutes les peines morales, tous les remords qu'avoient da éprouver

les pécheurs en commettant le crime. Si le Fils de l'homme lui-même trouva le calice amer, comment un ange l'eût-il porté à ses lèvres ? Il n'auroit jamais pu boire la lie, et le sacrifice n'eût point été consommé.

Nous ne pouvions donc avoir pour rédempteur qu'une des trois personnes existantes de toute éternité: or, de ces trois divines personnes, on voit que le Fils, par sa nature même, devoit être le seul à nous racheter. Amour qui lie entre elles les parties de l'univers, milieu qui réunit les extrêmes, principe vivifiant de la nature, il pouvoit seul réconcilier Dieu avec l'homme. Il vint, ce nouvel Adam, homme selon la chair par Marie, homme selon la morale par son Évangile, homme selon Dieu par son essence. Il naquit d'une vierge, pour ne point participer à la faute originelle, et pour être une victime sans tache; il reçut le jour dans une étable, au dernier degré des conditions humaines, parce que nous étions tombés par l'orgueil : ici commence la profondeur du mystère; l'homme se trouble et les voiles s'abaissent.

Ainsi le but que nous pouvions atteindre avant la désobéissance nous est proposé de nouveau, mais la route pour y parvenir n'est plus la même. Adam innocent y seroit arrivé par des chemins enchantés; Adam pécheur n'y peut monter qu'au travers des précipices. La nature a changé depuis la faute de notre premier père, et la Rédemption n'a pas eu pour objet de faire une création nouvelle, mais de trouver un salut final pour la première. Tout donc est resté dégénéré avec l'homme; et ce roi de l'univers, qui, d'abord né immortel, devoit s'élever, sans changer d'existence, au bonheur des puissances célestes, ne peut plus maintenant jouir de la présence de Dieu sans passer par les déserts du tombeau, comme parle saint Chrysostome. Son àme a été sauvée de la destruction finale par la Rédemption; mais son corps, joignant à la fragilité naturelle de la matière la foiblesse accidentelle du péché, subit la sentence primitive dans toute sa rigueur : il tombe, il se fond, il se dissout. Dieu, après la chute de nos premiers pères, cédant à la prière de son Fils, et ne voulant pas détruire tout l'homme, inventa la mort comme un demi-néant, afin que le pécheur sentit l'horreur de ce néant entier, auquel il eût été condamné sans les prodiges de l'amour céleste.

Nous osons présumer que, s'il y a quelque chose de clair en métaphysique, c'est la chaîne de ce raisonnement. Ici point de mots mis à la torture, point de divisions et de subdivisions, point de termes obscurs ou barbares. Le christianisme n'est point composé de ces choses, comme les sarcasmes de l'incrédulité voudroient nous le faire croire. L'Évangile a été préché au pauvre d'esprit, et il a été entendu du pauvre d'esprit ; c'est le livre le plus clair qui existe. Sa doctrine n'a point son siége dans la tête, mais dans le cœur ; elle n'apprend point à disputer, mais à bien vivre. Toutefois elle n'est pas sans secrets. Ce qu'il y a de véritablement ineffable dans l'Écriture, c'est ce mélange continuel des plus profonds mystères et de la plus extrême simplicité : caractères d'où naissent le touchant et le sublime. Il ne faut donc plus s'étonner que l'œuvre de Jésus-Christ parle si éloquemment; et telles sont encore les vérités de notre religion, malgré leur peu d'appareil scientifique, qu'un seul point admis vous force d'admettre tous les autres. Il y a plus : si vous espérez échapper en niant le principe, tel, par exemple, que le péché originel, bientôt, poussés de conséquence en conséquence, vous serez forcés d'aller vous perdre dans l'athéisme : dès l'instant où vous reconnoissez un Dieu, la religion chrétienne arrive malgré vous avec tous ses dogmes, comme l'ont remarqué Clarke et Pascal. Voilà, ce nous semble, une des plus fortes preuves en faveur du christianisme.

Au reste, il ne faut pas s'étonner que celui qui fait rouler, sans les confondre, ces millions de globes sur nos têtes, ait répandu tant d'harmonie dans les principes d'un culte établi par lui; il ne faut pas s'étonner qu'il fasse tourner les charmes et les grandeurs de ses mystères dans le cercle d'une logique inévitable, comme il fait revenir les astres sur eux-mêmes, pour nous ramener ou les fleurs ou les foudres des saisons. On a peine à concevoir le déchaînement du siècle contre le christianisme. S'il est vrai que la religion soit nécessaire aux hommes, comme l'ont cru tous les philosophes, par quel culte veut-on remplacer celui de nos pères ? On se rappellera long-temps ces jours où des hommes de sang prétendirent élever des autels aux vertus sur les ruines du christianisme. D'une main ils dressoient des échafauds; de l'autre,

ur le frontispice de nos temples, ils garantis- | des anges que des mystères d'obscénité sont soient à Dieu l'éternité, et à l'homme la mort; et ces mêmes temples où l'on voyoit autrefois ce Dieu qui est connu de l'univers ces images de Vierge qui consoloient tant d'infortunés, ces temples étoient dédiés à la Vérité, qu'aucun homme ne connoît, et à la Raison, qui n'a jamais séché une larme!

CHAPITRE V.

DE L'INCARNATION.

L'Incarnation nous présente le souverain des cieux dans une bergerie, celui qui lance la foudre, entouré de bandelettes de lin, celui que l'univers ne peut contenir, renfermé dans le sein d'une femme. L'antiquité eût bien su tirer parti de cette merveille. Quels tableaux Homère et Virgile ne nous auroient-ils pas laissés de la nativité d'un dieu dans une crèche, des pasteurs accourus au berceau, des mages conduits par une étoile, des anges descendant dans le désert, d'une vierge mère adorant son nouveau-né, et de tout ce mélange d'innocence, d'enchantement et de grandeur!

En laissant à part ce que nos mystères ont de direct et de sacré, on pourroit retrouver encore sous leurs voiles les vérités les plus ravissantes de la nature. Ces secrets du ciel, sans parler de leur partie mystique, sont peut-être le type des lois morales et physiques du monde : cela seroit très digne de la gloire de Dieu, et l'on entreverroit alors pourquoi il lui a plu de se manifester dans ces mystères, de préférence à tout autre qu'il eût pu choisir. Jésus-Christ (par exemple, ou le monde moral), prenant naissance dans le sein d'une vierge, nous enseigneroit le prodige de la création physique, et nous montreroit l'univers se formant dans le sein de l'amour céleste. Les paraboles et les figures de ce mystère seroient ensuite gravées dans chaque objet autour de nous. Partout en effet la force naît de la grâce : le fleuve sort de la fontaine ; le lion est d'abord nourri d'un lait pareil à celui que suce l'agneau; et parmi les hommes, le Tout-Puissant a promis la gloire du ciel à ceux qui pratiquent les plus humbles

vertus.

Ceux qui ne découvrirent dans la chaste reine

bien à plaindre. Il nous semble qu'on pourroit dire quelque chose d'assez touchant sur cette femme mortelle, devenue la mère immortelle d'un Dieu rédempteur; sur cette Marie à la fois vierge et mère, les deux états les plus divins de la femme; sur cette jeune fille de l'antique Jacob, qui vient au secours des misères humaines, et sacrifie un fils pour sauver la race de ses pères. Cette tendre médiatrice entre nous et l'Éternel ouvre avec la douce vertu de son sexe un cœur plein de pitié à nos tristes confidences, et désarme un Dieu irrité : dogme enchanté qui adoucit la terreur d'un Dieu, en interposant la beauté entre notre néant et la majesté divine!

Les cantiques de l'Église nous peignent la bienheureuse Marie assise sur un trône de candeur plus éclatant que la neige; elle brille sur ce trône comme une rose mystérieuse1, ou comme l'étoile du matin, précurseur du soleil de la grâce 2; les plus beaux anges la servent, les harpes et les voix célestes forment un concert autour d'elle; on reconnoît dans cette fille des hommes le refuge des pécheurs 3, la consolation des affligés 4; elle ignore la sainte colère du Seigneur : elle est toute bonté, toute compassion, tout indulgence.

Marie est la divinité de l'innocence, de la foiblesse et du malheur. La foule de ses adorateurs dans nos églises se compose de pauvres matelots qu'elle a sauvés du naufrage, de vieux invalides qu'elle a arrachés à la mort, sous le fer des ennemis de la France, de jeunes femmes dont elle a calmé les douleurs. Celles-ci apportent leurs nourrissons devant son image, et le cœur du nouveau-né qui ne comprend pas encore le Dieu du ciel, comprend déjà cette divine mère qui tient un enfant dans ses bras.

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fond, en contemplant les sacrements de l'Église. [ nie étoit le samedi saint. On commençoit par

La connoissance de l'homme civil et moral est renfermée tout entière dans ces institutions.

Le baptême, le premier des sacrements que la religion confère à l'homme, selon la parole de l'Apôtre, le revêt de Jésus-Christ. Ce sacrement nous rappelle la corruption où nous sommes nés, les entrailles douloureuses qui nous portèrent, les tribulations qui nous attendent dans ce monde; il nous dit que nos fautes rejailliront sur nos fils, que nous sommes tous solidaires : terrible enseignement qui suffiroit seul, s'il étoit bien médité, pour faire régner la vertu parmi les hommes.

Voyez le néophyte debout au milieu des ondes du Jourdain le solitaire du rocher verse l'eau lustrale sur sa tête; le fleuve des patriarches, les chameaux de ses rives, le temple de Jérusalem, les cèdres du Liban, paroissent attentifs. Ou plutôt regardez ce jeune enfant sur les fontaines sacrées : une famille pleine de joie l'environne; elle renonce pour lui au péché, elle lui donne le nom de son aïeul, qui devient immortel dans cette renaissance perpétuée par l'amour de race en race. Déjà le père s'empresse de reprendre son fils, pour le reporter à une épouse impatiente qui compte sous ses rideaux tous les coups de la cloche baptismale, On entoure le lit maternel: des pleurs d'attendrissement et de religion coulent de tous les yeux; le nouveau nom de l'enfant, l'antique nom de son ancêtre, est répété de bouche en bouche; et chacun, mêlant les souvenirs du passé aux joies présentes, croit reconnoître le vieillard dans le nouveau-né qui fait revivre sa mémoire. Tels sont les tableaux que présente le sacrement de baptême; mais la religion, toujours morale, toujours sérieuse, alors mème qu'elle est plus riante, nous montre aussi le fils des rois dans sa pourpre renonçant aux grandeurs de Satan, à la même piscine où l'enfant du pauvre en haillons vient abjurer des pompes auxquelles pourtant il ne sera point condamné.

On trouve dans saint Ambroise une description curieuse de la manière dont s'administroit le sacrement de baptême dans les premiers siècles de l'Église. Le jour choisi pour la cérémo

1 AMBROS., de Myst. Tertullien, Origène, saint Jérôme, saint Augustin, parlent aussi du baptême, mais moins en détail que saint Ambroise. C'est dans les six livres des Sacrements, Faussement attribués à ce Père, qu'on voit la circonstance des

toucher les narines et par ouvrir les oreilles du catéchumène, en disant Ephpheta, ouvrez vous. On le faisoit ensuite entrer dans le Sain des saints. En présence du diacre, du prêtre e de l'évêque, il renonçoit aux œuvres du démon Il se tournoit vers l'occident, image des ténè bres, pour abjurer le monde; et vers l'orient symbole de lumière, pour marquer son alliance avec Jésus-Christ. L'évêque faisoit alors la bé nédiction du bain, dont les eaux, selon sain Ambroise, indiquent les mystères de l'Écriture la création, le déluge, le passage de la me Rouge, la nuée, les eaux de Mara, Naaman, e le paralytique de la piscine. Les eaux ayant ét adoucies par le signe de la croix, on y plongeoi trois fois le catéchumène en l'honneur de la Tri nité, et en lui enseignant que trois choses rendent témoignage dans le baptême l'eau, l sang et l'esprit.

Au sortir du Saint des saints, l'évêque faisoi à l'homme renouvelé l'onction sur la tête, afir de le sacrer de la race élue et de la nation sacer dotale du Seigneur; puis on lui lavoit les pieds on lui mettoit des habits blancs, comme un yêtement d'innocence; après quoi il recevoit dans le sacrement de confirmation l'esprit de crainte divine, l'esprit de sagesse et d'intelligence. l'esprit de conseil et de force, l'esprit de doctrine et de piété. L'évêque prononçoit à haute voix les paroles de l'Apôtre : Dieu le père vous a marqué de son sceau ; Jésus-Christ, notre Seigneur vous a confirmé, il a donné à votre cœur les arrhes du Saint-Esprit,

Le nouveau chrétien marchoit alors à l'autel pour y recevoir le pain des anges, en disant: J'entrerai à l'autel du Seigneur, du Dieu qui réjouit ma jeunesse. A la vue de l'autel couvert de vases d'or, de flambeaux, de fleurs, d'étoffes de soie, le néophyte s'écrioit avee le Prophète : Vous avez préparé une table devant moi; c'est le Seigneur qui me nourrit; rien ne me manquera, il m'a établi dans un lieu abondant en pâturage. La cérémonie se terminoit par le sacrifice de la messe. Ce devoit être une fète bien auguste que celle où les Ambroise donnoient au pauvre innocent la place qu'ils refusoient à l'empereur coupable!

trois immersions et du touchement des parines que nous rapportons ici.

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