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à succès de la littérature bourguignonne, la Chronique du bon chevalier messire Gilles de Chin par un remanieur, resté anonyme, à qui M. Liégeois, après examen attentif, attribue également deux autres œuvres de l'époque : le Roman de Gillion de Trazegnies et le Livre des faits de Jacques de Lalaing. On se rappelle que M. Bayot, dans le mémoire cité plus haut, était arrivé à la même conclusion. M. Liégeois discute et réfute très habilement l'opinion de M. Gaston Raynaud, qui attribue la même œuvre à Antoine de la Sale.

Enfin l'auteur examine les textes des XVII, XVIIIe et XIXe siècles relatifs à Gilles ee Chin et à la légende du dragon.

CH. MARTENS.

334. -Max Jasinski, Histoire du sonnet en France, Thèse. Douai, H. Brugère, A. Dalsheimer et Cie, 1903. I vol. in-8°. 256 pp. L'étude de M. Jasinski est à coup sûr fort intéressante, et son titre seul suffit pour provoquer la curiosité. Le sonnet occupe une place à part dans la littérature française, et, après une éclipse presque totale, il a été cultivé au xixe siècle avec plus de succès que jamais. Il a contribué à la gloire de Ronsard et de J. du Bellay au xvie siècle : de nos jours, il fait la meilleure partie du bagage littéraire de certains poètes justement renommés.

Il s'agissait donc, pour l'auteur, de retracer l'histoire du sonnet dans la mesure du possible. En retrouver les origines est chose ardue, que M. Jasinski n'a pu accomplir. Du moins, il s'est rallié à l'opinion la plus vraisemblable, celle de M. d'Ancona, qu'il résume ainsi : « Il (le sonnet) tient du peuple ses éléments constitutifs; de l'ode dorienne, sa disposition en trois parties; du ghazel, sa limitation à quatorze vers; des Provençaux enfin, son nom, son emploi, sa consécration, son perfectionnement, et un admirable trésor de sentiments et d'expressions. »

...

La suite de ce travail vaut surtout par les détails techniques. M. Jasinski étudie de très près la nature des vers et la disposition des rimes à toutes les époques, mais surtout au xvre et au XIXe siècle. Il signale les différentes formes qui ont été données au sonnet, qu'il fût régulier ou « libertin ». Il note enfin les sujets qu'il a servi à traiter, selon les goûts et les modes de certaines époques. En un mot, cette thèse présente une statistique très précieuse pour les amateurs qui tiennent à savoir les variations que le sonnet a subies au point de vue de la forme et du contenu.

Dirons-nous que cette œuvre de M. Jasinski est parfaite? Nous ne le pensons pas. Nous estimons qu'elle aurait pu recevoir des développements, surtout au point de vue de la critique littéraire : nous

avons ici en vue surtout le xvie siècle. D'autre part, des exemples plus multipliés n'auraient pas été superflus. L'auteur nous dit que « des citations nombreuses auraient allongé son livre sans profit. » Nous ne le croyons pas non plus elles en auraient rendu la lecture plus facile et plus agréable. Nous avons dû, personnellement, recourir à des anthologies pour aider nos souvenirs pendant la lecture de cette thèse, et saisir le caractère d'un sonnettiste ou d'une école tout entière. Pourquoi aussi M. Jasinski ne s'est-il pas arrêté à montrer « la beauté quasi mathématique et la singulière valeur d'art » du sonnet, pour parler comme M. Brunetière? Et pourquoi employer le procédé de la prétérition, quand il s'agit des attaques dirigées contre ce petit poème?

En résumé, et malgré ces remarques, cette thèse présente beaucoup d'intérêt, et se recommande d'elle-même à tous ceux qui veulent bien connaître l'histoire de la littérature française. A. LEPITRE.

335. de V. Payen-Payne. Théophile Gautier, Voyage en Italie with introd. and notes. Cambridge, University Press, 1904 238 pp. Tandis que le pays de Ruskin a donné et donne encore ses modes et ses goûts à la France, il s'intéresse lui-même aux écrivains et aux critiques français, et à plus d'un romantique de 1830 il a rendu le meilleur des cultes, savoir une bonne édition sur beau papier, avec préface, introduction, notes, et excellente reliure. La présente réédition du Voyage en Italie de Théophile Gautier est faite avec le plus grand soin, et elle est faite par un homme qui sait goûter son auteur, puisque M. de V. Payen-Payne nous dit que les admirables descriptions de Gautier l'ont poussé à visiter Venise. La vie de Th. Gautier et ses voyages sont retracés dans l'Introduction (pp. VII-XV), et une carte de Venise permet de situer les descriptions de l'auteur. Des notes abondantes (pp. 133-232), philologiques, littéraires, historiques, géographiques, éclairent toutes les difficultés que la matière et la forme pourraient présenter pour des lecteurs anglais. Ce sera sans doute pour ceux-ci, et même pour d'autres, un vrai charme que de lire ou de relire en un élégant volume la description de Venise par le peintre écrivain, commentée par un critique qui connaît ses auteurs anglais et français et qui a vu les choses dont ils parlent. Si pourtant on cherchait quelle place tient la description de Gautier dans la littérature similaire en France, de Mme de Staël à M Paul Bourget ou M René Bazin, on s'étonnerait de ne pas voir alléguer abondamment au moins le livre XV de Corinne, et le second volume du Voyage en Italie de Taine : il y a là bien des pages qui soutiendraient très avantageusement la comparaison avec celles de

Th. Gautier peut-être auront-elles un jour les honneurs dont celuici bénéficie aujourd'hui. A. COUNSON.

LANGUES ET LITTÉRATURES GERMANIQUES.

336. E. Coremans, The flemish Literature in Belgium since 1830. Brussels, Polleunis 1904. In-8°, 94 p.

M. Coremans, chef de division au Département de l'Intérieur, vient de publier à l'occasion de l'exposition de Saint-Louis M. Scharff a traduit son opuscule en anglais, un excellent résumé de l'histoire de la littérature flamande depuis 1830. Après avoir mentionné, dans une introduction, les diverses lois votées par la législature en faveur de la langue flamande, l'auteur expose clairement ce qui a été fait par Willems et David pour relever la langue et la littérature. Dans un chapitre il traite de la poésie et dans un autre du roman. Il signale les principales œuvres qui ont été produites et les caractérise en peu de mots, d'une manière très claire et, disons-le, d'ordinaire très exacte. Après avoir lu ce petit volume on a une idée générale de notre activité littéraire. M. Coremans a pris le mot littérature dans le sens le moins large; on peut regretter qu'il n'ait pas cru devoir consacrer un chapitre aux ouvrages relatifs à l'histoire et aux sciences écrits en flamand. La presse aurait bien mérité aussi une mention. Quoi qu'il en soit de ces lacunes, le travail est bien conçu, et les appréciations littéraires ont une réelle valeur.

337.

ADOLF DE Ceuleneer.

Rob. Kohlrausch, Klassische Dramen und ihre Staetten. Stuttgart, R. Lutz, 1903. 306 pp. In-8°. 5 m.

Un joli livre, richement illustré, qui nous donne une série de descriptions des lieux, où se place l'action des drames classiques de Shakespeare, Lessing, Goethe, Schiller et Kleist. L'œuvre dramatique de Shakespeare est représentée ici par Le marchand de Venise, La méchante apprivoisée, Roméo et Juliette, Hamlet. L'action des trois premiers se joue en Italie, ce qui inspire à l'auteur des descriptions très colorées et très poétiques. Nous restons en Italie avec « Emilia Galotti » de Lessing, « Tasso » de Goethe et « Fiesko » de Schiller, nous passons en Suisse avec « Wilhelm Tell », en Allemagne avec « Goetz von Berlichingen » et « Faust » de Goethe, « Kaetchen von Heilbronn » et « Der Prinz von Homburg » de H. de Kleist. L'auteur nous donne beaucoup plus qu'une description minutieuse des localités; il s'étend particulièrement, à propos de chacun de ces drames, sur ses rapports historiques, examine en détail les écarts que

les poètes se sont permis vis-à-vis de la vérité historique et parsème aussi son exposé de mainte remarque ou critique esthétique. Une âme sensitive et enthousiaste du beau de la nature et de l'art transpire dans ces lignes, une chaude émotion se communique au lecteur; c'est le meilleur éloge qu'on puisse faire d'un ouvrage de ce genre, qui réalise tout ce qu'on rêve en lisant le titre. H. BISCHOFF.

338. B. Litzmann, Goethes Lyrik. Erlaeuterungen nach kuenstlerischen Gesichtspunkten, Ein Versuch. E. Fleischel, Berlin, 1903. 257 pp In-8. 3. 50 m.

Ce nouveau livre du professeur de littérature allemande à l'université de Bonn n'est pas beaucoup moins qu'une déclaration de guerre à la philologie, en tant que science interprétative d'œuvres poétiques. Les commentateurs-philologues de la poésie lyrique de Goethe ont exactement établi la date de chacune de ses poésies, ils ont fait le laborieux travail comparatif des différentes versions et, fiers de leur œuvre, ils proclament hautement que sans ce double travail du rétablissement de l'ordre chronologique et de la comparaison critique des textes la poésie lyrique de Goethe restait une énigme, qui ne pouvait donner tout au plus au lecteur non préparé que quelques émotions artistiques superficielles. Litzmann, poursuivant une voie déjà indiquée par Scherer, tend à prouver que l'arrangement adopté par le poète, qui a bouleversé toute chronologie, a été dicté par des considérations artistiques fines et profondes et dans cet ordre d'idées son ouvrage abonde en indications intéressantes et précieuses. Mais le peu de cas qu'il semble faire des conjectures de philologues lui joue à un moment donné un bon tour; il se fait qu'une conjecture à lui - à propos de la poésie « Zueignung » - conjecture qu'il a bien soin de souligner comme étant non celle d'un philologue mais celle d'un psychologue, nous a été donnée précisément par le philologue à outrance H. Duentzer, et cela encore à la simple lumière de la plus pure philologie. Le commentateur, dit M. Litzmann avec raison, doit viser à affiner et à approfondir le sens artistique en général et je ne doute pas que son livre sous ce rapport encore ne contribue à réaliser un vou émis au dernier congrès des artistes allemands à Weimar. L'ouvrage nous donne du reste un excellent exposé des éléments constitutifs et des caractères distinctifs généraux de la poésie lyrique de Goethe. H. BISCHOFF.

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339. E. A. Georgy, Die Tragoedie Friedrich Hebbels nach ihrem Ideengehalt. Leipzig, Ed. Avenarius, 1904. In-8°, 334 pp. 3.75 m. Un vrai drame, dit Hebbel, dans son Journal « peut se comparer à un grand édifice, qui a presque autant d'allées sous le sol qu'à la

surface; le profane ne connaît que celles-ci, l'architecte connaît aussi celles-là ». Le but poursuivi par M. Georgy est de rechercher et d'éclaircir ces allées souterraines, qui se croisent souvent nombreuses et enchevêtrées dans les drames du dramaturge philosophe par excellence, qui dit encore dans son journal de vie, que pour lui la poésie est une sorte de métaphysique en images et que le but poursuivi par la philosophie, c'est-à-dire d'atteindre l'absolu, est proprement la tache de la poésie. L'auteur étudie les caractères et les motifs des drames de Hebbel, avec la préoccupation constante de dégager de chaque drame l'idée fondamentale, qui lui sert de base. Pour plusieurs de ces drames Hebbel a indiqué lui-même cette idée fondamentale, mais à l'exception de deux cas, l'auteur rejette l'explication du poète et en donne une autre. L'auteur défend très habilement la position périlleuse dans laquelle il se met par le fait de contredire le poète lui même. Sa discussion est fructueuse et riche en éclaircies, mais dans la plupart des cas elle n'est pas suffisamment serrée et claire pour s'imposer victorieusement. Parfois aussi l'énoncé de l'idée fondamentale manque de précision et de netteté et ne suffit en conséquence pas à distinguer clairement un drame de l'autre. Cependant l'auteur a singulièrement approfondi le problème hebbelien et largement contribué à sa solution. Parmi les nombreux livres, publiés de nos jours sur Hebbel, que l'on s'attache à remettre en honneur, celui de Georgy est certes un des plus importants.

H. BISCHOFF.

340. Max Hesse's Neue Leipziger Klassiker Ausgaben et Max Hesse's Volksbücherei.

Les œuvres de Hermann Kurz sont tombées dans le domaine public depuis le 1er janvier 1904. Hermann Kurz (1813-1873) a écrit deux intéressants romans historiques: Schillers Heimatjahre (1843) et Der Sonnenwirt (1855), et une foule de nouvelles, pleines de descriptions très réussies de la vie simple et primitive des habitants de la Souabe et remplies d'un naïf et charmant humour. Une édition complète, à bon marché, de ses œuvres paraîtra sous peu dans la collection Max Hesse's Neue Leipziger Klassiker Ausgaben; elle sera procurée par le professeur Hermann Fischer de Tubingue, un compatriote et ami du poète, dont le nom seul nous garantit une biographie sérieuse et une édition critique soignée.

Les principales œuvres de H. Kurz paraîtront aussi dans Max Hesse's Volksbücherei, nouvelle collection populaire à 20 pf. le volume, très recommandable, qui a atteint jusqu'ici 107 numéros. Dans le domaine des éditions populaires des classiques les éditeurs allemands

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