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I. ANTIQUITÉ CLASSIQUE.

473. E. de Mandat-Grancey, Aux Pays d'Homère. Paris, PlonNourrit, 1902. 385 pp. 4 fr.

Ce volume contient les impressions rapportées par M. le baron de Mandat-Grancey, le voyageur bien connu, d'une croisière faite dans les eaux grecques pendant l'été de 1899. L'auteur n'est pas un archéologue et il a soin de nous en avertir dès l'abord. Il n'hésite même pas à déclarer, au risque de scandaliser les admirateurs de l'antiquité, qu'à son avis, la France a payé bien cher la gloire assez creuse d'avoir mis à découvert, pour un temps très court d'ailleurs, les ruines de Delphes; que le musée de Delphes l'a un peu désappointé; que l'acropole d'Athènes l'a horriblement déçu et que décidément il ne peut pas se faire à l'architecture grecque. Seuls quelques chefs d'œuvre incontestables de sculpture, et les découvertes de la période égéenne semblent avoir pu trouver grâce à ses yeux.

C'est assez dire que ce volume n'a nullement la prétention de supplanter, surtout pour ce qui concerne la description des monuments, les guides Murray, Baedeker ou Joanne. Moins intéressé par le pays lui-même que par ses habitants et moins par les morts que par les vivants, l'auteur s'est proposé avant tout de se faire une idée personnelle sur le petit peuple qui a recueilli le lourd héritage de gloire des Grecs d'autrefois. Le portrait qu'il nous en donne est quelque peu poussé au noir: j'y voudrais voir les qualités réelles mises en regard des défauts, trop vrais, hélas! - des Grecs d'aujourd'hui. On y trouvera néanmoins maintes observations topiques, maint trait de mœurs pris sur le vif et des réflexions marquées au coin du meilleur bon sens. L'auteur me semble, en particulier, avoir très bien saisi certains côtés de la vie religieuse des Grecs: ses réflexions sur l'œuvre des écoles d'Orient, et la vie monastique des « orthodoxes >> comptent parmi les meilleures du livre. Celui-ci est écrit tout entier

avec cette verve, cette bonhomie spirituelle et volontiers moqueuse dont l'auteur semble avoir le secret.

M. le baron de Mandat-Grancey montre dans son ouvrage tant de franchise qu'il ne m'en voudra pas d'en faire preuve à mon tour en lui signalant quelques unes des erreurs qui déparent son livre et qu'il serait aisé de faire disparaître dans une seconde édition : P. 21. L'île d'Ithaque possède autre chose que de mauvaises rades foraines : la baie de Vathy forme au contraire un port sûr et parfaitement abrité. P. 52. Les évêques catholiques (2 archevêques et 4 évêques) sont bien moins nombreux que ne le croit l'auteur. P. 77. Les marbres d'Egine ne ressemblent en rien à des bas reliefs et sont conservés à la glyptothèque (non à la pinacothèque) de Munich. P. 154. La ville découverte par M. Hiller von Gaertringen à Théra n'a jamais porté le nom de Mesa Vouno qui est celui de la montagne sur un des contre-forts de laquelle elle s'élevait. C'est évidemment une erreur de plume qui a fait placer la bataille de Platée dans le détroit (entre Samos et le continent) non loin duquel s'est livrée la bataille de Mycale (p. 192), et qui a fait attribuer le port de Katakolo (Elide) aux rivages de l'Arcadie. Enfin ce n'est pas sans témérité que l'auteur fait du sanctuaire des taureaux de Délos une étable des bœufs sacrés (p. 103). M. ZECH.

474-475. Inscriptiones graecae ades Romanas pertinentes auctoritate et impensis Academiae inscriptionum et litterarum humaniorum collectae et editae. Tomus I, fasc. 1 et 2 (192 pp.) edendum curavit R. Cagnat, auxiliante J. Toutain. 1901 et 1903, 3 fr. et 1 fr. — Tomus III, fasc. 1 et 2 (272 pp) ed. cur. R. Cagnat auxiliante G. Lafaye. 1902 et 1903. 2 fr. le fasc.

W. Dittenberger, Orientis graeci inscriptiones selectae. Supplementum sylloges inscriptionum graecarum. Vol. prius. Leipzig, S. Hirzel, 1903. 18 m.

Le domaine de l'épigraphie romaine s'étend bien au delà des limites de l'épigraphie latine: il comprend, outre les inscriptions latines de l'antiquité, tous les documents épigraphiques qui concernent le monde romain, qui ont quelque rapport avec les institutions romaines, avec les idées romaines en général, quelle que soit d'ailleurs la langue dans laquelle ils sont conçus. Il existe notamment une grande quantité d'inscriptions grecques, qui datent de l'époque où Rome avait soumis et converti en provinces la Grèce et e-Mineure, tous les

pays enfin où se parlait la langue grecque. Das l'Occident, Rome introduisit facilement sa langue avec ses lois; dans l'Orient plus civilisé que son vainqueur, celui-ci eut de la peine à imposer ses institutions, il ne put jamais y implanter sa langue. La langue grecque

demeura la langue officielle, presque tous les actes publics et privés, presque toutes les inscriptions sont rédigés en grec. Or, ces inscriptions sont nombreuses plus loquaces que les inscriptions latines, elles sont remplies de renseignements sur l'état des provinces. orientales pendant la domination romaine. Que fit Rome de l'Orient? Quelle fut l'administration romaine dans ces provinces? Jusqu'à quel point les institutions indigènes firent-elles place aux institutions romaines? Voilà ce que nous apprennent ces inscriptions, et bien d'autres choses encore. D'autre part, la langue grecque se répandit dans l'Occident même. Les Romains l'avaient trouvée dans le Sud de l'Italie ou Grande Grèce, en Sicile et dans le Sud de la Gaule, à Marseille surtout. Elle ne tarda pas à prendre une grande place à Rome même et il n'est pas une province romaine où elle ne parvint à pénétrer plus ou moins. Partout elle a laissé des traces dans les inscriptions.

Or, tous ces documents qui intéressent tous les romanistes, ont été mêlés aux autres, et il était utile, nécessaire, à notre sens, de les recueillir, de les mettre à part. C'est une œuvre que l'Académie des Inscriptions a prise sous son patronage et elle a mis à sa tête M. René Cagnat, professeur d'épigraphie au Collège de France, aidé de MM. Toutain et Lafaye.

Ce recueil a été commencé en 1901 et jusque maintenant quatre fascicules ont paru. Le tome I est consacré à l'Occident, où les inscriptions grecques sont relativement rares, mais comprend aussi la Grande Grèce, la Sicile et Rome, où elles sont nombreuses. Voici le plan de ce volume: Britannia (4 inscriptions), Germania (3), Gallia (25), Hispania (2), Italia, à savoir: Roma (no 28-370), Latium (371-390) encore inachevé.

Les deux premiers fascicules du tome III ont donné jusqu'ici : Bithynia et Pontus (1-98), Cappadocia (99-132), Armenia maior (133), Galatia (134-309). Le n° 137 est le serment prêté à Auguste par la cité de Phazimon, plus tard Neoclaudiopolis, que M. Franz Cumont a rapporté d'un voyage en Asie et publié avec commentaire en 1900 (Comptes-rendus de l'Acad. des Inscr., p. 687 sqq) et en 1901 (Revue des études grecques, p. 89 sqq). Le n° 159 reproduit le fameux monument d'Ancyre (ou Res gestae divi Augusti), si souvent publié et étudié depuis que le Belge Auger Ghislain de Busbecq l'a découvert au XVIe siècle.

Mais nous ne voulons pas continuer ici l'énumération des textes importants que renferment les quatre fascicules publiés, car personne ne contestera, pensons-nous, la grande utilité que présente ce recueil. Disons plutôt quelle est la méthode suivie par les éditeurs. Cet ouvrage n'est pas destiné à prendre la place du Corpus ou des publi

cations spéciales consacrées jusqu'ici aux inscriptions grecques. Il a pour but de mettre entre les mains des romanistes un recueil, facile à consulter, des inscriptions grecques relatives au monde romain. Il était donc superflu, il était même contraire au but, de donner une liste complète des publications antérieures dont chaque texte a été l'objet, ou de reproduire les textes en caractères épigraphiques. Pour tout cela, il faudra avoir recours au Corpus et aux publications spéciales. L'indication du lieu de la découverte, celle de la dernière publication complète ou des dernières, s'il y en a eu plusieurs qui méritent d'être rappelées; puis, le texte transcrit en minuscules, avec la solution des abréviations et les suppléments proposés pour restituer ce que le temps a détruit; enfin, à la suite du texte, des notes rédigées avec concision et expliquant ce qui peut paraître obscur : voilà le le plan suivi pour chaque inscription. Grâce à cette méthode, que nous trouvons excellente, les éditeurs pourront réunir en quelques volumes, très maniables, très faciles à consulter, toutes les inscriptions grecques relatives au monde romain.

Nous souhaitons que cet ouvrage si utile, si bien conçu, si bien exécuté, avance rapidement et soit bientôt mené à son achèvement. Quiconque s'intéresse à l'histoire et à l'administration romaines trouvera aussi un excellent instrument de travail dans le nouvel ouvrage que nous donne M. Dittenberger. Son objet n'est pourtant pas le même que celui du recueil de R. Cagnat. En publiant la seconde édition de son beau recueil d'inscriptions grecques (Sylloge inscriptionum graecarum, Leipzig, Hirzel, 1898-1901, 3 vol. 52 m), Dittenberger avait exclu un certain nombre de textes qui pouvaient intéresser l'histoire et les institutions de la Grèce, mais qui concernaient plus directement les royaumes issus de l'empire d'Alexandre le Grand. A plus forte raison, les inscriptions de l'époque romaine ne pouvaient-elles trouver place dans son ouvrage. En un mot, les inscriptions grecques gravées depuis l'époque d'Alexandre le Grand, jusqu'à celle de Justinien avaient été réservées, et c'est un choix spécial de ces textes que Dittenberger a entrepris de publier pour servir de supplément à sa Sylloge. Cependant il s'impose des limites. plus étroites que Cagnat il ne veut pas sortir du monde grec d'Asie et d'Afrique. Le volume I, qui vient de paraître, contient d'abord les inscriptions des royaumes d'Alexandre, d'Antigone, de Démétrius et de Lysimaque (1-15), puis viennent le royaume des Lagides (16-198), la Nubie et l'Ethiopie (199 210), les royaumes des Seleucides (211-263), des Attalides (264-339), huit royaumes de moindre. importance (Bithynie, Galatie, Cappadoce, Pont, Ibérie, Arménie et Médie Atropatène, Commagène, Judée (390-489), enfin les royaumes. des Arsacides et des Sasanides (430-434). Le volume II contiendia

:

les inscriptions des provinces romaines qui ont succédé à ces empires, ainsi que les tables détaillées.

La méthode de Dittenberger est connue; elle est la même ici que dans la Sylloge. Il fait connaître le lieu de la découverte, la nature du monument, le lieu où il se trouve, les publications et les commentaires dont il été l'objet ; puis vient le texte transcrit avec les abrévia tions résolues et les suppléments. Enfin, ce qui fait la grande valeur scientifique des recueils de Dittenberger, c'est le savant commentaire qui suit chaque texte. Aucune obscurité, aucune difficulté n'est ici laissée de côté et, tout en étant concis, le commentaire s'allonge, quand cela est nécessaire. Dittenberger comprend les inscriptions qu'il publie autant qu'on peut les comprendre, et l'on imaginerait difficilement quelle somme de science contiennent ces notes, quelles recherches elles résument. A ce point de vue, son recueil est supérieur à celui de Cagnat, qui se propose avant tout de fournir les textes, sans s'abstenir pourtant d'éclaircir les obscurités principales; à ce point de vue, il est supérieur à n'importe quel autre recueil d'inscriptions grecques ou latines (1).

Espérons que le second volume ne tardera pas à paraître. Il contiendra un supplément au premier volume, rendu nécessaire par les découvertes nouvelles qu'on ne cesse de faire.

J. P. WALTZING.

476. André Lefèvre, La Grèce antique. Entretiens sur les origines et les croyances. Paris, Schleicher, 1901. 461 pp. in-8°.

Ce livre, fourmillant d'explications neuves et pour la plupart séduisantes, mériterait que nous nous étendions sur les beautés qu'il renferme; mais, comme il est volumineux, nous craindrions d'être amené trop loin et nous nous contenterons de formuler sur lui un jugement général.

Homère et Hésiode, que l'auteur connaît à fond, lui ont été de précieux guides pour la composition de son travail.

Grâce aux derniers résultats des études linguistiques et aux récentes découvertes, de l'archéologie il a pu compléter les données qu'on lit dans ces vieux poètes et chercher à évoquer le souvenir frappant des tribus venues du fond de l'Hémus, se déplaçant sans cesse, se succédant les unes aux autres et laissant des traces de leur passage en dotant l'Hellade de ces cultes nombreux qui constituent la base

(1) Cette supériorité n'est pas d'ailleurs sans entraîner un inconvénient : c'est le gros volume et le prix élevé de ces ouvrages, qui les rendent inaccessibles au commun des mortels. Aussi les recueils moins ambitieux conservent leur utilité à côté de ceux de Dittenberger.

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