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Les pages suivantes nous apprennent successivement comment il s'est fait qu'une foule de vocables, appelés pour cela voces mediae, ont pris à la fois, dans le cours des siècles, des acceptions diamétralement opposées; de quelles façons la langue restreint l'horizon d'un terme par l'absorption du déterminant dans le déterminé et vice-versa; quels procédés elle emploie, soit isolément, soit combinés entre eux, pour étendre la signification première des mots.

Plusieurs chapitres s'occupent encore d'autres causes psychologiques ou linguistiques qui se cachent derrière l'évolution des sens, tels que les procédés d'esprit que dans le style on appelle métaphore ou catachrèse, les jeux de mots, l'étymologie populaire que l'auteur baptise du nom original et caustique d' « Eisenbahnetymologie ».

L'ouvrage se termine par des causeries vraiment à bâtons rompus sur des sujets très divers, tels que l'harmonie imitative, l'allittération, la rime, les mots mal compris, l'origine de certains noms.

Dans ce dernier ordre d'idées, l'ouvrage contient quelques pages curieuses où l'auteur étudie l'influence de la médecine populaire sur la vie des mots et montre, entre autres choses, que l'origine des attributs d'une foule de saints se trouve uniquement dans l'idée suggérée par leurs noms, de même que les propriétés attribuées. à certaines plantes ou les symboles qu'elles représentent leur viennent souvent de la dénomination par laquelle on les désigne.

Ce résumé, qui n'en est même pas un, ne saurait donner qu'une pâle idée du puissant intérêt que présente l'ouvrage du savant romaniste danois. Il est à lire par tous. Pour les profanes, chaque page sera une révélation, et les gens du métier y trouveront une lecture qui les récréera en même temps qu'elle leur remémorera d'une façon originale une foule de choses qu'ils pourraient avoir oubliées.

Pour qu'un pareil ouvrage reçût une plus ample diffusion, il serait même à espérer qu'une bonne traduction française ne s'en fît pas trop longtemps attendre. EUGÈNE ULRIX.

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444. K. Böddeker & H. Bornecque, Grammaire française pour les classes supérieures de tous les établissements d'enseignement secondaire et pour les séminaires pédagogiques. Leipzig, Renger, 1903. 1 vol. in-80 de 172 pp. 2,20 m.

Ce livre s'adresse aux élèves des gymnases allemands. C'est la première édition en langue française de la grammaire, parue en 1896, du Dr K. Böddeker, professeur et directeur de la Kaiserin Augusta Victoria Schule, à Stettin. M H. Bornecque, professeur adjoint à l'Université de Lille, a collaboré à la présente édition. Les auteurs y ont introduit trois grands changements. D'abord ils ont tenu compte

de l'arrêté du 26 février 1901 relatif à la simplification de l'orthographe et de la syntaxe. Ensuite les exemples destinés à bien faire comprendre une règle ont été placés en caractères gras en tête de cette règle; ils sont unis par un rapport de sens ou de son, qui aide à les apprendre et à les retenir, et leur ensemble montre tous les cas particuliers de la règle. Un tableau des flexions de la conjugaison et des verbes irréguliers a été ajouté à la fin du volume, pp. 130-165.

Cette édition en langue française de la grammaire de MM. Böddeker et Bornecque constitue une innovation; dans la plupart des gymnases, les élèves n'ont entre les mains que des grammaires rédigées en allemand, de même que les cours de langues étrangères sont généralement faits dans la langue maternelle.

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Les nouveaux plans d'études prescrivent dans les classes supérieures « de grouper et d'approfondir les phénomènes grammaticaux». MM. Böddeker et Bornecque, se conformant à cette prescription, nous donnent un exposé raisonné des lois de la syntaxe française; il ne renferme rien de ce qui touche à la lexigraphie, si ce n'est dans le supplément consacré à la conjugaison.

Syntaxe du verbe, pp. 1-48: emploi du temps et des modes, de la négation, des prépositions à et de devant l'infinitif. Deux chapitres y sont longuement développés: celui qui traite de la différence entre l'imparfait et le passé défini et celui du subjonctif dans les propositions subordonnées. Bien que parfois marquées au coin de l'érudition chère à l'Allemagne, ces règles, appuyées de très nombreux exemples, sont rédigées dans une langue fort claire : c'est là un des grands mérites de cette grammaire, écrite pour des étrangers. C'est d'ailleurs ce point de vue qui nous expliquera le développement inaccoutumé de certaines parties; par exemple, au chapitre du substantif, six pages sont consacrées au nom et douze à l'article; plus loin, une page à l'adverbe, treize à la préposition.

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Voici la liste des chapitres qui y sont traités : le verbe stantif, où il faut signaler, pour le genre, les rapprochements avec le latin et avec l'allemand les pronoms (67-84) - l'adjectif (85-90) l'adverbe les prépositions et la construction de la phrase (107-129). Remarquons l'absence de la conjonction. Le dernier chapitre traite de l'ordre des mots dans la proposition, de la place des propositions dans la phrase, de la manière de mettre en relief les différents éléments de la phrase et de la constitution rythmique de celle-ci.

L'étude de cette grammaire m'a vivement intéressé. Je n'hésite pas à en recommander la lecture à mes collègues, persuadé qu'ils y trouveront, comme moi, matière à glaner. A. MASSON.

445. F. Ley, Grammaire française pratique et théorique à l'usage des écoles primaires et des sections préparatoires des écoles moyennes. 1re partie, ire année du second degré ou 3° année d'études. Bruxelles, Lebègue, 1903. 85 pp. - M. Ley, auteur de L'enseignement de la grammaire dans les écoles primaires (Bruxelles, Lebègue), publie le premier de quatre petits ouvrages qu'il destin aux élèves des deux degrés supérieurs de l'école primaire.

Partant de ce principe « que la règle sert peu, que ce sont les faits pratiques, les applications nombreuses qui agissent d'une manière efficace, durable sur l'esprit »>, M. Ley commence par donner une quinzaine de pages de textes intéressants, puis quelques règles fort simples; ensuite, nouveaux textes, nouvelles règles et ainsi de suite. Des faits constatés il déduit un ensemble de règles pratiques sur les mots variant en genre et en nombre ou en nombre et en personne. La grammaire n'y vise que le point de vue orthographique et ne s'inquiète nullement de la préparation aux études moyennes. Telle est la méthode de ce petit livre, dont l'originalité me paraît bien répondre à l esprit de l'école primaire. A. MASSON.

IV. LANGUES ET LITTÉRATURES GERMANIQUES.

446. Louis P. Betz, Studien zur vergleichenden Literaturgeschichte der neueren Zeit. Frankfurt a M., Literarische Anstalt, 1902, 364 pp. 4 m. Pour la première fois je recontre ici, dans un livre de critique littéraire allemand, une imitation de la critique française. L'auteur s'évertue à captiver et à frapper le lecteur, à lui présenter ses idées sous une forme agréable, à mêler des anecdotes à son récit; partout on le voit à la recherche de ce qui est intéressant; il a le style vif et alerte. Un des essais qui composent le volume est particulièrement caractéristique de son genre. Cet essai n'est au fond qu'un compte rendu de de l'ouvrage français de Baldensperger sur G. Keller. M. Betz nous montre M. Baldensperger défendant sa thèse à la Sorbonne de Paris; il crayonne l'auditoire et les types des professeurs, Faguet, Lichtenberger, Andler, Lange qui est joliment arrangé. Ce récit, quelque intéressant qu'il soit, ce feuilleton est loin de constituer une étude de littérature comparée. Les études réunies en ce volume sont du reste de très inégale valeur; des travaux approfondis y coudoient des esquisses assez fugitives. Dans l'introduction, l'auteur donne un aperçu historique sur la science de la littérature comparée, aperçu qui n'est pas sans lacunes, puisque des hommes comme Bernays et Stern n'y sont pas mentionnés, mais qui dit quand même l'essentiel; il développe ensuite excellemment le programme de cette science. Il revient sur ce sujet dans le chapitre final: Courants internationaux, auquel on ne peut contester le savoir réel et la largeur du coup d'œil. Tous les autres essais, à l'exception d'une étude sur Heine dans les littératures étrangères, traitent ou bien de personnalités qui ont joué un rôle d'intermédiaire littéraire, ou bien de points de détail.

M. Betz esquisse la vie et les œuvres de Gérard de Nerval, que St-Beuve appelait le commis-voyageur littéraire de Paris à Munich, d'Emile Montégut, qui travailla à faire connaître en France la littérature allemande et anglaise, de H. Leuthold, qui publia des traductions allemandes achevées de la poésie lyrique française, de Bodmer, qui implanta en Allemagne la littérature française du XVIIIe siècle. Parmi les points de détail traités dans le volume, il y a lieu de citer ceux-ci : l'influence de Edg. Poe sur la littérature française, et la Suisse dans la vie et les œuvres de Scheffel. M. Betz est né Américain, - ce qui explique peut-être son genre spécial de critique -- il est professeur à l'université de Zurich et s'occupe activement de littérature comparée. Les meilleurs essais du présent volume nous permettant d'espérer beaucoup de lui pour le progrès de la science dont il se fait l'apôtre. H. BISCHOFF.

447. Jacques Saly Stern, La vie d'un poète, essai sur Lenau. Paris, Calmann-Lévy, 1903. 224 pages.

Nous sommes ici en présence d'un type achevé du dilettante Une introduction pathétique nous dépeint la mère de Lenau errant la nuit à travers les quartiers louches de Vienne à la recherche de son mari, attardé dans un tripot; la même nuit elle donne le jour à un enfant, le poète Lenau; deux pages plus loin le même enfant naît quelques mois après la scène, qui vient d'être décrite. Sans suite. logique, l'auteur parle de ce qui bon lui semble, laissant tout simplement de côté ce qui le gêne : l'ouvrage est presque muet sur les poésies lyriques de Lenau. C'est avant tout la psychologie de l'âme du poète que l'auteur semble avoir voulu faire et voici un échantillon de cette analyse psychologique : « Jadis il coagulait son état d'âme en une masse compacte, le cristallisait pour ainsi dire, et, à travers ce cristal, il laissait couler les rayons de son âme comme à travers un prisme. L'auteur n'est pas un ignorant, il connaît assez bien la vie de Lenau, sa correspondance, et ses œuvres épiques; son livre est un pêle-mêle curieux de justes et fines remarques, d'étrangetés et d'erreurs. Mais il était certainement superflu, après l'ouvrage complet et scientifique de Roustan Lenau et son temps (Paris, 1898), que M. Saly Stern ignore et ne cite même pas dans sa bibliographie sur Lenau en France. H. BISCHOFF.

448. D. Baratto et H. Rymers, Vlaamsch Taalboek. II Vol. Bruxelles, Lebègue, 1903. 87 pp.

Ce deuxième volume du Vlaamsch Taalboek est uniquement destiné aux élèves. Ayant pour but d'exercer ces derniers à l'élocution

(1 degré de l'application de la méthode directe), les auteurs ont fait un choix judicieux d'une série de gravures, qui, se rapportant à des sujets simples et pratiques, frappent l'imagination des jeunes gens. Tels sont la classe (entrée et sortie), règles de calcul, système métrique, poids, mesures, monnaies, jeux, sensations, couleurs, vêtements, habitation, repas, ville, village, animaux et plantes. Au bas de chaque gravure se trouve un vocabulaire flamand sans traduction et adapté aux différents tableaux. L'élève saisira facilement le sens des mots, soit par l'examen attentif des gravures, soit avec l'aide du professeur, sans devoir recourir au dictionnaire.

Dans le 1er volume, MM. Baratto et Rymers ont déjà soumis aux élèves quelques uns de ces sujets (la classe, vêtements, etc). Sans se répéter, ils les reprennent, élargissant les limites dans lesquelles ils s'étaient maintenus, augmentant par conséquent le vocabulaire déjà connu. Les difficultés qu'ils ont écartées au début, sont présentées insensiblement et ne forment guère d'obstacles sérieux pour les élèves. Ceux ci se rappelleront le vocabulaire qu'ils ont acquis dans le I volume et auquel viendront s'ajouter beaucoup d'autres mots usuels; ils seront donc à même d'exprimer des idées plus développées.

Le dégoût, que l'on a constaté jusque maintenant chez les élèves pour l'étude de la deuxième langue, provenait en grande partie de l'aridité des ouvrages mis entre leurs mains. Ce n'était donc pas chose aisée que d'unir dans un ouvrage élémentaire la simplicité à l'intérêt. MM. Baratto et Rymers y ont réussi et je ne puis que les féliciter.

Partant du principe fondamental que l'élocution est l'âme de l'enseignement d'une langue, MM. Baratto et Rymers développent adroitement le vocabulaire suivant la méthode des cercles concentriques, de façon à arriver au but qu'ils se proposent : aborder l'étude de la lecture, de l'orthographe usuelle et de la rédaction (2o degré de l'application de la méthode directe). EM. MONSEUX.

449. Il ne sera pas sans intérêt pour le lecteur belge de le renseigner sur la nature et l'état actuel de la grande édition des œuvres de Goethe, qu'on appelle généralement édition de Weimar ou édition de la grande duchesse Sophie, Sophien-Ausgabe, parce qu'elle est entreprise à l'instigation de la grande duchesse Sophie de Saxe. Cette édition absolument complète de tout ce qui est sorti de la plume de Goethe, comprend quatre groupes: I. Les œuvres poétiques, 50 vol.; II. Les œuvres scientifiques, 13 vol.; III. Les mémoires 14 vol.; IV. Les lettres 45 vol.

Jusqu'à ce jour ont paru : 49 volumes de la catégorie I, 12 volumes du groupe II, 13 volumes du groupe III et 27 volumes du groupe IV, ce qui fait un total de 101 volumes sur les 122 que comprendra l'édition. Chaque volume comprend de 20 à 25 feuilles. L'édition paraît en deux formats, grand et moyen-octavo. Le prix varie d'un volume à l'autre ; les volumes qui ont paru jusqu'aujourd'hui de l'édition grand-octavo coûtent 508 m. brochés, et 770 m. relics; la petite édition coûte

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