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scrute le système verbal du nouvel-irlandais; M. G. Henderson commence une étude très soignée des dialectes du gaelic d'Ecosse (pp. 87-104; 244-276); M. J. Morris Jones, sous le titre Welsh Versification, attaque violemment les travaux de M. J. Loth sur la métrique galloise, dont il a été rendu compte dans ces colonnes; M. L. Chr. Stern, publie le texte de Fled Bricrend tourni par le Codex Vossianus, dont M. R. Thurneysen étudie plus loin la tradition manuscrite; M. H. Gaidoz publie une versoin galloise de l'enseignement par les cartes. Il y a en outre quelques autres articles de moindre importance.

16. — L'Archiv für celtische Lexicographie a donné les deux premiers fascicules du T. II. Ils comprennent un glossaire complet du catéchisme irlandais d'O'Dononleuy basé sur l'édition de 1742, et composé par Mme Agnès Finck et M. Nicoles Finck, l'auteur bien connu du dictionnaire du dialecte irlandais des îles d'Arran. En annexe, M. Kuno Meyer continue à publier ses Contributions to Irish lexicography qui atteignent à présent le mot cen. On regrettera la lenteur de la marche de cette publication qui ne saurait se poursuivre plus rapidement, étant donné le système adopté. - Elle formera le répertoire le plus complet du vocabu-laire vieil et moyen-irlandais qui ait été publié jusqu'à présent.

17.

La Revue Celtique, T. XXIII (1902), contient de nombreux articles: intéressants. On n'énumérera que les principaux. M. Dottin y publie avec traduction, une version irlandaise du dialogue du corps et de l'âme, écrite en un nouvel-irlan. dais assez corrompu; M. Leite de Vasconcellos étudie les celtes de la Lusitanie portugaise; M. d'Arbois de Jubainville expose à nouveau la déclinaison celtique; M. J. Loth donne d'importantes études corniques, et M. Wh. Stokes publie un texte moyen-irlandais avec traduction, qu'il intitule : On the deaths of some irish heroes. Le IVe fascicule n'a pas encore paru.

18. · Les Annales de Bretagne, T. XVII (1901-2), contiennent, entre autres, de nombreux articles intéressant la linguistique celtique. En voici l'énumération : G. Dottin, Les mots irlandais dans le dictionnaire de Le Pelletier (p. 45-58); ils fournissent des renseignements intéressants sur la prononciation d'un dialecte du Munster au XVIIIe s.; ensuite, vient la fin des Contes irlandais recueillis par M. Douglas Hyde, et publiés avec traduction par M. G. Dottin (pp. 66-86, 204-216, 408 à 420, 483-510); de copieuses Notes d'Etymologie bretonne de M. Ernault, trop considérables pour être analysées ici (pp. 58-66, 510-557); un vocabulaire en transcription phonétique du dialecte breton de Beuzec-Cap-Sizun par M. Francès (p. 127-167). En annexe, ont paru les dernières feuilles du Dictionnaire étymo-logique du Breton de M. V. Henry, qui a été publié en volume dès 1901. V. T.

19.

20.

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III. LANGUES ET LITTÉRATURES ROMANES.

Émile Faguet, André Chénier (Les Grands Écrivains: Français). Paris, Hachette, 1902, 189 p. Prix: 2 fr.

- Félix Hémon, Cours de littérature, xx: A. Chénier. Paris, Delagrave, 1901, 108 p.

Salut Thrace, ma mère et la mère d'Orphée,
Galata, que mes yeux désiraient dès longtemps;
Car c'est là qu'une Grecque, en son jeune printemps,
Belle, au lit d'un époux nourrisson de la France,
Me fit naître Français dans les murs de Byzance...

---

avec

On sait et M. Faguet a pris soin de nous le redire quelle « complaisance André Chénier a souvent rappelé son origine et son lieu de naissance ». On sait aussi combien il eut le culte de la terra patria que le hasard lui avait donnée, et à quel point il fut ou voulut rester Grec. Mais, bien que né dans le faubourg de Galata, à Constantinople, on le voit devenir « un petit Parisien dès un âge. assez tendre », et il est « élevé dans un monde très littéraire, très artistique et très savant ». Bientôt le futur poète des Idylles s'en va prendre une « vue directe de la nature » dans le Languedoc où il fait divers séjours. Il est mis, vers 1773, au collège de Navarre d'où il sort sans « vocation pour aucune profession déterminée ». Faute de mieux, il entre dans l'armée; il s'y déplaît, il y reste peu de temps et l'ayant quittée, il « se consacre désormais uniquement aux lettres, à l'amitié, à l'amour et au monde ». En nous relatant ce qu'il appelle ses « années d'apprentissage », M. Faguet nous expose son caractère, ses goûts, ses lectures, ses idées et il insiste sur un Chénier peu connu, sur un Chénier portraitiste et peintre de mœurs qui fait parfois songer à La Bruyère. Il nous explique en même temps sa poétique, et cette poétique est qu'il faut « être pénétré des anciens, être naturel, être passionné », c'est-à-dire, suivant le poète lui-même, « créer avec les anciens », ou d'après M. Faguet, « les mêler à soi comme la sève au tronc et les faire vivre en soi et jeter des rameaux nouveaux et des fleurs nouvelles ». On pourrait la résumer en disant : « Faisons des vers nouveaux sur des pensers antiques ».

Il travaille alors, comme ç'a toujours été son habitude du reste, en tenant tous ses ouvrages à la fois sur le métier. Tandis que la biographie de son âme » en est à cette « première manière » qui consiste à « sentir, être ému et voir » comme Homère, Callimaque ou Théocrite, la « biographie de ses aventures » s'augmente d'un voyage en Suisse et en Italie. De retour à Paris vers la fin de 1784, il aura une seconde manière, une « manière mondaine », mais le « poète antique » gardera une sorte de « gravité dans les choses d'amour ou même de galanterie, qui fait qu'il rompt absolument avec l'élégant et spirituel badinage du XVIIIe siècle. Ici, M. Faguet me paraît un peu trop dire et, en s'exprimant ainsi, il le détache de son temps. vraiment plus qu'il n'est permis. Il continue en rappelant que Chénier «< penchait vers l'épicurisme élégant » et qu'il avait besoin de passer par l'école du malheur pour se retrouver et se ressaisir. Il part pour Londres où nous le voyons vivre une vie d'abandon et d'exil,

Sans parents, sans amis et sans concitoyens,
Oublié sur la terre et loin de tous les siens...

Lorsqu'il est rentré à Paris, sa troisième manière commence, celle où il dira, selon M. Faguet: Pratiquons les anciens, non plus pour les imiter, mais pour apprendre leur art; prenons-les comme << maîtres de pensée, comme éducateurs de l'imagination ». C'est l'idée qu'il a rendue par les mots bien connus:

Allumons nos flambeaux à leurs feux poétiques :

Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques.

Voilà comment, d'après l'observation de M. Faguet - observation peut-être bien subtile « vers 1788, il pense et il va dire sur la mission du poète l'inverse et presque le contraire de ce qu'il écrivait vers 1785, il rédige un art poétique qui est l'inverse ou presque le contraire de celui qu'il avait écrit vers 1785; et c'est le poème de l'Invention ».

Dans un chapitre qu'il intitule: Dernières Années Troisième manière, il nous le montre transformé par la Révolution en un violent satirique et il analyse son grand poème ébauché l'Hermès, recherchant l'époque probable de sa composition et indiquant de quelle façon Chénier l'aurait divisé et développé s'il avait eu le temps de l'achever : « On voit assez que ce poème eût été vraisemblablement le plus beau poème philosophique de toute la littérature française... »; mais tout en risquant cette supposition, M. Faguet en corrige la hardiesse par cette réserve: «Il me semble que ce qui eût quelquefois fait un peu défaut à l'Hermès, c'est encore la puissance poétique, ou plutôt l'éclat poétique nécessaire en un sujet aussi magnifique que celui-ci >>

Avant sa mort, Chénier a connu la célébrité, et néanmoins l'«< on ignorait totalement son génie ». Il n'avait publié que le Jeu de Paume, l'Hymne pour l'Entrée triomphale des Suisses révoltés du régiment de Châteauvieux, l'Avis aux Français sur leurs véritables ennemis et des articles dans le Moniteur et le Journal de Paris. Il ne resta pas longtemps « inconnu ». Ainsi qu'on sait, l'histoire de sa réputation est une des plus intéressantes qui soient: M. Faguet nous la conte, ce qui signifie qu'il nous conte l'histoire de ses manuscrits et des éditions diverses de ses œuvres au cours du XIXe siècle. Faut-il ajouter qu'en le faisant, il rencontre la question qu'on n'évite pas lorsqu'on parle de Chénier Classique ou romantique? Fort admiré de la jeunesse littéraire de 1820 à 1825, Chénier n'a pourtant pas été son véritable inspirateur. Sans doute, il a une note de mélancolie, des accents personnels et une souplesse de versification qui le rapprochent d'elle. Mais « par son néo-hellénisme et la pureté brillante de sa forme »>, est bien plus l'ancêtre des Parnassiens.

il

Dans ce livre, M. Faguet a dit beaucoup de choses et de bonnes

choses. Peut être cependant n'a-t-il pas assez rattaché son poète au XVIIIe siècle; tout en le maintenant au rang de gloire qu'il lui assigne, il aurait dû relever, au passage, telle trace de l'école descriptive dans son œuvre. Au fait, Chénier en a, plus qu'il ne le laisse entendre, suivi les errements et surtout il a eu, comme elle, le goût de la périphrase. En outre, il tient encore au XVIIIe siècle par un sensualisme qui n'est pas ici suffisamment indiqué et condamné. Avant cette étude, une autre sur le même écrivain avait paru dont la lecture est également recommandable. C'est celle que M. Hémon a publiée dans son Cours de littérature. Elle est précédée d'une Histoire sommaire de la poésie lyrique en France qui part des troubadours pour aboutir à Lamartine et Hugo. Elle ne comprend que 15 pages. C'est dire que l'auteur n'a voulu qu'esquisser le sujet. Il en a réservé 50 à Chénier : nous avons d'abord un aperçu sur la poésie en son siècle, puis un coup d'œil sur sa vie, vie dont il s'efforce de montrer l'unité réelle malgré des contrastes apparents, car, « au premier abord elle semble coupée en deux parties qui s'opposent, la première étant d'un épicurien qui s'entend à bien vivre et la seconde d'un stoïcien qui sait bien mourir ». Cet homme, que fut-il, à le juger d'après les Élégies? Dans quelle mesure ses poésies grecques sont-elles antiques? Telles sont les deux questions que se pose ensuite M. Hémon. Après cela, c'est le chantre des poèmes modernes, c'est l'écrivain politique de la Révolution qu'il apprécie. Naturellement, il termine, lui aussi, par l'histoire de son influence et de ses œuvres.

Je ne puis songer à noter et discuter les divergences d'appréciation qui se remarquent entre son exposé et celui de M. Faguet. Qu'il me suffise de rappeler que M. Hémon est un fin connaisseur en matière de belles-lettres françaises. Les pages qu'il consacre ici au poète antique et à l'homme des « pensers nouveaux » le prouvent encore. On sait les services précieux que peuvent rendre, dans l'enseignement, les diverses études de son Cours de littérature (1): on y trouve, en abondance, des sujets de narrations, lettres, dialogues, dissertations et leçons se rapportant aux écrivains qui en fournissent l'objet, ainsi que des jugements empruntés à des critiques de renom. On y trouve aussi des bibliographies soigneusement élaborées. A celle de Chénier, il ne faut pas manquer d'ajouter un livre remarquable que M. Hémon n'avait pu citer encore : c'est celui de M. Faguet.

21.

G. DOUTREPont.

G. Rudler. L'explication française, principes et applications. A. Colin, Paris, 1902. 3 fr.

De tous les exercices scolaires, l'explication française est sans con(1). Voy. Bull. du Musée, décembre 1901 et juillet 1902.

tredit le plus délicat. Bien des jeunes maîtres intelligents, instruits, ne savent comment s'y prendre pour réunir les matériaux de leurs leçons, et, en présence de leurs élèves, se jettent dans la paraphrase ou bavardent loin du texte, sans mesure. Les nombreux recueils d'analyses littéraires, les ouvrages publiés sur cette matière ne leur sont d'aucune utilité, car, généralement, ils n'offrent pas un caractère assez pratique ou se bornent à énoncer des appréciations toutes faites.

Peut-on d'ailleurs rédiger une théorie de l'explication française ? Telle est la question que je me posais en lisant le titre de l'ouvrage de M. G. Rudler: Principes et applications. Une explication, me disa isje, ne s'écrit pas, elle se parle. Aussi ai-je abordé la lecture de ce livre avec certaines préventions; mais elles ont été vite dissipées, car la théorie exposée par l'auteur est très suggestive et les essais de commentaire sont précis, simples et surtout pratiques.

Les règles de l'art d'expliquer sont enseignées aussi brièvement que possible en trois chapitres, dont le premier définit l'explication conçue dans un esprit scientifique, et les deux autres donnent le détail de la théorie en montrant comment se prépare l'explication et comment elle se compose.

Voici l'ordre proposé par l'auteur pour l'étude de l'ensemble ou du fond; ce plan est le meilleur résumé que l'on puisse offrir des principes exposés :

« 1o Nous présentons tous les éclaircissements historiques, qui ont pour objet de restituer autour de notre texte son atmosphère primitive vraie et de lui rendre son accent, sa sonorité exacts.

Passant aux caractères intrinsèques du texte :

2o Nous le lisons à haute voix.

3o Nous le situons dans l'œuvre, nous le remettons à sa place dans la chaîne des déductions, à son moment dans le drame, etc.

4o Nous constatons ou nous analysons l'idée générale, le sentiment dominant du morceau.

5o Nous en démêlons le plan général de composition, la division en parties, le mouvement et la construction d'ensemble, si c'est de la prose; si c'est de la poésie, la construction rythmique et mélodique générale.

6° Nous en faisons ressortir les qualités littéraires ou les caractères moraux saillants.

7o S'il reste à présenter quelques renseignements extérieurs qu'il a paru inutile de présenter sous le titre 1o, ils trouvent ici leur place naturelle. »

En se plaçant successivement à ces points de vue, on a chance,

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