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sur sa conduite et sur ses opinions. On ne put III. Ept douter que ce rassemblement dans les appar- 1790. tements du roi, ne fût concerté avec les mouvements extérieurs; et peut-être lui seul n'était pas dans le secret. Mais tous ces plans, toujours partiels, aidés de petits moyens, et dirigés par des chefs sans accord et sans autorite reconnue, ne pouvaient produire que le mal qu'ils se feraient à eux-mêmes, et ne pouvaient tendre à un but déterminé. Dès le lendemain, Paris retentit des imprimés criés dans les rues, contenant les détails de la conspiration. On afficha des gravures représentant les poignards, d'une forme bizarre et effrayante, que l'on avait trouvés sur ceux qui avaient été désarmés chez le roi. Tous ces moyens d'exciter la fureur du peuple, trop souvent employés dans les révolutions, paraissent nécessaires pour soutenir l'enthousiasme: mais trop souvent aussi cette arme se tourne contre ceux mêmes qui en ont amené l'usage; et l'exagération qui veut établir la liberté, est aisément surpassée par l'exagération qui veut la détruire. Le roi fut malade plusieurs jours; 19 avril. chaque jour, quatre membres de l'assemblée furent nommés pour aller prendre chez le roi le bulletin de l'état de sa maladie; et il était lu à l'ouverture de chaque séance. L'année précédente, il avait été, avec sa famille, passer une partie de l'été à Saint-Cloud, et se disposait au

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1. Ep. même voyage; il était déja en voiture, dans les cours du château, avec la reine et ses enfants, lorsque les gardes nationales mêmes s'attroupperent tumultuairement, et les empêchèrent de partir. Les représentations des officiers municipaux et militaires furent inutiles; les propos les plus animés se faisaient entendre autour de lui : « Nous pourrions bien, dit-il, aller d'ici à la Grève.» Lafayette arriva, et ne se ménagea pas pour en imposer aux plus séditieux. Il offrit enfin au roi de lui ouvrir un passage par la force; il préféra sagement de rester; et fit rentrer les voitures. Cette émeute, absolument imprévue, avait plusieurs motifs et peut-être plusieurs auteurs. La facilité du roi ne plaisait pas au parti qui se croyait le sien. En même temps des bruits d'inquiétude étaient répandus parmi le peuple; et la tribune des jacobins, qui, tous les jours, de plus en plus devenait un tribunal, avait déja retenti plusieurs fois de déclamations violentes contre ce voyage, qui, disait-on, n'était que le prétexte d'un départ, ou plutôt d'une fuite. Les récits les plus ridicules se redisaient dans les rangs de la garde nationale. C'était pour massacrer qu'on voulait l'amener à Saint-Cloud, où des aristocrates étaient cachés dans de vastes souterrains. Les bataillons qui s'étaient formés dans les Tuileries, étaient tellement partagés d'opinions, qu'un de leurs chefs, ayant promul

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gué que ceux qui voulaient maintenir la loi, III.* Ep. eussent à passer d'un même côté. Plus de la 1799. moitié resta. La reine, par un propos inconsidéré, donna peut-être l'idée de ce mouvement: « Le peuple est las d'émeute, dit-elle un jour à Lafayette. » Et un peu d'ironie se mêlait à son accent. Ceux qui entendirent ce mot, purent croire nécessaire de la détromper. Dès le jour même, le département convoqua le grand conseil de la commune, et les sections durent délibérer s'il convenait de prier le roi de suivre son projet de voyage, ou le remercier de sa résolution d'y renoncer. Cette fois le peuple agit en souverain. Toutes les sections dirent qu'il n'y avait pas lieu à délibérer.

Le roi se rendit à l'assemblée; et, dans un dis- 20 avril cours plein de dignité et de raisonnement, montra combien il importait à la constitution que ses sanctions et acceptations portassent un caractère non équivoque de liberté. Il renouvela ses assurances d'attachement à la liberté publique et à la constitution, «< dont la constitution civile du clergé, dit-il, fait partie. » Cette phrase dut être remarquée. Ni le caractère de Louis XVI, ni les événements qui suivirent, ne peuvent donner quelque certitude sur ses pensées antérieures à cette époque, ni s'il méditait déjà, et s'il ne voulait que mieux cacher, son évasion. On peut croire seulement que s'il eût eu une politique assez

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III. Ep. exercée pour couvrir avec une si profonde dissimulation ses projets ultérieurs, sous les apparences de la franchise et de la bonne foi, il eût dû retrouver en lui cette même science, pour se conduire dans les circonstances qui suivirent, et qu'il ne sut jamais ni diriger, ni tourner à son avantage, quoiqu'il en eût souvent l'occasion.

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Lafayette donna sa démission, et ne la retira que sur les instances, prévues sans doute, mais réitérées, des députations de chaque bataillon. Ce voyage avait pour objet un motif de conscience : le roi voulait faire ses Pâques, par ministère d'un prêtre non sermenté : « Si la conscience de votre majesté, lui dit Lafayette, est engagée, je respecte la liberté des cultes, et nous périrons, s'il le faut, pour la mainte nir; mais daignez me dire que cet acte est un point de religion pour vous, cette considération seule doit l'emporter sur tout..... » Le roi hésita; dès-lors, un autre motif, quel qu'il pût être, ne parut plus suffisant pour risquer un grand mouvement, que la fermentation du moment rendait probable.

Le lendemain, la municipalité fit une députation au roi. Le maire, dans son discours, lui dit : « Nous vous prions, sire, d'éloigner de vous ces hommes qui, sous l'apparence de l'attachement, trompent votre ame franche et loyale, et l'envi

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ronnent de piéges. » Il lui parla des inquiétudes III.• Ep: du peuple: « C'est à vous, dit le roi, à le tranquilliser et à le rassurer; c'est votre premier devoir, vous que le peuple a élu.» Le maire insista; et l'humeur brusque et sévère que le roi mit dans sa réplique, portait un caractère de vérité, que la dissimulation imite difficilement dans les mouvements de l'ame, prompts et non prévus. Enfin, peu de jours après, le roi fit écrire, par le ministre Montmorin, une lettre circulaire à tous les ministres dans les cours étrangères, pour y manifester son adhésion à la constitution. Il avait perdu, peu de jours avant, l'homme qui, s'il eût vécu, eût pu lui devenir utile et à la chose publique, Mirabeau. Depuis longtemps sa santé s'usait, par tous les excès et par celui du travail. Les derniers moments de la vie de l'homme, où les jugements de la raison l'emportent sur les passions et sur les opinions, lui avaient montré, qu'avec de grands talents, l'immoralité est une faute de conduite; et, fatigué des succès balancés d'une popularité achetée ou vendue, et toujours disputée, il pensait que, dans les circonstances d'alors, la liberté publique de son pays n'était compatible qu'avec une monarchie bien ordonnée, et limitée par une constitution assurée. Il avait tourné ses pensées vers ce but. Le besoin de l'estime publique lui faisait dire, le jour de sa mort: « Il vaut mieux pour Pièces já

Tome I.

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