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X

AVERTISSEMENT

DE

L'ÉDITEUR.

L

Es réimpreffions des lettres de Madame de Sévigné ont été fi fréquentes en France & dans les Pays Etrangers, qu'une nouvelle Edition devenoit inutile, fi ces Lettres n'avoient eu qu'une vogue paffagere. Mais, puifqu'il eft certain qu'elles iront à la postérité, tout femble avoir exigé qu'on les fit reparoître avec un nouvel éclat.

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Il y a déja quelques années, qu'après bien des recherches j'eus le bonheur de recouvrer un nombre confidérable de Lettres de la mere à la fille, que je croyois, ou perdues, ou égarées: je compris dès-lors que fi on les inféroit

dans une feconde Edition, felon l'ordre chronologique parmi celles qui ont déja paru, ce feroit rendre un nouveau fervice au Public; & je fentis en même-temps que la premiere Edition auroit befoin d'être revue fur les originaux mêmes, fi on vouloit que celle-ci acquît une plus grande perfection.

Mais combien de difficultés vinrent enfuite s'offrir à mon efprit Il falloit débrouiller les nouvelles Lettres, en découvrit les dates; il falloit revenir fur les anciennes ; il falloit accompagner les unes & les autres de quelques notes affez courtes pour ne point embarraffer le texte, mais néceffaires à la plupart des Lecteurs. En un mot, j'étois comme effrayé à la vue d'une entreprife que j'aurois infailliblement abandonnée, fi je n'avois moins confulté mes forces, que mon zele pour la mémoire de Madame de Sévigné.

Les fonctions d'un Editeur.ne font pas toujours auffi bornées qu'on le penfe ordinairement. Jaloux du fuccès d'un Ouvrage pofthume qu'il publie, il doit fe repréfenter fans ceffe ce qu'auroit fait l'Auteur lui-même, fi celuici avoit eu le temps d'y mettre la derniere main. Il eft vrai que l'Editeur n'a jamais le droit de mêler quelque chofe du fien dans l'Ouvrage d'un autre; mais lui contestera-t-on la liberté de fupprimer ce qui ne lui paroît point également propre à voir le jour ? Or, comme il s'agit de faire un choix, & que ce choix dépend de l'intelligence & du gout de l'Editeur, je conviendrai fans peine qu'il n'a manqué à la gloire de Madame de Sévigné qu'un Pelliffon, pour lui rendre après fa mort les mêmes fervices qu'il rendit autrefois à Sarafin, & que de nos jours l'Abbé Maffieu a rendus à un Académicien de fes amis. Les admirables Préfaces de

Meffieurs Pelliffon & Mafficu peuvent-elles feules dédommager le Public de n'avoir pas reçu des mains mêmes de Sarafin & de Tourreil les excellentes pro ductions qu'ils ont laiffées? Mais perfuadé qu'on ne me foupçonnera point de la fotte vanité de croire avoir réuffi, comme ces deux illuftres Editeurs, je me contenterai de dire que j'ai du moins tâché de fuppléer par une application longue & affidue, à tout ce qui me manque d'ailleurs.

Si Madame de Sévigné avoit prévu que fes Lettres feroient un jour imprimées, il eft à préfumer qu'elle y auroit mis, & plus d'art, & plús de foin; mais eft-il bien sûr qu'elle fût arrivée au point de perfection que l'on remarque dans fes Lettres, fi en les écrivant, elle ne s'étoit entiérement livrée à fon naturel ( 1 )? Son

(1) J'ai toujours pensé qu'il en étoit de Madame de Sévigné pour les Lettres, com

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