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Au refte, le P. Bourdaloue prêche divi nement bien aux Tuileries. (1) Nous nous trompions dans la pensée qu'il ne joueroit bien que dans fon tripot; il paffe infiniment tout ce que nous avons ouï.

Adieu, mon très-cher Comte, votre frere a prêché tantôt avec une approbation, générale & fincere.

LETTRE IX.
A U MÊME.

A Paris, Mercredi 10 Décembre 1670.

ADAME de Coulanges m'a mandé

Mplus de quatre fois que vous m'ai

miez de tout votre cœur, que vous parliez de moi, que vous me fouhaitiez. Comme j'ai fait toutes les avances de cette amitié, & que je vous ai aimé la premiere, vous pouvez juger à quel point mon cœur eft content d'apprendre que vous répondez à cette inclination que j'ai pour vous depuis fi long-temps. Tout ce que vous écrivez de votre fille, eft admirable. Je n'ai point douté la bonne fanté de la mienne ne que vous confolât de tout. J'aurois eu trop de joie de vous apprendre la naiffance d'un

(1) C'est-à-dire, à la Cour, qui étoit alors au Palais des Tuileries.

petit garçon; mais c'eût été trop de biens à la fois, & ce plaifir que j'ai naturellement à dire de bonnes nouvelles, eût été jusqu'à l'excès. Je ferai bientôt dans l'état où vous me vites l'année paffée ; il faut que je vous aime bien pour vous envoyer ma fille par un fi mauvais temps. Quelle folie de quitter une fi bonne mere, dont vous m'affurez qu'elle eft fi contente, pour aller chercher un homme au bout de la France! Je vous affure qu'il n'y a rien qui choque tant la bienféance que ces fortes de conduites. Je crois que vous aurez été touché de la mort de cette aimable Ducheffe. J'étois fi affligée moi-même, que j'aurois eu befoin de confolation en vous écrivant.

Ma fille me prie de vous mander le mariage de M. de Nevers: (1) ce Monfieur de Nevers fi difficile à ferrer, ce Monfieur de Nevers fi extraordinaire, qui glisse dés mains alors qu'on y penfe le moins; il époufe enfin, devinez qui? Ce n'eft point Mademoiselle d'Houdancourt, ni Mademoiselle de Grancei; c'est Mademoiselle de Thianges, (2) jeune, jolie, modefte, élevée à l'Abbaye-aux-Bois. Madame dé Montespan en fait les noces Dimanche; elle en

(1) Philippe-Julien Mazatini-Mancini, Duc de Nevets.

(2) Diane-Gabrielle de Damas, fille de ClaudeLéonor, Marquis de Thianges, & de Gabrielle de Rochechoua:t-Mortemar, fœur de Madame de

Montefpan.

fait comme la mere, & en reçoit les honneurs. Le Roi rend à M. de Nevers toutes fes charges; de forte que cette Belle qui n'a pas un fou, lui vaut mieux que la plus grande héritiere de France. Madame de Montefpan fait des merveilles par-tout. Je vous défends de m'écrire : écrivez à ma fille, & laiffez-moi la liberté de vous écrire fans vous embarquer dans des réponses qui m'ôteroient le plaifir de vous mander des bagatelles. Aimez-moi toujours, mon cher Comte, je vous quitte d'honorer ma gran ́de maternité; mais il faut m'aimer, & vous affurer que vous n'êtes aimé en nul lieu du monde fi chérement qu'ici.

Ne manquez pas d'écrire à Madame de Briffac, (3) je l'ai vue aujourd'hui ; elle eft très-affligée: elle m'a parlé du déplaifir qu'elle croit que vous aurez en apprenant la mort de fa mere.

M. de Foix et quelquefois à l'extrémité, quelquefois mieux; je ne répondrai point cette année de la vie de ceux qui ont la petite vérole.

Il y a ici un jeune fils du Landgrave de Heffe, qui eft mort de la fievre continue fans avoir été faigné : fa mere lui avoit recommandé en partant de ne point fe faire faigner à Paris; il ne s'eft point fait faigner, il est mort.

(3) Gabrielle-Louise de Saint-Simon Ducheffe de Briffac, fille de Claude, Duc de Saint-Simon, & de Diane-Henriette de Budo..

Noirmoutier eft aveugle fans reffource. Madame de Grignan peut reprendre toutes les vieilles réflexions qu'elle avoit faites làdeffus. La Cour eft ici, & le Roi s'y ennuie à tel point, qu'il ira toutes les femaines trois ou quatre jours à Versailles.

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Le Maréchal de la Ferté dit ici des chofes nompareilles il a préfenté à fa femme le Comte de Saint-Paul, (4) & le petit Bon, (5) en qualité de jeunes gens qu'il faut préfenter aux Dames: il fit des reproches au Comte de Saint-Paul d'avoir été fi longtemps fans l'être venu voir. Le Comte a répondu qu'il étoit venu plufieurs fois chez lui, qu'il falloit donc qu'on ne lui eût pas dit.

LETTRE X.

A M. DE COULANGES.

A Paris, Lundi 15 Décembre 1670.

E m'en vais vous mander la chofe fa

Jplus étonnante, la plus furprenante, la

plus merveilleufe, la plus miraculeufe, la plus triomphante, la plus étourdiffante, la plus inouie, la plus finguliere, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus

(4) Depuis Duc de Longueville.
(s) Le Comte de Fiefque,

imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus fecrete jufqu'aujourd'hui, la plus brillante, la plus digne d'envie ; enfin, une chofe dont on ne trouve qu'un exemple dans les fiecles paffés; encore cet exemple n'eft-il pas jufte: une chofe que nous ne faurions croire à Paris, comment la pourroit-on croire à Lyon? une chose qui fait crier miféricorde à tout le monde; une chofe qui comble de joie Madame de Rohan & Madame de Hauterive; une chofe enfin qui fe fera Dimanche, où ceux qui la verront croiront avoir la berlue;une chofe qui fe fera Dimanche,& qui ne fera peut-être pas faite Lundi. Je ne puis me réfoudre à vous la dire, devinez-la, je vous le donne en trois;jettez-vous votre langue aux chiens? Hé bien, il faut donc vous la dire. M. de Lauzun (1) épouse Dimanche au Louvre, devinez qui? Je vous le donne en quatre, je vous le donne en fix, je vous le donne en cent. Madame de Coulanges dit voilà qui eft bien difficile à deviner; c'eft Madame de la Valiere. Point du tout, Madame. C'eft donc Mademoiselle de Retz ? Point du tout; vous êtes bien Provinciale. Ah! vraiinent nous fommes bien bêtes; dites-vous, c'eft Mademoiselle Colbert. Encore moins. C'eft affurément Mademoiselle de Crequi.

:

(1) Antonis Nompar de Caumont, Marquis de Puiguilhem, depuis Duc de Lauzun.

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