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SECTION II.

Des élémens qui constituent nos corps.

CHAPITRE PREMIER.

De la santé et de la maladie en général par rapport au moral.

Si nos corps étoient formés d'une substance unique, telle que l'or ou le diamant, ils seroient inaltérables et sans douleur, puisqu'ils n'auroient aussi ni action, ni plaisir. Mais étant composés d'un mélange divers d'élémens dont chaque degré constitue un tempérament, les rapports de ces substances entr'elles varient sans cesse par les alimens, les températures, l'air, l'âge, etc. Chaque genre de nourritures altère à sa manière l'équilibre de la vie, soit par ses qualités, son excès ou son défaut, soit par son inégale distribution dans les organes. L'homme meurt et se corrompt, parce qu'il se nourrit de substances mortelles et corruptibles qui tendent chacune en leur sens à rentrer dans le règne inorganique.

La santé consiste dans une harmonie par

faite de tous les organes et de tous les mouvemens, de sorte que chaque partie se met à l'unisson de toutes et se tend au même degré. L'égalité des efforts opposés équivaut à un repos, et tout organe ayant son antagoniste, ils se maintiennent comme les plateaux d'une balance qui se contrepèsent. Chaque partie a donc une quantité de vie égale à celle des autres parties, le pied autant que la tête, puisqu'il ne prend pas plus de force, d'accroissement, d'action qu'il convient au tout. Ainsi les organes correspondent entr'eux par cet équilibre, de telle sorte qu'on n'en peut attaquer un seul sans que tous y compatissent.

Dans les corps parfaitement tempérés, la symétrie étant exacte entre leurs organes, elle établit l'unité et la sympathie dans toute l'économie; car les corps immodérés ou mal équilibrés paroissent démembrés et leurs pièces ne sont pas aussi bien correspondantes. Chaque partie d'un corps dans son parfait unisson, partageant également les forces vitales, elles se soutiennent réciproquement, et jouissent d'une santé régulière, en divisant l'effort des maladies. Dans les corps inégalement tempérés, si une partie est attaquée, les autres y compatissent moins, et ne partageant pas également le mal, il opprime de

toute sa force l'organe où il tombe. Aussi les individus de forme monstrueuse ayant des membres hors d'équilibre, traînent une vie souffrante, ou plutôt achèvent de mourir, Lorsque chaque organe agit uniformément sur tous les autres, et les autres sur lui, le corps a par-tout le même ton de forces; c'est comme un tissu tendu de tous côtés pareille. ment, et qui se soutient par-tout; mais l'inégalité de tension cause des déchiremens.

Chaque individu a sa santé particulière qui seroit maladie pour tout autre tempérament. Bien que la meilleure santé consiste dans le plus juste équilibre de nos forces, et dans les convenances parfaites de notre corps avec les élémens de la nature qui nous touchent il est impossible que cet état reste constant et inaltérable; car toute notre vie n'est que changement. Un corps trop également tempéré et dans un tel milieu qu'il ne pencheroit pas plus vers un objet que vers l'autre, demeureroit dans une inaction aussi parfaite que la statue de Polyclète, regardée comme le modèle de nos justes proportions. C'est par le défaut d'un principe que nous penchons vers lui; ainsi nous aspirons après les nourritures et la boisson, lorsque notre corps réclame ces élémens: toute nature tend à se completter et ne peut

trouver le bien-être de la santé qu'en attirant ce qui lui manque et en rejetant ce qui est en excès. La concorde des élémens produit la santé, dans l'ordre physique, comme la concorde des affections et des sens produit la juste raison, dans l'ordre moral.

Les élémens de nos corps n'étant susceptibles que d'une inégalité déterminée et relative au tempérament, chaque individu n'a qu'une certaine capacité pour les maladies. La grosse santé fait aussi les fortes maladies; dans les chétifs, elles sont plus foibles; elles sont vives dans les corps vifs, et lentes lorsque le mouvement organique est languissant comme dans la vieillesse; elles sont nombreuses quand elles sont petites, comme chez les femmes et les tempéramens mous; rares quand elles sont grandes, comme dans les hommes et les complexions robustes.

Lorsqu'une maladie attaque un seul organe,' souvent le médecin prudent la répartit sur les autres, ou la rend extérieure et générale, afin qu'elle soit mieux supportée par le concours de tous; sur-tout si la partie attaquée est naturellement foible, les maladies y conspirent d'un effort principal, comme l'eau qui s'écoule vers les lieux bas. Aussi les dérivatifs comme les vésicatoires, les rubéfians, les exutoires

sont indiqués dans le traitement des maladies graves qui ne se guérissent qu'en se généralisant dans tout le corps. Nos organes se tenant entr'eux, leur effort commun surmonte plus aisément le poids du mal. On peut de même faire diversion à l'affection d'une partie, en l'attirant dans son organe antagoniste; car le corps est composé de contre-poids égaux qui établissent des rapports d'opposition, comme les muscles antagonistes d'un membre le maintiennent en repos lorsqu'ils tirent également en tous sens. Mais si l'un d'eux se contracte plus que son opposé, le membre est fléchi, ou lorsqu'un muscle se relâche plus que son antagoniste, la flexion se fait dans un sens contraire. La nature conserve ainsi sa mobilité et sa vie : les mamelles font le contre-poids de la matrice, les testicules sympathisent avec la gorge, le cerveau avec le foie et l'estomac qui correspond aussi avec les pieds comme dans la goutte, avec les reins, comme dans la colique néphrétique, avec les vaisseaux hémorrhoïdaux, etc. Les organes internes répondent aux externes; de-là vient l'usage des révulsions, car on détourne quelquefois la pulmonie en attirant sur la peau une humeur telle que la gale, et on a vu le flux hémorrhoïdal dissiper la manie. Il y a même des maladies

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