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>> cesse environnées de la Divinité, elles puisent >> dans cette source d'intelligence les semences » de toutes leurs pensées. Elles réfléchissent » comme un miroir la lumière de toute con> noissance. Toutefois l'homme ne peut rece>> voir ces idées que d'une manière déterminée » par la forme de ses organes; si leur structure » est altérée, il reçoit des sensations et des images désordonnées en même proportion. » Pour aspirer dans toute sa pureté cette science >> divine, l'ame bien réglée abandonne les sens; » elle s'épanouit dans l'étendue céleste, et » s'échauffe aux rayons de la lumière immor» telle; elle ne revoit plus son corps que comme » un lieu d'exil; elle est sur la terre comme n'y >> étant point; elle en ignore les affaires incon>> stantes pour s'attacher aux objets immortels » comme les seuls réels. Tels sont ces hommes simples comme des enfans, qui, privés d'esprit dans la société de leurs semblables, incapables d'acquérir ou de conserver des » richesses, indifférens à tout, sans s'affliger » de l'adversité ni se réjouir de la prospérité,

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ame en propre et responsable de la moralité de ses actions, il y a une si grande diversité dans les intelligences humaines, qu'aucune ne ressemble à l'autre entièrement, non plus que les corps. Nous expliquons comment les ames peuvent agir ensemble. Liv. 3, sect. 2, part. 1, ch. 1.

» vivent sans inquiétude au travers des dan»gers; car ils savent que le monde passe. >> Soumettant leur corps et le macérant par des » austérités, ils amincissent le voile au travers >> duquel l'ame n'apperçoit que les ombres pas» sagères d'un autre Univers >>.

CHAPITRE VII.

De la forme essentielle de l'ame, comment elle connoît naturellement le vrai et le beau.

DANS les sujets indifférens que nous comprenons clairement, comme dans une opération d'arithmétique ou une démonstration de géométrie, nous jugeons tous également bien. Les idées de raison, de rectitude sont naturelles dans tous les esprits qu'aucune passion et aucun intérêt particulier ne font pencher en un sens. Qui donne' aux sauvages, aux enfans, des idées de justice si vives, si présentes, que l'injustice les révolte encore plus que nous en qui la vue continuelle du mal affoiblit ce sentiment? L'ame est ainsi formée que tous les hommes, d'un commun consentement, sans instruction, sans convention, jugent bien d'une pièce de théâtre, d'un discours ou de tout autre ouvrage, s'ils les com

prennent bien. Le sens commun est, dans tous, une sorte de moule général qui n'admet que les formes qui s'y rapportent. Sans ce germe inné de vérité, nous n'inventerions rien, nous ne saurions que des choses apprises, et resterions toujours au même point comme les animaux. Au contraire, à l'aide de cette lumière naturelle, un géomètre pénètre de lui-même plus profondément dans la science. L'idée d'un Dieu, sans être immédiatement empreinte en nous, est produite par la réflexion de l'esprit sur son origine; l'ouvrage reconnoît l'ouvrier; aussi cette idée se rencontre parmi toutes les nations du monde, bien que diversement modifiée par plusieurs religions locales. De même, quand on tiendroit au fond d'un désert, un jeune homme dans l'ignorance la plus absolue sur l'amour, la nature ne laisseroit pas de parler à son coeur; de nouvelles idées germeroient d'elles-mêmes dans sa tête et lui révéleroient ce qui manque à son état.

Malgré sa dégradation, l'ame ne perd pas tout: un sentiment incorruptible subsiste même dans les scélérats. Néron, monstre accoutumé aux crimes, ne put reposer une seule nuit tranquille après le meurtre de sa mère. La voix terrible du sang redemande le sang; les forfaits se punissent eux-mêmes au défaut d'une autre

justice et les tyrans payent dans leur cœur tous les tourmens qu'ils font éprouver. Mais d'où vient, au contraire, cette assurance dans l'innocent opprimé? La Nature rétablit l'équilibre des ames; afin d'égaler la foiblesse à la force, elle nous détermine sur-le-champ pour la bonne cause dans toute affaire étrangère à nous-mêmes. Pour péu que, dans le silence des passions, nous écoutions la voix obscure de la conscience; elle nous dirigera toujours bien, parmi les choses douteuses. Dieu n'a pas voulu, sans doute, livrer l'homme à la témérité de ses propres conseils. Qu'étoit le génie familier de Socrate, sinon ce sentiment intérieur, plus développé dans une amė aussi réglée ?

Jamais les hommes ne pourroient s'entendre' et vivre en société, si quelques notions communes ne les rassembloient pas. Leur consentement unanime pour les vérités premières,' montre une forme unique dans tous les esprits; de-là vient qu'en des temps et des lieux différens, leurs pensées et leurs actions se rencontrent. Si l'aiguille aimantée éprouve en diverses contrées et à certaines époques des variations, elle tend cependant toujours vers son pôle; ainsi la vérité est le pôle où tous les esprits aspirent, quelle que soit leur diversité.

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S'il n'existoit aucun type fondamental, nous manquerions de règle pour juger. Comme une balance ne suffit pas, si l'on n'a encore des poids étalonnés pour reconnoître exactement la pesanteur des objets, de même nous posséderions en vain la faculté de connoître si nous n'avions une mesure, un poids de la vérité qui nous donnât les rapports réels de chaque chose. Si cette règle ou cette mesure dépendoient des hommes, comment seroient-elles uniformes, constantes? Cependant, dans tous les siècles et tous les pays, l'on trouve une raison universelle, un sens commun que nous n'avons pas établi nous-mêmes, Le Hottentot, l'Indien, l'Américain, quoique diversement éclairés, quoique livrés chacun à leurs opinions, se réunissent tous aux mêmes principes d'équité, de vérité, de bon sens, lorsqu'ils suivent leur lumière naturelle. C'est l'essence de notre ame qui naissant avec nous, est la source de toutes nos inventions (1). Toute la nature étant formée suivant certaines règles fixes, au compas du grand Géomètre, les êtres qui en résultent ont entr'eux des rapports nécessaires ou une loi naturelle.

(1) Bacon, novum organum, §. 122. Rerum enim inventio, a naturæ luce petenda est.

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