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Boit son vin, caresse sa fille.
L'embarras des chasseurs succede au déjeûné.
Chacun s'anime et se prépare :

Les trompes et les cors font un tel tintamarre,
Que le bon homme est étonné.

Le pis fut que l'on mit en piteux équipage
Le pauvre potager: adieu planches, carreaux,
Adieu chicorée et poireaux,

Adieu de quoi mettre au potage.

Le lievre étoit gîté dessous un maître chou.
On le quête, on le lance : il s'enfuit par un trou,
Non pas trou, mais trouée, horrible et large plaie
Que l'on fit à la pauvre haie

Par ordre du seigneur; car il eût été mal
Qu'on n'eût pu du jardin sortir tout à cheval.
Le bon homme disoit : Ce sont là jeux de prince.
Mais on le laissoit dire; et les chiens et les gens
Fírent plus de dégât en une heure de temps,
Que n'en auroient fait en cent ans
Tous les lievres de la province.

Petits princes, vuidez vos débats entre vous: De recourir aux rois vous seriez de grands fous. Il ne les faut jamais engager dans vos guerres, Ni les faire entrer sur vos terres.

V. L'Ane et le petit Chien.
NE forçons point notre talent;

Nous ne ferions rien avec grace:
Jamais un lourdaud, quoi qu'il fasse,
Ne sauroit passer pour galant.

Peu de gens, que le ciel chérit et gratifie,
Ont le don d'agréer infus avec la vie.

C'est un point qu'il leur faut laisser,
Et ne pas ressembler à l'âne de la fable,

Qui, pour se rendre plus aimable
Et plus cher à son maître, alla le caresser.
Comment! disoit-il en son ame,
Ce chien, parcequ'il est mignon,
Vivrà de pair à compagnon
Avec monsieur, avec madame:
Et j'aurai des coups de bâton!
Que fait-il? il donne la patte,
Puis aussitôt il est baisé :

S'il en faut faire autant afin que l'on me flatte,

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Dans cette admirable pensée,

Voyant son maître en joie, il s'en vient lourdement,
Leve une corne tout usée,

La lui porte au menton fort amoureusement,
Non sans accompagner, pour plus grand ornement
De son chant gracieux cette action hardie.
Oh! oh! quelle caresse ! et quelle mélodie !
Dit le maître aussitôt. Hc'à, Martin-bâton!
Martin-bâton accourt: l'âne change de ton.
Ainsi finit la comédie.

VI. Le combat des Rats et des Belettes.

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Or, une certaine année

Qu'il en étoit à foison,
Leur roi, nommé Ratapon,
Mit en campagne une armée.
Les belettes, de leur part,
Déployerent l'étendard.
Si l'on croit la renommée,
La victoire balança:

Plus d'un guéret s'engraissa
Du sang de plus d'une bande.
Mais la perte la plus grande
Tomba presque en tous endroits
Sur le peuple souriquois,

Sa déroute fut entiere

Quoi que pût faire Artarpax,
Psicarpax, Méridarpax,

Qui, tout couverts de poussiere,
Soutinrent assez long-temps
Les efforts des combattants.
Leur résistance fut vaine,
Il fallut céder au sort:
Chacun s'enfuit au plus fort,
Tant soldat que capitaine.
Les princes périrent tous.
La racaille, dans des trous
Trouvant sa retraite prête,
Se sauva sans grand travail :
Mais les seigneurs sur leur tête
Ayant chacun un plumail,
Des cornes ou des aigrettes,
Soit comme marques d'honneur,
Soit afin que les belettes
En conçussent plus de peur,
Cela causa leur malheur.
Trou, ni fente, ni crevasse,
Ne fut large assez pour eux:

Γ

Au lieu que la populace
Entroit dans les moindres creux.
La principale jonchée

Fut donc des principaux rats.

Une tête empanachée

N'est pas petit embarras.
Le trop superbe équipage
Peut souvent en un passage
Causer du retardement.

Les petits en toute affaire
Esquivent fort aisément :

Les grands ne le peuvent faire.

VII. Le Singe et le Dauphin.
C'ÉTOIT chez les Grecs un usage
Que sur la mer tous voyageurs
Menoient avec eux en voyage
Singes et chiens de bateleurs.
Un navire en cet équipage
Non loin d'Athenes fit naufrage.
Sans les dauphins tout eût péri.
Cet animal est fort ami

De notre espece: en son histoire
Pline le dit; il le faut croire.
Il sauva donc tout ce qu'il put.
Même un singe en cette occurrence,
Profitant de la ressemblance,
Lui pensa devoir son salut :

Un dauphin le prit pour un homme,
Et sur son dos le fit asseoir
Si gravement, qu'on eût cru voir
Ce chanteur que tant on renomme.

Le dauphin l'alloit mettre à bord,
Quand, par hasard, il lui demande :
Etes-vous d'Athenes la grande?
Oui, dit l'autre ; on m'y connoît fort:
S'il vous y survient quelque affaire,
Employez-moi; car mes parents
Y tiennent tous les premiers rangs.
Un mien cousin est juge maire.
Le dauphin dit, Bien grand merci :
Et le Pirée a part aussi'

A l'honneur de votre présence?
Vous le voyez souvent, je pense ?
Tous les jours: il est mon ami;
C'est une vieille connoissance.
Notre magot prit, pour ce coup,
Le nom d'un port pour un nom d'homme.

De telles gens il est beaucoup,
Qui prendroient Vaugirard pour Rome;
Et qui, caquetant au plus dru,
Parlent de tout, et n'ont rien vu.

Le dauphin rit, tourne la tête ;
Et, le magot considéré,

Il s'apperçoit qu'il n'a tiré

Du fond des eaux rien qu'une bête :
Il l'y replonge, et va trouver
Quelque homme afin de le sauver.

VIII. L'Homme, et l'Idole de bois.

CERTAIN

ERTAIN païen chez lui gardoit un dieu de bois, De ces dieux qui sont sourds, bien qu'ayant des oreilles: Le païen cependant s'en promettoit merveilles.

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