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aux Enfans

Enfans, ou du moins pour leur faire une conftitution qui ne foit point fujette à des maladies. Et je ne fai fi ce que j'ai à dire fur ce fujet ne pourroit point être renfermé dans cette courte Maxime, QUE les gens de qualité devroient traiter leurs Enfans, comme les bons Paifans traitent les leurs. Mais parce que les Méres pourroient trouver cela un peu trop rude, & les Péres un peu trop court, j'expliquerai ma pensée d'une maniére un peu plus diftincte, après avoir donné pour régle générale & affûrée, Qu'on gâte la conftitution de la plupart des Enfans par trop d'indulgence & de tendreffe. Cet Avis regarde fur tout les Femmes.

Il ne faut §. VI. La prémiére chofe à quoi l'on doit pas donner prendre garde, c'eft, QUE les Enfans ne des habits foient point vêtus, on couverts trop chaudetrop pe- ment, en hyver ou en été. Lorfque nous

fans.

venons au Monde, le visage n'eft pas moins tendre qu'aucune autre partie du Corps. Ce n'eft que la coûtume qui l'endurcit, & le rend plus propre à fupporter le froid. Sur quoi l'on rapporte une réponse fort juste qu'un Philofophe Scythe fit autrefois à un Athenien. Comme ce dernier s'étonnoit de le voir aller nud au milieu de la glace & de la neige; Et vous, lui dit ce Philofophe, comment pouvez-vous fouffrir que vôtre vifage foit expofe à l'air durant la rigueur de l'hyver? Mon vifage eft accoûtumé à cela dit l'Athenien. Imaginez-vous donc, repli

qua

qua auffitôt le Scythe, que je fuis tout vifa ge. En effet, nos Corps peuvent endurer tout ce à quoi ils font accoûtumez de bonne heure.

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*

Je trouve un exemple bien propre à confirmer cette verité dans une agréable Relation qui vient de paroître fous le tître de Nouveau Voyage du Levant. Quoi qu'il regarde l'excès oppofé à celui dont nous parlons, je veux dire une extrême chaleur, fert également à faire voir quelle eft la force de la Coûtume. Voici les propres termes de P'Auteur, * Les chaleurs font plus violen- Pag. tes dans l'Ile de Malte qu'en lieu de l'Europe: elles paffent celles de Rome. C'est un étouffement d'autant plus infupportable que rarement on eft rafraichi du vent. Auffitous les Paifans font noirs comme des Egyptiens. Au refte ils ne fe foucient nullement du Soleil, la plus brûlante chaleur n'étant pas capable de les faire rentrer dans leur Maison, ni de leur faire ceffer le travail: ce qui m'a fait connoître que la Nature fe peut faire à bien des chofes qui paroiffent impoffibles, pourvû qu'on s'y habitue dès l'Enfance; & c'est. ce que font les Malthois qui endurciffent le Corps de leurs Enfans à la chaleur, en les faifant aller tout nuds, fans chemife ni calçons, ni bonnet, depuis la mammelle jufques à l'âge de dix ans.

Je vous confeille donc de ne pas prendre beaucoup de précaution pour mettre vos

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Enfans à couvert du froid de nôtre Climat Il y a bien des gens en Angleterre qui portent en hyver les mêmes habits qu'en étés fans en fouffrir aucun inconvenient, ni être plus fenfibles au froid que les autres hommes. Cependant fi les Méres veulent abfoment avoir quelque égard pour le temps qu'il gele ou qu'il neige, de crainte que, fi leurs Enfans n'étoient alors un peu plus vêtus qu'à l'ordinaire, ils n'en fuffent incommodez; & fi les Péres n'ofent fe dispenser de la même précaution de peur d'être blâmez: qu'ils prennent garde au moins de ne pas donner à leurs Enfans des habits trop chauds; & qu'ils fe fouviennent, entr'autres chofes, que, puisque la Nature a pris foin de nous couvrir fi bien la tête de cheveux, & de l'endurcir dans un ou deux ans, qu'un Enfant peut aller de jour en plein air fans avoir la tête couverte, il vant mieux que les Enfans couchent auffi la nuit fans bonnet: car il n'y a rien qui caufe plus de maux de tête, de rhûmes, de catherres, de toux & telles autres incommoditez que de fe tenir la tête chaude.

§. VII. Ce que je viens de dire, regarde directement & précisément les Garçons, parce que dans ce Difcours j'ai fur tout en vûe de montrer comment un Garçon de bonne Maison doit être élevé dès fon Enfance, ce qui ne fauroit convenir absolument à l'éducation des Filles. Il fera d'ailleurs

af

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affez facile de diftinguer en quoi la differen-
ce da Sexe exige des foins differens.

accoûtu

froid.

§. VIII. Je dis en fecond lieu, QU'IL Qu'on doit eft bon de laver chaque jour les piés des jeu- mer les nes Enfans dans de l'eau froide; & de leur piés des donner, pour cet effet, des fouliers fi Enfans au minces, que lorsqu'ils mettront les piés dans l'eau, elle y entre à travers. Ici je crains de m'attirer à dos les Méres & les Servantes. Les prémiéres croiront cela trop fale; & les autres peut-être, que ce feroit trop de peine de nettoyer tous les foirs les bas du jeune Enfant. Quoi qu'il en foit, le foin de fa fanté doit l'emporter fur toutes ces confiderations; & pour la lui conferver, il faudroit employer dix fois plus de temps s'il étoit néceffaire. Qui confiderera ferieusement combien c'est une chofe dangereufe & mortelle d'être mouillé aux piés lors qu'on a été élevé trop délicatement, fouhaitera, je m'affûre, d'avoir marché nuds piés dans fon bas âge comme font les Enfans du menu Peuple, lesquels par ce moyen font fi fort accoûtumez à fouffrir l'humidité aux piés qu'ils ne font pas plus en danger de s'enrhumer ou d'attraper quelque autre incommodité en fe mouillant les piés, que s'ils fe mouilloient les mains. Et d'où pourroit venir, je vous prie, cette grande difference qu'il y a, à cet égard, entre les mains & les piés des autres hommes, que de la Coûtume? Je fuis très-perfuadé, que, fi un A 4

hom

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homme avoit été accoûtumé dès le berceau à aller nuds piés ; & qu'il eut eû les mains toûjours enveloppées de bonnes fourrures, toûjours couvertes de gands (que les Hollandois nomment fouliers des mains) je fuis, dis-je, très-affûré, qu'en ce cas-là il feroit auffi dangereux pour cet homme de fe mouiller les mains, qu'il l'eft préfentement à plufieurs autres perfonnes de fe mouiller les piés. Le vrai moyen de prévenir ce dernier inconvenient, c'eft, comme je viens de dire de faire aux Enfans des fouliers qui puiffent recevoir l'eau, & de leur laver les piés conftamment chaque jour dans de l'eau froide. La propreté pourroit feule fuffire à rendre cette pratique recommandable: mais pour moi, je n'en parle ici que par rapport à la fanté; c'eft pourquoi je n'en fixe point le temps à une certaine heure du jour. Je connois un Enfant qui s'eft lavé les piés chaque nuit avec beaucoup de fuccès, & cela durant l'hyver fans laiffer paffer une feule nuit, par un très-grand froid, de forte que dans le temps que l'Eau étoit couverte de glace, l'Enfant ly plongeoit fes piés & fes jambes, quoi qu'il ne fut pas d'âge à pouvoir les frotter & effuyer lui-même. Etlorsqu'il commença, il étoit valetudinaire, & d'une conftitution fort tendre. Mais comme le grand but qu'on fe propofe en cette occafion, c'eft de fortifier ces parties par un frequent ufage d'eau froide, afin de préve

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