Page images
PDF
EPUB

nombre de gens fuperficiels vient de l'oubli de cette pratique.

Tout le monde, je penfe, tombera d'accord avec ce judicieux Ecrivain, que l'étude des Langues convient proprement à nos prémiéres années. Mais c'eft aux Parens & aux Gouverneurs à confidérer quelles Langues il eft à propos qu'un Enfant apprenne; car il faut avouer que c'eft faire perdre à un Enfant fon temps & fa peine, que de l'engager à apprendre des Langues dont il n'ya pas apparence qu'il faffe jamais aucun ufage dans le genre de vie auquel il eft destiné, ou qu'on peut s'affûrer, vû fon temperament, qu'il laiffera entiérement échapper de fa memoire, dès que débarraffé d'un Gou verneur dans un âge plus avancé il s'abandonnera à fes propres inclinations qui felon toutes les apparences ne lui permettront pas de donner aucune partie de fon temps à cultiver les Langues favantes, ou à s'appliquer à aucune autre Langue qu'à celles qu'un conftant ufage ou quelque néceffité particuliere le forcera de conferver.

le forti

Cependant pour l'amour des Enfans deftinez aux Lettres, j'ajoûterai une autre reflexion que le même Auteur a joint au paffage que vous venez de voir, pour fier davantage. Elle merite d'être foigneufement confidérée par tous ceux qui defirent d'être veritablement favans; & les Maîtres ne peuvent mieux faire que de l'inculquer à

leurs

leurs Difciples, & de la leur laiffer comme une Régle très-propre à les diriger dans les Etudes qu'ils feront d'eux-mêmes dans la fuite. L'étude des textes, ajoûte cet Auteur *, * Pag. 519. ne peut jamais être affez recommandée: c'est le chemin le plus court, le plus fûr & le plus agreable pour tout genre d'érudition. Ayez les chofes de la premiére main; puifez à la fource; manier, remaniez le texte; apprenez-le de memoire; citez-le dans les occafions; fongez fur tout à en pénétrer le fens dans toute fon étendue & dans toutes fes circonftances. Conciliez un Auteur original; ajuftez fes principes; tirez vous-même les conclufions. Les prémiers Commentateurs fe font trouvez dans le cas où je defire que vous foyez ; n'empruntez leurs lumiéres, & ne fuivez leurs vues qu'où les vôtres feroient trop courtes: leurs explications ne font pas à vous, & peuvent aisément vous échapper: vos obfervations au contraire naiffent de vôtre Ef prit, & y demeurent, vous les retrouvez plus ordinairement dans la converfation dans la confultation & dans la difpute. Ayez le plaifir de voir que vous n'êtes arrêté dans la lecture que par les difficultez qui font invincibles, où les Commentateurs & les Scholiaftes eux-mêmes demeurent court, fi ferti les d'ailleurs, fi abondans & fi chargez d'u ne vaine & faftueuse érudition dans les endroits clairs, & qui ne font de peine ni à eux ni aux autres. Achevez ainfi de vous conBb 2 vain

La Métho

vaincre par cette Méthode d'étudier, que ceft la pareffe des hommes qui a encouragé le Pedantifme à groffir plûtôt qu'à enrichir les Bibliotheques, a faire perir le texte fous le poids des Commentaires; & qu'elle a en cela agi contre foi-même & contre fes plus chers intérêts, en multipliant les lectures, les recherches & le travail qu'elle cherchoit à éviter.

que

Quoi que cet avis ne femble intereffer

les Gens de Lettres, il eft d'une fi grande importance pour bien regler leur éducation & leurs études, que j'efpere qu'on ne me blâmera point de l'avoir inferé ici; fur tout, fi l'on confidére qu'il peut aussi être d'ufage à des Gentilshommes, fi jamais ils ont envie de pénétrer au delà de la fimple furface des chofes, d'approfondir quelque Science particuliére, & de s'en rendre maî

tres.

§. CCII. On dit que ce qui met le plus de eft l'a- de différence entre les hommes, c'est l'orme des Etudes. dre & la conftance. Je fuis du moins fort affùré que rien n'applanit & n'abrege tant le chemin de toute perfonne qui apprend quelque chofe, & ne lui fait faire tant de progrès fans beaucoup de peine, qu'une bonne Méthode. C'eft dequoi un Précepteur devroit convaincre fon Difciple, en l'accoûtumant à suivre une Méthode exacte dans toutes fes études; en lui montrant en quoi elle confifte, & quels en font les avanta

ges,

ges; & en lui en faifant connoître les différentes espèces, tant celle où l'on descend du général au particulier, que celle où l'on va des idées particuliéres à celles qui font plus générales. Il devroit auffi l'exercer dans ces deux Méthodes, & lui montrer en quel cas P'une eft préferable à l'autre, & à quelles fins l'une ou l'autre peut le mieux fervir.

Dans l'Hiftoire il faut fuivre l'ordre des temps; & dans les recherches Philofophiques celui de la Nature, c'eft à dire que comme dans toute progreffion on paffe du lieu où l'on eft à celui qui fuit immédiatement, de même l'Esprit doit confidérer les choses dans leur état le plus fimple, en paffant de ce qu'il connoît à ce qui vient immédiatement après, & qui eft lié à ce qu'il voit déja, en avançant toûjours vers le but où il a deffein de parvenir, par un examen fuivi de toutes les parties le moins compofées dans lesquelles le fujet peut être divifé. Pour cet effet un Précepteur rendra un grand fervice à fon Difciple, s'il l'accoûtume à bien diftinguer, je veux dire à fe former des idées diftinctes de toutes les chofes où l'Esprit peut découvrir quelque différence réelle, & en même temps à éviter avec autant de foin des dif tinctions purement verbales, par tout où il n'a point d'idées qui foient clairement & réellement diftinctes.

[blocks in formation]

XXIV. Des exercices d'un jeune
Gentilhomme.

Quels font §. CCIII. UTRE ce qu'on peut ap

exerci

ces que

doit ap

jeune Gen

prendre par le moyen de l'Etude & des Livres, il y a d'autres chofes prendre un néceffaires à un Gentilhomme qui s'apprentilhomme. nent par l'exercice, & auxquelles il faut qu'il donne quelque partie de fon temps fuivant les directions des Maîtres qu'il doit avoir pour cela.

La Danfe.

Comme la Danfe répand fur tous les mouvemens du Corps un certain agrément qui ne fe perd jamais, & qu'elle donne fur tout un air mâle, & une heureuse confiance qui fied très-bien aux jeunes Enfans, je croi qu'on ne fauroit leur enfeigner trop tôt à danfer, lors qu'une fois leur âge & leurs forces peuvent le permettre. Mais n'oubliez pas d'avoir un bon Maître, qui fe connoiffe aux veritables agrémens, qui fache qui fache y dreffer fes Ecoliers & leur donner un certain air libre & dégagé qui paroiffe dans toute leur démarche. Si un Maître n'enseigne point çela ; il vaut mieux n'en avoir point du tout: çar un air purement naturel est beaucoup plus eftimable que des maniéres ridicules & pleines d'affectation. Et pour moi, je croi qu'il vaut beaucoup mieux lever le Chapeau & faire la révérence comme un honnête Gentilhomme de campagne, que comme

un

« PreviousContinue »