Page images
PDF
EPUB

d'être diftraits, & les engagera à fe recueillir en eux-mêmes, au lieu de s'amufer fans attention à toutes les vaines idées qui fe préfentent à leur Efprit. C'eft pourquoi j'efti me qu'on fera fort bien de leur donner tous les jours quelque chofe à repaffer dans leur memoire, mais quelque chofe qui en vaille la peine, & que vous feriez bien aife qu'ils puffent toûjours rappeller, toutes les fois que vous le leur ordonnerez, ou qu'ils le defireront eux-mêmes. Vous les engagerez par là à reflechir fouvent fur leurs propres pensées, ce qui eft une des meilleures habitudes intellectuelles qu'on puiffe leur fouhaiter.

§. CLXXXII. Du refte à qui que ce foit qu'on confie l'inftruction d'un Enfant durant fa tendre jeuneffe, il eft certain que ce devroit être à une perfonne qui regardât le Latin & toutes les Langues comme la moindre partie de l'Education; une perfonne qui fachant combien la Vertu & la bonté du naturel font préferables à toute forte de Sciences, ou à la connoiffance des Langues, s'attachât principalement à former l'Esprit de fes Ecoliers, & à faire naître en eux d'heureuses difpofitions à la Vertu: car fi une fois ces bonnes difpofitions ont pris racine dans le cœur, quand bien on negligeroit tout le refte, elles le produiroient lors qu'il en feroit temps; au lieu que fi elles n'y font pas gravées affez profondément pour

cou

S

couper cours aux mauvaifes habitudes, les Langues, les Sciences & tous les autres ap panages d'une bonne Education ne ferviront qu'à rendre un homme plus méchant & d'un commerce plus dangereux. Et dans le fond quoi qu'on ait fait fonner bien haut la difficulté qu'il y a d'apprendre le Latin à un Enfant, fa Mére peut le lui enfeigner elle-même, fi elle veut bien prendre la peine d'employer feulement deux ou trois heures par jour, à lui faire lire devant elle les quatre Evangiles en Latin. Et pour cet effet, el le n'a qu'à acheter un Nouveau Teftament Latin, où quelqu'un marque d'un accent la penultiéme fyllabe des mots qui en ont plus de deux, pour lui faire connoftre fi elle eft longue, ce qui fuffit pour lui fervir de régle dans la prononciation des mots: après quoi fi elle prend la peine de lire chaque jour les Evangiles avec fon fils, en com parant le Latin avec une traduction de l'Evangile en fa propre Langue, je fuis affûré qu'avec le temps elle ne pourra que les entendre. Et lors qu'elle entendra les Evangiles en Latin, elle pourra lire de la même maniére les Fables d'Efope, & enfuite Entrope, Juftin, & tels autres Livres. Je ne donne pas ceci pour une chofe qui me pa roiffe fimplement poffible, mais pour une chofe dont je fai qu'on a fait l'experience, de forte qu'on a enfeigné fans peine le La tin à un Enfant par ce moyen-là.

Mais pour revenir à ce que je difois d'abord; une perfonne qui fe charge d'élever des jeunes-gens, & fur tout de jeunes Gentils-hommes devroit favoir quelque cho fe de plus que le Latin; & j'ajoûterai qu'il ne lui fuffit pas d'être habile dans les Sciences, pour fe bien acquiter de cet emploi. Ce devroit être un homme d'une vertu é minente & d'une prudence confommée; un homme qui eût du bon fens, le naturel doux, & l'adreffe d'agir toûjours avec fon Eleve d'une maniére grave, agréable, & affectueuse tout ensemble. Mais c'eft dequoi j'ai déja parlé fort au long.

Sciences il

§. CLXXXIII. Dans le temps qu'un En- Quelles fant apprend le Latin, on peut, comme je faut enl'ai déja dit, lui enfeigner l'Arithmetique, la feigner aux Géographie, la Chronologie, l'Hiftoire, & Enfans. même la Géometrie. Car fi on lui montre! ces Sciences en François, ou en Latin, dès qu'il commence à entendre l'une de ces deux Langues, il s'y rendra habile, & apprendra en même temps la Langue, comme par fur

croît.

Je ferois d'avis qu'on le fit commencer La Géopar la Géographie: Car comme on n'a be- graphie. foin que des yeux & de la memoire pour apprendre le Globe, & connoître la fituation & les limites des quatre Parties du Monde, des Royaumes & des Pais particuliers, un Enfant apprendra & retiendra tout cela avec plaifir Cela eft fi vrai que je loge pré- l

fen

fentement dans une Maifon, où il y a un Enfant, que fa Mére a fi bien inftruit dans la Géographie, qu'avant l'âge de fix ans il favoit diftinguer les limites des quatre parties du Monde ; & pouvoit, fans héfiter, montrer fur le Globe quelque Province qu'on lui nommât, ou fur la Carte d'Angleterre quelque Païs particulier de ce Royaume qu'on lui demandât; qu'il connoiffoit tous les grands Fleuves, Promontoires, Détroits & Golfes de la Terre, & favoit trouver la longitude & la latitude de chaque Païs. A la verité, ce qu'un Enfant apprend ainfi par le moyen de la vûe, & qu'il conferve dans fa memoire à force de le répeter, ne contient pas tout ce qu'il doit apprendre fur le Globe. C'eft néanmoins un grand acheminement pour le refte, dont il lui facilitera l'intelligence, lors qu'il aura le jugement affez mûr pour entrer dans cette difcuffion. D'ailleurs c'eft autant de temps gagné pour le préfent ; & l'on engage infenfiblement un Enfant à apprendre des Langues par le plaifir qu'il goûte à connoître des chofes.

L'Arith- §. CLXXXIV. Lors qu'un Enfant a bien metique. imprimé dans fa memoire les Parties qui se

remarquent naturellement fur le Globe, on peut alors commencer à lui enfeigner l'Arithmetique. Par les Parties qui fe remarquent naturellement fur le Globe, j'entens les differentes fituations des Parties de la Ter

Terre & de la Mer, confiderées par rapport aux differens noms & aux diftinctions des Païs; car ce n'est pas encore le temps de parler à un Enfant de ces Lignes artificielles & imaginaires, qu'on a inventées & auxquelles on a eû recours, feulement pour rendre cette Science plus parfaite.

§. CLXXXV. De tous les raifonnemens abftraits, ceux qui fe font par le moyen de l'Arithmetique font les plus faciles, & par conféquent les premiers, dont l'Esprit eft ordinairement capable, ou auxquels il s'accoûtume plus aifément. D'ailleurs, l'Arithmetique eft d'un ufage fi général dans toutes les affaires de la vie, qu'il n'y a prefque rien qu'on puiffe faire fans fon fecours. Auffi eft-il certain qu'un homme ne fauroit s'enfoncer trop avant dans cette Science, ni en avoir une connoiffance trop parfaite. C'eftpourquoi un Enfant doit commencer à s'y exercer auffi-tôt qu'il en eft capable, s'y perfectionner autant qu'il pourra, & s'y appliquer regulierement tous les jours, jufqu'à ce qu'il foit maître dans cet Art.

Dès qu'il faura l'Addition & la Souftraction, on peut commencer à le pouffer plus avant dans la connoiffance de la Géographie, & quand il connoîtra les Poles, les Zones, les Cercles Paralleles, & les Meridiens, il faut lui enfeigner ce que c'eft que. Longitude & Latitude, & l'ufage des Cartes; & lui apprendre par le moyen des Z

nom

« PreviousContinue »