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pas tant de plaifir à voir fon Enfant causer joliment qu'à l'entendre bien raifonner. Excitez donc la curiofité de vôtre Enfant autant que vous pourrez, en fatisfaifant à toutes fes demandes, & en lui formant le jugement autant qu'il en eft capable. Si fes raifons font paffables à certains égards, il Pen faut loûer: & s'il donne tout-à-fait à gauche, il faut le ramener doucement dans le bon chemin, fans le railler de la méprise qu'il vient de faire. Du refte, s'il paroît empreffé à raisonner fur tout ce qui fe préfente à fon Efprit, prenez garde, autant qu'il eft en vôtre pouvoir, que perfonne n'étouffe cette inclination, ou ne la corrompe par des entretiens captieux, & illufoires. Car après tout, comme de toutes les Facul tez de nôtre Ame, celle qui confifte à raifonner, eft fans contredit la plus fublime & la plus importante, elle merite auffi qu'on s'attache à la cultiver avec tout le foin poffible; puisque le plus haut point d'excellence où l'Homme puiffe arriver dans ce Monde, confifte à perfectionner fa Raifon, & à en faire un bon usage.

XVII. De l'indifference que certains Enfans ont pour s'inftruire: Moyen de la corriger.

De la Non- §. CXXVI. Ons les Enfans une difpo

N remarque quelquefois

chalance
de certains
Enfans.

fition d'Efprit directement contraire à ce temperament actif qui porte à s'enquerir de tout; je veux parler de cette molle nonchalance qui leur fait regarder les choses d'un œuil tout-à-fait indifferent, & leur inspire même une espece de mépris pour leurs occupations. Cette difpofition eft, felon moi, l'une des plus mauvaises qualitez que puiffe avoir un Enfant, & des plus difficiles à corriger lors qu'elle est naturelle. Mais comme on peut s'y tromper en certaines rencon→ tres, il faut tâcher de bien connoître cette indifference que les Enfans ont pour leurs Livres ou pour leurs occupations, & qu'on peut quelquefois trouver à redire dans un Enfant. Sur le premier foupçon qu'a un Pére, que fon Enfant ne foit d'une humeur pareffeufe & indifferente, il doit l'observer avec foin, pour favoir s'il eft froid & indifferent dans tout ce qu'il fait, ou bien s'il n'eft lent & pareffeux qu'à l'égard de certaines occupations, mais ardent & empreffé pour d'autres. Car quoi qu'on s'apperçoive, qu'il n'étudie fa leçon que négligemment, & qu'il

fe écouler, fans rien faire, urie bonne pårtie du temps qu'il paffe dans fa Chambre ou dans fon Cabinet, on n'en doit pas conclurre tout auffi-tôt que cela vient de fon temperament négligent & pareffeux. C'est peutêtre par un pur effet de fon jeune âge qu'il en use ainfi, & parce qu'il préfere à fes études certaine chofe qui occupe toutes fes penfées ; & que d'un autre côté il ne prend pas plaifir à étudier fa leçon par une raison fort naturelle, qui eft, qu'on l'y oblige comme à une chofe indifpenfable. Pour diftinguer exactement ce qui en eft, obfervez vôtre Enfant dans fes jeux & dans fes divertiffemens, lors qu'il eft hors du lieu où il eft obligé d'étudier, & qu'il a une pleine liberté de s'occuper à ce qu'il veut: examinez, dis-je, s'il eft vif & agiffant dans ce tempslà; s'il fe propofe quelque deffein, & s'il en pourfuit l'execution avec application & avec ardeur, jufques à ce qu'il en foit venu à bout; ou bien, s'il laiffe paffer le temps négligemment fans fonger à rien faire. Si cette humeur froide & lente ne paroit en lui que lorsqu'il eft après à étudier fa leçon, je crois qu'on peut l'en corriger aifément; mais fi c'eft un effet de fon temperament, il faudra prendre un peu plus de peine & d'application pour le guerir de ce défaut.

§. CXXVII. Si par l'empreffement que Moyen de vôtre Enfant fait paroître pour fes divertiffe- la corriger mens, ou pour quelque autre chofe à quoi pas univerQ il felle.

fi elle n'eft

il applique fon Esprit dans les intervalles de temps qui s'écoulent entre les heures de fes occupations, vous êtes convaincu qu'il n'est pas porté de lui-même à la fainéantise, mais qu'il n'y a que le dégoût qu'il a pour fes Livres qui le rende negligent & pareffeux lors qu'il eft obligé d'étudier fa leçon; il faut commencer par lui représenter doucement, combien cette conduite eft déraisonnable, & à quels inconveniens elle l'expofe, puis qu'il perd par-là une bonne partie de fon temps qu'il pourroit employer à goûter un veritable plaifir; mais fouvenez-vous bien de lui dire cela avec beaucoup de douceur & de moderation, fans y infifter beaucoup la premiere fois, vous contentant de lui propofer ces raifons communes en peu de mots. Si cela fait effet fur fon efprit, vous ferez venu à bout de cette affaire par les moyens qu'on doit le plus fouhaiter d'employer en ces fortes d'occafions, je veux dire la Raifon & la douceur. Mais fi cette premiére tentative ne vous réüffit point, tâchez de lui faire honte de fa maniére d'agir, en le raillant de fa lenteur. Pour cet effet, demandez lui chaque jour lors qu'il vient à table, pourvû qu'il n'y aît aucun Etranger, combien de temps il a employé à fes occupations: & s'il n'a pas fait fa tâche dans le temps qu'on a droit de fuppofer qu'il auroit dû l'achever, faites lui en la guerre, tournez en ridicule cette negligence, mais fans ajoûter aucune cenfure.

Con

Contentez vous feulement de le regarder dèslors avec froideur. Continuez d'en ufer ainfi avec lui jufqu'à ce qu'il change de conduite; & ayez foin que durant tout ce tempslà, fa Mére, fon Gouverneur, & tous ceux qui font auprès de lui, faffent la même chofe. Que fi cela ne produit point l'effet que vous defirez, dites lui qu'il ne fera pas inquiété davantage par un Gouverneur qui prenne foin de fon Education; que vous ne voulez plus dépenfer de l'argent pour tenir une perfonne auprès de lui fans rien faire, mais que, puis qu'il aime mieux s'amufer à tel ou tel jeu, (quel qu'il foit) que d'étudier fa leçon, il ne doit pas employer fon temps à autre chofe. Après cela, obligez-le ferieufement à s'appliquer au jeu qui lui plaît le plus, & cela conftamment le matin & l'après-midi, jufqu'à ce qu'il en foit dégoûté, & qu'il veuille à quelque prix que ce foit donner certaines heures du jour à l'Etude, au lieu de les employer à fes divertiffemens. Mais en lui impofant la neceffité de s'amufer ainfi à certains jeux, il faut néceffairement le voir faire vous-même, ou en charger quelque autre perfonne qui puiffe reglément lui voir fournir cette tâche, de forte qu'il n'aît pas la liberté de s'en difpenfer. Je vous dis d'obferver vous-même vôtre Enfant, parce que c'eft une chofe bien digne des foins d'un Pére (quelque affaire qu'il aît d'ailleurs) d'employer deux ou trois jours Q 2

pour

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