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que vous pouvez defirer, & vous aurez pro¬ duit effectivement dans fon cœur ce veritable refpect, qu'il faut tâcher d'augmenter & de conferver dans la fuite, par rapport aux deux parties qu'il renferme qui font l'Amour & la Crainte; deux grands moyens par où vous aurez toûjours prife fur lui, pour le faire marcher dans le chemin de la Vertu & de l'Honneur.

XI. Qu'on doit avoir égard autemperament des Enfans

§. CIII, font, fi vous voyez que le C

E fondement une fois bien af

fermi,

refpect que vous avez infpiré à vôtre Enfant commence à faire effet fur lui; la prémiére chofe à quoi vous devez fonger, c'est à examiner avec foin la nature de fon temperament, & la conftitution particuliére de fon Efprit. Mais s'il eft enclin à l'opiniâtreté, au menfonge, & à d'autres femblables défauts, vous devez travailler d'abord à l'en corriger comme nous l'avons déja dit; quel que foit d'ailleurs fon temperament. Bien loin de fouffrir que ces vices prennent racine, il faut les étouffer auffi-tôt qu'ils viennent à paroître. Et fouvenez-vous d'établir. vôtre autorité fur vôtre Enfant dès qu'il commençe à faire paroître le moindre rayon de connoiffance, afin qu'elle puiffe agir fur lui comme un principe naturel, dont il n'ait ja

mais remarqué l'origine. Par-là le refpect qu'il doit avoir pour vous, étant gravé de bonne heure dans fon efprit, lui fera toûjours facré; & il n'aura pas moins de peine à en violer les loix, que fi c'étoient autant de Principes innez.

S. CIV. Après que vous aurez ainfi établi vôtre autorité, & que par l'ufage mode ré que vous en ferez, vous aurez inspiré à vôtre Enfant de la honte pour tout ce qui tend à produire en lui de mauvaises habitudes, (car je ne fuis nullement d'avis que pour cela vous ayiez recours aux cenfures, & moins enpore aux coups, jufqu'à ce qu'une opiniâtreté invincible vous oblige néceffairement d'employer ces moyens) après avoir, dis-je, amené les chofes à ce point, il eft à propos d'examiner comme je viens de dire, quel eft le Naturel de vôtre Enfant, & à quoi le porte la difpofition particuliere de fon efprit. Il y a des hommes qui par une fuite néceffaire de leur conftitution font courageux, ou timides; effrontez, ou modeftes; doux, ou intraitables; exacts, ou negligens; vifs ou lents. En un mot, il n'y a pas plus de diftinction entre les vifages des hommes, & la forme exterieure de leurs Corps, qu'entre les qualitez de leurs Efprits. La feule difference qu'il y a entre ces deux chofes, c'eft que la diftinction des traits du vifage de chaque homme, & de la difpofition particuliére de leurs Corps, deM 5 vient

Il faut tâ

connoître

des Enfans.

vient toûjours plus fenfible avec l'âge, au lieu que l'état particulier de l'Ame eft fort aifé à connoître dans les Enfans, avant qu'ils ayent appris l'Art de cacher leurs défauts, & de couvrir leurs mauvaifes inclinations fous de fauffes apparences.

s;

6. CV. Commencez donc de bonne heucher de re à obferver avec foin le temperament de la paffion vôtre Enfant, & cela dans le temps qu'il dominante eft plus à lui-même. Examinez quelles font fes Paffions, & fes inclinations dominantes s'il eft violent ou moderé; hardi ou timide; tendre ou cruel; ouvert ou refervé, &c. Car felon que ces differentes qualitez prédomineront en lui, vous devez l'élever d'une maniére differente, & prendre des mefures particuliéres pour faire agir diversement vôtre autorité auprès de lui. Ces fortes d'inclinations naturelles qui font des productions du temperament, ne doivent point être reprimées par des préceptes ou par une oppofition directe, & fur tout, celles qui ont quelque chofe de rampant & qui procedent de timidité & de baffeffe d'ame; quoi que par adreffe on puiffe les dégager à peu près de ce qu'elles ont de vicieux, & les diriger à une bonne fin. Mais cependant tenez pour affuré qu'après avoir mis tout en ufage pour rectifier ces prémiéres paffions, l'inclination fe tournera toûjours vers l'endroit où la Nature l'a déterminée d'abord; de forte que fi yous obfervez exactement le caractére de

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Efprit de vôtre Enfant dès les prémiéres années de fa vie, vous pourrez juger dans la fuite de quel côté il portera fes penfées, & quelles feront fes vûes, lors même que devenant grand, fes deffeins feront plus cachez, & qu'il fera agir divers refforts pour les executer.

XII. Il ne faut pas laiffer prendre trop d'empire aux Enfans, & pourquoi.

S. CVI. TE vous ai déja fait remarquer Les Enfans

turelle

té, & qu'ainfi l'on doit leur faire faire les cho- ment l'emfes auxquelles ils ont de la difpofition, fans pire. les y contraindre en aucune maniére. J'ajoû terai maintenant qu'il y a une chofe que les Enfans aiment encore plus que la liberté, c'est l'empire & le defir d'être maîtres, paffion qui eft la prémiére caufe de la plupart des habitudes déreglées où ils s'engagent ordinairement. Cet amour qu'ils ont pour la puiffance & pour l'Empire éclatte de fort bonne heure voici deux chofes qui le prou yent évidemment.

1. Nous voyons que les Enfans, presqu'auffi-tôt qu'ils font nez, ou, pour m'exprimer plus exactement, long temps avant qu'ils fachent parler, pleurent, fe dépitent deviennent chagrins & de mauvaise humeur,

feu

feulement pour avoir la liberté de faire tout ce qui leur vient en fantaifie. Ils voudroient que les autres fe foûmiffent entiérement à leurs defirs. Ils n'oublient rien pour se faire rendre une promte obeiffance par tous ceux qui font autour d'eux, & fur tout par ceux qui font à peu près du même âge & de la même condition ou qui leur font inferieurs à ces deux égards; ils tâchent, dis-je, de jouir de ce petit empire, dès qu'ils viennent à confidérer les autres fous ces fortes de diftinctions.

2. Les Enfans font encore paroître leur paffion pour l'empire, par le defir qu'ils témoignent d'avoir des chofes qui leur appartiennent abfolument. Ils aiment à en être les proprietaires, pour avoir le plaifir de jouir du pouvoir que cette poffeffion femble leur procurer, ou du droit qu'ils ont par là d'en difpofer à leur fantaifie. Quiconque n'a point apperçu que les Enfans font bientôt fujets à ces deux fortes de Paffions, ne les a pas examiné de fort près; & celui qui ne fent pas la néceffité qu'il y a d'étouffer promptement ces inclinations, d'où naiffent la plûpart des injuftices & des querelles qui troublent fi fort la vie humaine, & de leur fubf tituer des habitudes contraires, perd la veritable faifon d'inspirer à fes Enfans les fentimens qu'ils doivent avoir pour devenir habiles & vertueux. Voici, fi je ne me trompe, des moyens capables en quelque for

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