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ont à l'envi dénaturé la langue précise et limpide du dixseptième siècle. Cette jeune école, hardie mais aventureuse, s'est perdue par l'orgueil, et après avoir lancé de si belles flammes, elle ne jette plus maintenant que de la fumée et des scories.

Depuis 1835 il y a une réaction sensible contre les écrivains incorrects et contre les grammairiens ignorants et systématiques, et l'on penche visiblement à reprendre la langue du dix-septième siècle, en acceptant les nouveautés légitimes qu'y a introduites le tems; mais ce mouvement sera vain, s'il n'est secondé et dirigé par des hommes qui ont des lumières spéciales et un jugement sain et courageux.

Dans notre désir de voir la langue se rasseoir et se régénérer de plus en plus, nous avons abordé la question de l'autorité et celle des áges, les croyant capitales aujourd'hui dans la littérature. Nous ne pouvons partager l'opinion de ceux qui disent : tout est perdu. Sans doute beaucoup de mal est fait, mais comme la nation est encore pleine de vie, c'est une erreur funeste de désespérer de l'avenir.

Nous devons dire un mot sur notre réimpression de la Def fence et illustration de la langue francoyse de Joachim du Bellay. C'est un des plus précieux opuscules littéraires du seizième siècle; l'auteur, ami de Ronsard, l'écrivit pour appuyer les tentatives de la nouvelle école poétique, et faire rendre à la langue vulgaire l'empire que le latin usurpait encore. Cette Deffense est elle-même un monument de notre langue dans la période qui prépara le français de Balzac et de Pascal.

L'édition originale de la Deffence et illustration de la langue francoyse est devenue tellement rare qu'on ne la trouve plus dans le commerce. Pour posséder cet ouvrage, il faut l'acheter dénaturé dans son orthographe, dans son langage même, et enfoui dans un gros volume de vers d'un mérite fort inégal. Nous avons cru faire plaisir aux amatcurs dé Du

Bellay et du XVIe siècle de réimprimer cette Deffence, si justement estimée et recherchée des connaisseurs. Le texte que nous donnons est collationné sur un exemplaire de l'édition originale, appartenant à la bibliothèque de l'Arsenal, et dont voici le titre exact : La Deffence et illustration de la langue francoyse, par J. A. D. B. Imprimé à Paris pour Arnoult l'Angelier, 1549. In-8° (sans pagination). Nous en avons conservé l'orthographe, mais en y introduisant la distinction de l'u et du v, de l'i et duj, et sans nous asservir à la ponctuation et aux lettres capitales qui y surabondent d'après l'usage du tems; pour tout le reste, l'orthographe de l'édition originale est exactement reproduite.

Beaucoup de savants, en réimprimant aujourd'hui de vieux textes, ont l'habitude de placer sur les e inaccentués alors, les accents que nous y mettons aujourd'hui : nous avons cru devoir nous éloigner de cette méthode, qui est évidemment erronée. Qui m'assure que du tems de mon vieil auteur on prononçait les e comme aujourd'hui ? Il faudrait par des preuves solides avoir établi à l'avance leur prononciation.

Dans l'édition que nous suivons, il y a parfois un accent sur a, troisième personne du singulier du présent de l'indicatif du verbe avoir, mais le plus souvent il n'y en a pas; nous avons cherché à l'enlever partout, pensant que cette irrégularité venait de l'imprimeur, et parce qu'ici l'accent n'influe en rien sur la prononciation du mot (1).

Quelques mots nous ont paru être des fautes palpables, provenant sans doute de la négligence de l'imprimeur; nous avons rétabli entre [] la leçon qui était certainement celle de l'auteur.

Du Bellay avait approuvé, sans les adopter toutes, les simplifications orthographiques réclamées par plusieurs de

(1) A la page 85, ligne 10, lisez a au lieu de à.

ses contemporains : « Quant à l'Orthographe, dit-il tout à » la fin de son livre, j'ay plus suyvy le commun et antiq' usaige » que la raison, d'autant que cete nouvelle (mais legitime à >> mon jugement) facon d'ecrire est si mal receue en beau» coup de lieux, que la nouveauté d'icelle eust peu rendre >> l'œuvre non gueres de soy recommendable, mal plaisant, » voyre contemptible aux lecteurs. » Après sa mort les éditeurs de ses œuvres y mirent l'orthographe de l'année de chaque impression nouvelle, et rétablirent ainsi nombre d's qui ne furent définitivement supprimées qu'au XVIIIe siècle, et que Du Bellay avait déjà rejetées de son orthographe ; ils firent plus, ils rajeunirent son langage, substituant personnage, à personnaige, transportèrent à transportarent, et ainsi de suite. Nous n'avons point commis cette faute, et nous espérons qu'on nous en saura gré. On rencontrera dans l'ouvrage de Du Bellay quelques mots écrits de deux manières : c'est un reste des fluctuations et des irrégularités de l'orthographe du moyen-âge, défaut peu sensible dans l'édition originale, mais qui s'accrut dans les éditions posthumes. Nous n'avons pas cru devoir faire disparaître le petit nombre d'irrégularités que présente sous ce rapport l'édition que nous suivons, dans une réimpression faite seulement pour les amateurs et non pour les écoles.

Enfin, toujours dans l'intention d'agréer au lecteur, nous avons rappelé en note au bas des pages quelques passages d'Horace, de Cicéron et de Virgile que Du Bellay avait mêlés à sa composition, et que nous avons reconnus; le lecteur instruit en trouvera peut-être qui nous ont échappé. Ces emprunts nous font voir que Du Bellay connaissait bien ceux dont il repoussait l'idiôme, et que l'étude des anciens n'a pas été sans influence sur la maturité de la langue française.

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OUVRAGES A CONSULTER

SUR L'HISTOIRE, LA PURETÉ ET L'UNIVERSALITÉ
DE LA LANGUE FRANÇAISE.

Illustration de la langue françoise, par Jean Palsgrave. Londres, 1530, in-fol.

Je n'ai pu prendre connaissance de cet ouvrage.

La Deffence et illustration de la Langue Francoyse, par J. A. D. B. (Joachim Du Bellay.) Paris, Arnoult l'Angelier, 1549, in-8°.

Apologie povr la Langue Francoise, en laquelle est amplement deduite son origine et excellence; le moyen de l'enrichir et augmenter selon les anciens Grecs et Romains; l'obseruation de quelques manieres de parler francoises; une exhortation aux Francois d'escrire en leur langue, etc., par J. A. D. B. (Joachim Du Bellay.) Paris, Lucas Breyer, 1580, in-8°.

C'est la meilleure réimpression de l'ouvrage de Du Bellay; elle n'est cependant pas parfaitement exacte.

Lettres d'Estienne Pasquier. La seconde Lettre du liv. I, datée de 1552, adressée à M. de Tournebu, roule sur l'emploi de la langue française dans la littérature.

Oraison de Jacq. Tahureau au Roy, de la grandeur de son regne, et de l'excellance de la langue francoise, etc. Paris, V Maurice de la Porte, 1555, in-4°.

Devis de la langue francoise fort exquis et singulier, par A. M. Sieur de Moystardieres. Paris, Jean de Bordeaux, 1572, in-8°.

Art poëtique françois. — Avec le Quintil Horatian, sur la defense et illustration de la Langue Françoise. Lyon, Benoist Rigaud, 1576, in-18.

Devx dialogves du nouueau langage François, italianizé, et autrement desguizé, principalement entre les courtisans de ce temps: De plusieurs nouueautez, qui ont accompagné ceste nouueauté de langage: De quelques courtisanismes modernes, et De quelques singularitez courtisanesques (par Henry Estienne). Sans date, in-8°.

Project du livre intitulé De la Precellence du langage françois, par Henry Estienne. Paris, Mamert Patisson, 1579, in-8°. La Langue françoyse de Jean Godart, Parisien; première partie. Lyon, Nicolas Jvllieron, 1620, in-8°.

Remarques sur la langue françoise, par Claude Favre de Vaugelas, de l'Academie française. PRÉFACE. Paris, 1647, in-4°.

La defense de la poésie et de la langue françoise (en vers), adressée à M. Perrault, par J. Desmarets. Paris, Nicolas Le Gras, 1675, in-12.

Considerations en faveur de la langue françoise, par l'abbé de Marolles. Paris, 1677, in-4".

De l'Excellence de la langue françoise, par M. Charpentier, de l'Académie Françoise. Paris, Ve Bilaine, 1683, 2 vol. in-8°. C'est un ouvrage verbeux et déclamatoire, où sont noyées quelques bonnes idées.

Bibliothèque universelle et historique de l'année 1687, t. VII, p. 181-195.

On y examine si la langue française a plus gagné que perdu depuis Amyot.

L'Art de bien prononcer et bien parler la langue françoise, par le sieur J. H. (J. Hindret. ) Paris, Ve Cl. Thiboust, 1687, in-12.

Des mots à la mode, et des nouvelles façons de parler: aver la suite traitant du bon et du mauvais usage dans les manieres

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